Régis Michel, lors de l’exposition au Musée du Louvre, réalisé sous le titre « Posséder et détruire », étudie dans le catalogue le « Bain turc » d’Ingres en se référant à l’analyse littéraire de Jean-Paul Sartre sur Gustave Flaubert dans « L’Idiot de la famille ». Le tableau d’Ingres s’inspire de l’Orient, lève fantasmatiquement les interdits sans abolir l’idée de propriété et d’enfermement ; haïssant les bourgeois, méprisant le peuple après 1848, le maître provoque le voyeurisme et le fétichisme du spectateur pour cultiver le saphisme (fantasme masculin de l’homosexualité féminine).

Ingres - Le bain turc, 1862 (source : catalogue Salon d'automne de 1905, Grand Palais) / Courbet - L'origine du monde,1866, huile sur toile, Musée d'Orsay, Paris
Ingres - Le bain turc, 1862 (source : catalogue Salon d'automne de 1905, Grand Palais) / Courbet - L'origine du monde,1866, huile sur toile, Musée d'Orsay, Paris

 

Régis Michel conclut :

« réactionnaire, doctrinaire, sectaire, et misogyne voire misanthrope … Ingres est pour longtemps le muet du Sérail ».

Gustave Courbet va effacer le formalisme névrotique de l’art pur avec le réalisme social et sexué de « L’Origine du Monde » en montrant la nudité pulpeuse, pileuse, lascive du sexe de la femme émue et convulsive … pour l’invitation au voyage.

Cette œuvre et celle d’Ingres furent commandées par un collectionneur passionné qui s’appelait Khalil Bey alors que les partisans de l’ordre moral (le bien ou le mal) ne comprirent strictement rien à l’œuvre respective des deux maîtres pour se complaire dans une admiration béate de celle des artistes dits «Pompiers» défenseurs d’une culture d’allégeance officielle au chef. Ingres, d’une part, et Courbet, d’autre part, l’un s’autocensurant, l’autre en s’engageant activement dans la Commune, ouvrirent en fait par leur «nu» scandaleux et fascinant les portes de la modernité.

Philippe Lépaulard

À lire les catalogues respectifs des expositions Musée du Louvre – Musée d’Orsay et l’ouvrage référentiel de Michel Thévoz « L’académisme et ses fantasmes », Édition de Minuit

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