Le Musée d’art et d’histoire de Saint-Denis propose (1) , du 9 octobre 2008 au 12 janvier 2009, une exposition d’œuvres choisies d’Honoré Daumier sur le thème du divertissement dans lesquelles le dessinateur caricature la mise en scène de la culture sous Napoléon III ou tout simplement le rapport du spectateur au spectacle.

Honoré Daumier (1808-1879)
Honoré Victorin Daumier (1808-1879)

Le printemps dernier nous a permis de voir plusieurs expositions à Paris et Marseille et de lire beaucoup d’articles consacrés à Daumier dont on célèbre cette année le bicentenaire de la naissance.

Son regard distancié et critique révèle un artiste étonnamment actuel, réaliste certes, mais aussi quelquefois « surréaliste » ! A tel point que les journalistes chargés de légender ses dessins ne s’y retrouvaient pas toujours comme l’atteste une note manuscrite sur une planche de la série Les Silhouettes :

« Daumier devrait m’obliger dans ce cas-là de me dire ce qu’il a voulu exprimer ».

Il a manié la liberté d’expression avec une force et une furia qui n’a rien à envier à un Picasso qui s’inspire de sa série des Don Quichotte.

De même Courbet, plus jeune que Daumier, se souviendra de sa superbe série des Émigrants (dessins, peintures, plâtres, bronzes) figurant la déportation des Républicains après 1848 dans son carnet sur la Commune de Paris. Les artistes, tout comme les politiques, seront soumis à l’épreuve de la censure et de la prison. Quand Daumier en 1847, accompagné de Barye, Decamps, Rousseau et Scheffer, rédige les statuts d’un salon indépendant, Courbet, qui vient de se voir refuser trois tableaux, a l’idée d’un contre-salon sans jury, ce qui se réalisera l’année suivante en pleine révolution.

Cinq milles oeuvres seront alors exposées au Louvre, le double de ce qui était présenté d’habitude. Rosa Bonheur y décrocha une médaille d’or. Dès l’année suivante, la fête étant finie, un jury élu préside au « salon du choléra » ainsi baptisé par les artistes. Les tendances esthétiques s’affrontent, les partisans du « vrai » s’opposant à ceux du « beau ».

Vingt ans plus tard, le 8 février 1870, les artistes reprennent les luttes là où ils en étaient restés et Daumier signe, avec CorotManet, Courbet et Bonvin, une protestation contre l’intolérance du jury du Salon. Quand la légion d’honneur est proposée par l’Empire vacillant à Daumier en même temps qu’à Courbet, les deux artistes la refusent mais alors que ce dernier écrit une lettre retentissante pour expliquer son geste, Daumier trouve que « cela ne regarde pas le public ». Est-ce l’effet de l’âge ou le souvenir des six mois de prison à Sainte- Pélagie ? Quoi qu’il en soit, ils se retrouveront ensemble le 5 juillet, au banquet offert en leur honneur chez Bonvallet, boulevard du Temple, par leurs camarades artistes.

Le défenseur de Calas (Voltaire) consolé de n’avoir pu défendre Bailly, André Chénier, Camille Desmoulins lithographie d’Honoré Daumier
Le défenseur de Calas (Voltaire) consolé de n’avoir pu défendre Bailly, André Chénier, Camille Desmoulins lithographie d’Honoré Daumier

Pendant le Siège de Paris, Daumier fait partie de la commission pour la sauvegarde des musées. Cette période ainsi que l’occupation prussienne et la République retrouvée seront l’occasion de nouvelles lithographies dont Les victimes se présentent au Conseil de guerre ou Les Châtiments en hommage au livre de Victor Hugo.

Il est probablement encore à Paris aux débuts de la Commune, la lithographie sur le moratoire des loyers (notre couverture), une des premières mesures favorables à la population parisienne rendue exsangue par la guerre, semble en témoigner. De plus, le 17 avril, en tant qu’élu délégué de la Fédération des artistes, il s’oppose par vote à l’idée d’abattre la Colonne Vendôme. On peut supposer que Daumier, traité de « rêveur » par Courbet, a quitté Paris quand les choses commencèrent à mal tourner. Il en avait la facilité puisqu’il louait une petite maison rurale à Valmondois en Seine-et-Oise, aujourd’hui Val-d’Oise.  

Daumier, Tête de Don Quichotte (musée d’Otterlo, aux Pays-Bas)
Daumier, Tête de Don Quichotte (musée d’Otterlo, aux Pays-Bas)

L’émouvante tête de Don Quichotte du musée d’Otterlo, aux Pays-Bas, que l’on s’accorde généralement à dater de cette époque, montre sa lassitude.

Comme beaucoup d’autres Communards, il subira une sorte de contrecoup psychologique et physique. La lithographie du 17 mai 1872 représentant des ouvriers aux prises les uns avec les autres sur un chantier qui ressemble à une barricade et légendée Si les ouvriers se battent, comment veut-on que l’édifice se reconstruise ? confirme le désarroi.

Les quelques années qui lui restent à vivre, malade et misérable, seront embellies par la solidarité de ses amis artistes et intellectuels qui vont lui offrir la maison dont il ne pouvait plus payer le loyer (Corot), lui obtenir une pension de l’État (Arago), lui organiser une exposition (préfacée par Victor Hugo), la seule qu’il aura eue de son vivant et qui l’a fait connaître en tant que créateur d’art, lui qui n’était que dessinateur de presse pour le « grand public ». 

EUGÉNIE DUBREUIL

Note :

(1) Honoré Daumier, Du rire aux armes · Musée d’Art et d’Histoire 22 bis rue Gabriel Péri, 93200 Saint-Denis M° Porte de Paris · Tél. : 01 42 43 05 10 · www.musee-saint-denis.com  

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