Léon Pierre Chevallier naît à Sablé-sur-Sarthe le 15 mars 1847. Son père Jean, journalier, est âgé de 43 ans et sa mère, Jeanne, née Georget, a 46 ans. Ses parents, qui ont grandi et se sont mariés le 23 septembre 1824, à La Baconnière en Mayenne, rejoignent Sablé-sur-Sarthe avec trois enfants.
Léon est le dernier d’une fratrie de sept enfants composée de quatre frères et trois sœurs. À cette époque, la mortalité infantile frappe beaucoup les familles de condition modeste et à Sablé, entre 1834 et 1841, les trois sœurs et un frère décèdent. Léon naît après ces décès et ne connaît donc que deux de ses frères, Alexandre et Félix.
En 1847, Sablé-sur-Sarthe compte près de 5 000 habitants. L’essor de l’industrie du marbre, du cuir et de l’exploitation de mines d’anthracite favorise le développement de la commune. La famille Chevallier est logée dans le petit faubourg Saint-Nicolas.
En 1859, la famille s’installe à Montmartre, à proximité de chez Félix, le grand frère, âgé de 33 ans, de 21 ans plus vieux que son frère Léon. Le père décède peu après leur arrivée dans la capitale et Félix se marie l’année suivante. À 12 ans, Léon, nouveau gamin de Montmartre, est d’abord destiné à la mécanique, comme son frère Félix qui est charron, carrossier. Mais son aptitude au dessin le fait vite remarquer. Le 29 janvier 1863, Chevallier entre à l’École Impériale des Beaux-Arts où il suit les cours d’Alexandre Cabanel, peintre réputé. Il est suivi par Émile Bin, peintre prolifique, membre de l’Institut, qui le prend aussi comme élève. Par son travail opiniâtre, Chevallier progresse si rapidement que ses professeurs envisagent pour lui une admission prochaine au concours de Rome. Mais, issu d’un milieu modeste, Chevallier est désargenté et bénéficie d’autant moins de la solidarité familiale que ses frères doivent subvenir aux besoins de leur mère qui est devenue aveugle. En 1864, Chevallier sollicite une aide financière du département de la Sarthe et de sa ville natale, Sablé-sur-Sarthe, dont le conseil municipal décide de lui allouer une bourse annuelle de 300 francs, qui est portée à 350 francs en 1868, mais est supprimée en 1869.
Cette époque est, pour Chevallier, décisive. Il rencontre Joseph Blanc. Ils sont entrés ensemble aux Beaux-Arts, Joseph est d’un an son aîné, futur peintre lui aussi, ils deviennent amis. Chevallier est peut-être aussi influencé par Émile Bin, républicain, combattant des barricades en 1848 et 1851, qui avait fait carrière sous l’Empire en refusant d’être considéré comme un artiste officiel. En 1870, lors du premier siège de Paris, Bin est nommé membre de la commission d’armement mais, en mars 1871, il refuse de prendre part à la Commune et s’exile sur ses terres à Argentan.
Pendant la Commune, Léon Pierre Chevallier reste à Paris et, selon les sources, il est délégué soit au service des réquisitions, soit au service des barricades. Le 6 avril 1871, lorsque Gustave Courbet réunit 400 artistes et les appelle à créer la Fédération des artistes, les noms des participants ne sont pas relevés. On ne sait donc si Chevallier y assiste, mais on peut l’imaginer. En revanche, ce qu’on sait, c’est qu’il n’a aucune responsabilité dans cette Fédération.
Au lendemain de la Commune, il est recherché par la police qui enquête à son propos. Non attrapé, il est condamné par contumace le 24 décembre 1873 à la déportation en enceinte fortifiée. On perd ensuite sa trace. Mais il est finalement arrêté par la police — on ignore dans quelles conditions — car il passe le 16 juillet 1879 devant le 3e conseil de guerre qui ordonne un non-lieu. Il est le dernier communard à être jugé par un conseil de guerre. Le chercheur Jean-Claude Farcy souligne, dans sa base de données sur la répression de la Commune (https://communards-1871.fr/) , que :
l’essentiel du contentieux est traité à la fin de l’année 1874, même si près de 600 jugements seront prononcés les années suivantes jusqu’à juin 1879, la dernière décision étant celle d’un non-lieu accordé le 16 juillet de cette même année par le 3e conseil.
Plus précisément, cette base de données indique que, sur les 1 322 non-lieux rendus par le 3e Conseil de guerre, une dizaine ont été décidés en 1875, deux en 1876, aucun en 1877 et 1878 et un seul en 1879, celui de Léon Pierre Chevallier, le 16 juillet. Il s’agit de la toute dernière décision judiciaire des procès de la Commune engagés depuis l’été 1871.
Après la Commune, Léon Pierre Chevallier reprend son activité de peintre, mais n’obtient pas une reconnaissance du public égale à celle de son ami Joseph Blanc. Il participe toutefois à de nombreux salons. En 1884, Chevallier est membre du cercle républicain de la Sarthe et demeure au 68, rue Lepic, une des rues les plus célèbres de Montmartre. Membre de la société des artistes indépendants, il expose quatre tableaux au Salon des indépendants en 1890. Il habite alors à Neuilly-sur-Seine, chez son frère Félix. Gravement affaibli physiquement, il signe encore en faveur de la révision du procès de Dreyfus en 1898 et publie dans Le Sifflet (numéro du 2 décembre 1898) un dessin parodique, La Vengeance et le Crime poursuivant la Justice. Léon Chevallier meurt le 30 septembre 1913 à Vincennes ; il vivait depuis quelques années avec Marie Julie Nicolle qu’il a peut-être épousée, mais on ignore à quelle date.
L’œuvre qui est présentée ci-contre est une œuvre de jeunesse de Léon Chevallier. Ce tableau, Saint-Marcel, évêque de Paris, terrassant le dragon de l’hérésie, date de 1865, Chevallier a alors 18 ans ! Haut de plus de 2 mètres, ce tableau est exposé dans l’église de Sablé-sur-Sarthe. L’œuvre a été restaurée en 2013 par Mme Aurélie Terral-Dréano, conservatrice-restauratrice, que nous remercions de nous autoriser à publier cette photo de l’œuvre.
RÉMI MAREAU ET GUY BLONDEAU