D’origine italienne, naturalisé français, il est élève de l’École royale de dessin où il remporte ses premiers succès. Il est reçu ensuite à l’École des Beaux-Arts de Paris, où il suit l’enseignement des sculpteurs David d’Angers et François Rude. Il se marie en 1842 et aura trois enfants. Pour gagner sa vie, il devient assistant de plusieurs sculpteurs, notamment de Jean-Baptiste Carpeaux, son ancien camarade d’atelier, qui l’emploie pour son groupe La Danse, de l’Opéra de Paris. Il obtient des médailles aux Salons de 1863, 1865 et 1866.
Son talent est reconnu et il reçoit la commande d’une partie de la décoration du Louvre (la Mécanique, le Théâtre, l’Industrie, la Paix). Il réalise aussi des sculptures d’anges pour l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois.
Cependant, ses idées républicaines vont s’affirmer et l’amener à adhérer à l’Internationale. En 1870, il fait partie du 137e bataillon de la Garde nationale et, après le 18 mars 1871, il est élu délégué au Comité central. Dans son quartier, le XIe arrondissement, il se substitue au maire et fait partie du bureau militaire qui siège place Voltaire (aujourd’hui place Léon-Blum). Le 6 avril, un placard est affiché dans Paris : Capellaro, avec sept autres camarades, donne l’ordre de brûler devant la statue de Voltaire les nouvelles guillotines que l’ancien gouvernement avait commandées :
« Citoyens, informé qu’il se faisait en ce moment une nouvelle guillotine plus portative et accélératrice, payée et commandée par l’odieux gouvernement déchu, le sous-comité du XIe arrondissement a fait saisir ces instruments serviles de la domination monarchique et en a voté la destruction pour toujours. En conséquence, la combustion va être faite sur la place de la mairie, pour la purification de l’arrondissement et la consécration de la nouvelle liberté à 10 heures. Le 6 avril 1871 » (J.O. du 16 avril).
« Quand on vit les flammes s’emparer des sinistres charpentes, des applaudissements et des cris « Vive la République ! » ont éclaté de toutes parts » (Le Petit National, 8 avril 1871).
Henri Rochefort, dans son journal Le Mot d’Ordre du 7 avril, émet quelques réserves sur cet évènement :
« L’idée était bonne et le boulevard bien choisi. Mais à quoi bon, je le demande, cet autodafé accompli sur le bois de justice, si en détruisant l’échafaud, nous conservons la peine capitale (…)
Ce que nous voulons, ce n’est pas l’incendie de l’échafaud, c’est l’abolition de la peine de mort…
L’heure n’est plus à couper des têtes mais à ouvrir les intelligences. »
Capellaro est arrêté en juin 1871 et jugé le 13 mai 1872 par le 5e conseil de guerre, qui le condamne à la déportation simple en Nouvelle-Calédonie sur l’île des Pins. Il est enfermé à la prison de Sainte-Pélagie, dans laquelle il va bénéficier de conditions exceptionnelles : il est autorisé à poursuivre son travail de sculpteur pour honorer une commande du département de la Seine passée avant 1870 (la statue de l’ange Gabriel pour l’église Saint-Eustache) ! Charles Blanc (le frère de Louis Blanc), directeur des Beaux-Arts, lui fait livrer un bloc de marbre pour qu’il puisse travailler dans sa cellule. Ce traitement de faveur lui permet de faire une autre sculpture, ce qui retarde encore son exil. Mais, au début de l’année 1874, il est transféré au fort de Querlen sur la presqu’île de Crozon, où les conditions de vie deviennent beaucoup plus sévères. Le 29 août 1874, il est embarqué sur la Virginie qui arrive à Nouméa le 4 janvier 1875.
On peut suivre ses pensées grâce à sa correspondance avec sa nièce Eugénie [1]. À la différence d’autres artistes en proie à la dépression, Capellaro va réussir à se sauver en essayant de continuer une activité artistique. S’il constate amèrement :
« Ah ! Nous sommes bien privés ici de jouissances intellectuelles. Si ce n’était la poétique contemplation de la nature, nous serions ramenés à l’état rudimentaire de la vie primitive »,
il affirme cependant :
« Il est matériellement impossible ici de produire une œuvre de sculpture sérieuse. Mais il est pourtant facultatif de faire des études et des compositions. C’est ce que je n’ai cessé de faire et j’ai des matériaux pour l’avenir » (Lettre à sa nièce du 23 décembre 1875).
Dans une autre lettre du 15 février 1876, il résume sa stratégie pour « me trouver debout et alerte à l’heure du réveil. Donc, j’ai travaillé ; j’ai fait de la culture pour entretenir l’exercice corporel et la santé. J’ai fait de l’art pour entretenir le jeu de l’imagination. » Il confectionne des œuvres de petites dimensions : pipes, portraits en médaillons de ses compagnons, qui sont envoyés à leur famille en métropole ; il esquisse une allégorie monumentale de la République, qu’il réalisera à son retour d’exil. Il dessine aussi des portraits d’hommes kanaks [2]. Il participe à l’exposition de Nouméa en mars 1876, et obtient une médaille d’argent pour ses bas-reliefs en terre cuite. Il est également l’auteur d’une lithographie, Le Rêve : un déporté communard, assis à côté d’un bananier, rêve à une République qui apparaît dans un nuage, au-dessus des monuments de Paris, qui le rappellerait en France. Ses amis artistes à Paris s’activent pour sa libération et réussissent à faire commuer sa peine en dix ans de bannissement. Capellaro s’installe à Bruxelles en 1877 et rentre à Paris le 20 avril 1879, ayant bénéficié de la remise du reste.
Contrairement à d’autres artistes communards qui ont été brisés par l’exil ou la déportation, il va faire une belle carrière sous la Troisième République grâce notamment à sa République des Droits de l’Homme, dont il avait travaillé l’esquisse lors de sa déportation. C’est une statue monumentale, fondue en bronze, qu’on retrouve dans de nombreuses villes du Midi (Puisserguier, Gigean, Villeneuve-les-Béziers) et surtout Pézenas, où elle est inaugurée le 14 juillet 1887 : elle se dresse au sommet d’une fontaine monumentale ornée de trois dauphins, chevauchés par des allégories de l’Amour. Il en existe des exemplaires dans d’autres villes (Aurillac, Montier-en-Der, etc.).
En 1882, il est nommé professeur de dessin à l’École normale supérieure de Saint-Cloud ; en 1890, il publie un Guide pratique de dessin-modelage, aux éditions Larousse [3].
PAUL LIDSKY
Notes :
[1] Qui est consultable au musée d’art et d’histoire de Saint-Denis.
[2] Certains de ses dessins sont conservés au musée du quai Branly.
[3] Nous avons trouvé des renseignements intéressants dans un article de Luc Legeard, dans le Bulletin de la Société d’études historiques de la Nouvelle-Calédonie, n°181 du 4e trimestre 2014. Cette revue a publié d’autres articles sur les communards en Nouvelle-Calédonie.