Le gouvernement de Thiers veut en finir avec les républicains du Creusot. Le 5 mars, le préfet de Saône-et-Loire démissionne. Ami de Gambetta, qui n’est plus ministre de l’Intérieur, il s’efforce d’atténuer les tensions entre les démocrates du Creusot et le gouvernement. Le remplaçant de Gambetta demande au préfet de destituer le maire et le commandant de la Garde nationale. Le Comité républicain ajoute à son titre l’épithète de « socialiste ». Il soutient fermement Dumay et noue des relations avec les autres comités républicains de la région.

Le 19 mars, la Commune de Paris commence. Le 24 mars, au cours d’une réunion publique 3 000 Creusotins adressent à la Garde nationale de Paris « l’expression de leur vive sympathie ». Une manifestation en faveur de la Commune de Paris est préparée par le Comité républicain et socialiste : les gardes nationaux seront convoqués pour une revue. Dumay, avec deux compagnies de gardes s’installera à la mairie. Les autres responsables du Comité harangueront les gardes nationaux et prendront la tête du cortège qui viendra demander au maire de proclamer la Commune.
Le 26 mars, les choses ne se passent pas exactement comme prévu. Le préfet, le procureur général, le commandant militaire de la place sont en alerte. Les autorités ont réagi en envoyant sur la place de la mairie une compagnie d’infanterie et deux groupes de cuirassiers. Sur les trois bataillons de la garde nationale prévus, un seul (800 hommes) se dirige vers la mairie. L’affrontement est à craindre, mais soldats et gardes nationaux fraternisent. Dumay proclame la Commune du Creusot depuis une fenêtre du premier étage de la mairie. Trente-deux personnes forment la Commune et rédigent une déclaration qui affirme vouloir exercer pendant quelques jours les pouvoirs administratifs en attendant des élections…
« Toutes les mesures d’administration communales seront immédiatement soumises à l’appréciation du peuple en réunion publique ou par voie d’affiches ».
Les membres de la Commune décident l’occupation de la gare, du télégraphe et de la poste par la garde nationale. Il est trop tard. L’armée occupe déjà les trois bâtiments visés.
Dans la nuit, le préfet envoie des renforts militaires qui quadrillent la ville. Le 27 mars, impressionnés par le déploiement militaire, la plupart des ouvriers vont à leur travail. La Commune du Creusot a échoué. Dumay s’attend à être arrêté. Mais les autorités hésitent ; elles craignent la réaction des ouvriers dont beaucoup sont armés. Elles proposent la fin des poursuites contre Dumay en échange de sa promesse de se retirer à Autun. Dumay refuse et écrit au préfet qu’il continuera à combattre le gouvernement de Thiers. Une ultime manifestation a lieu le soir, renforcée par les ouvriers qui sortent de l’usine.
Le 28 mars, le calme est revenu. La plupart des membres du Comité républicain s’exilent à Genève. Quelques-uns sont emprisonnés. Dumay se cache au Creusot pendant toute la durée de la Commune à Paris.
Fin avril, le préfet ordonne le désarmement de la garde nationale. 700 fusils et 20 000 cartouches sont récupérées. Mais de nombreux ouvriers gardent leurs armes.
Aux élections municipales du 30 avril, Dumay toujours clandestin affronte le fils Schneider. Au premier tour, la liste démocrate a quatre élus contre un seul aux réactionnaires. Schneider fils réagit en licenciant une centaine d’ouvriers. Les autres sont soumis à un chantage : le pain en votant Schneider contre la famine avec le vote Dumay. La droite remporte le deuxième tour, mais la liste démocrate obtient un succès certain avec une moyenne de 2 400 voix.
Les 28 et 29 juin se déroule, devant la Cour d’assises, de Chalon le procès de 22 Creusotins accusés d’avoir participé à l’insurrection. Les treize accusés présents sont acquittés. Dumay et cinq autres dirigeants démocrates en fuite sont condamnés, par contumace, le premier aux travaux forcés à perpétuité, les autres à la déportation en enceinte fortifiée.
La Commune du Creusot a été un affrontement de classes entre le capitalisme incarné par les Schneider, et le prolétariat encore inexpérimenté, mais qui a menacé un temps le pouvoir des maîtres de forges