MargueriteInstitutrice passionnée de pédagogie, militante de l’Internationale, Marguerite Tinayre a joué sous la Commune un rôle important dans la réforme de l’enseignement et la laïcisation des écoles.

Marguerite Guerrier, appelée aussi Victoire (son second prénom), est née en 1831 à Issoire (Puy-de-Dôme) dans une famille républicaine.

C’est par l’enseignement et le métier d’institutrice qu’elle va conquérir son autonomie financière et sociale. Elle prépare seule et obtient le brevet élémentaire puis, en 1856, le brevet de capacité qui permet d’ouvrir une école et de diriger une pension de jeunes filles. Ce qu’elle fera, d’abord à Issoire, puis dans divers lieux autour de Paris (Neuilly, Bondy, Noisy-le-Sec, Gentilly). Elle se consacre à sa passion, l’enseignement, préoccupée de pédagogie active et de l’instruction intellectuelle et professionnelle des filles.

Marguerite Victoire Tinayre (1831-1895)
Marguerite Victoire Tinayre, née Guerrier (1831-1895) - Institutrice, militante de l’Internationale, communarde et autrice

Elle épouse en 1858 Jules Tinayre, modeste clerc de notaire et, malgré des maternités rapprochées (elle aura 6 enfants), elle mène en parallèle de nombreuses activités. Marguerite Tinayre est aussi un écrivain et une épistolière infatigable. Ses deux premiers romans « La Marguerite » et « Rêve de Femme », écrits en 1864 sous le pseudonyme de Jules Paty, révèlent sa pensée sociale d’alors.

En 1866, elle s’installe dans le XIIIe arrondissement (au 16 de la rue de Gentilly), y fonde une école professionnelle de jeunes filles dans ce quartier pauvre. Entraînée par les idées socialistes qu’elle veut mettre en pratique, d’abord attirée par le mouvement associatif comme moyen d’éducation des masses, elle fonde en 1867 « Les Équitables de Paris », une coopérative de consommation à l’usage des plus défavorisés qu’elle fait adhérer à l’Internationale et à la Fédération des Sociétés ouvrières.

Marguerite Tinayre se rallie de suite à la Commune qui représentait pour tant de femmes un espoir d’émancipation. Le décret de séparation de l’Église et de l’État du 2 avril est l’une des premières mesures prises par la Commune. Elle milite, avec une certaine influence, à l’Union des Femmes pour la Défense de Paris et les Soins aux Blessés, constituée par Élisabeth Dmitrieff et son amie Nathalie Le Mel. Proche de Frankel et amie de Varlin, elle se dépense entièrement à la cause des femmes et à la réforme de l’enseignement qui est au centre des préoccupations de la Commune. Marguerite Tinayre avait participé activement à l’effervescence des débats aboutissant à la revendication d’une instruction publique pour tous, gratuite, obligatoire et laïque, mais aussi « intégrale ».

Alors que la Commission de l’Enseignement se mettait en place autour d’Édouard Vaillant, Marguerite Tinayre est nommée, le 11 avril, inspectrice générale des livres et des méthodes d’enseignement dans les écoles de filles de la Seine. Elle se trouve ainsi au coeur des propositions innovantes en la matière. Mais elle est surtout connue comme inspectrice des écoles de filles de la Seine où elle est à l’origine des propositions innovantes en la matière. Elle est surtout connue comme inspectrice des écoles de filles du XIIIe arrondissement pour le rôle important qu’elle y a joué dans la mise en place de la laïcisation. L’expulsion du personnel religieux et son remplacement par des laïques ne se faisait pas sans résistances. Et elle eut des difficultés avec le maire et l’adjoint du XIIe arrondissement quant aux méthodes employées dans la lutte anticléricale.

Pendant la Semaine sanglante, elle s’occupe des blessés et, le 26 mai, elle est arrêtée sur dénonciation d’un concierge. Son mari, qui n’avait pas de sympathie particulière pour la Commune, est fusillé à sa place. Relâchée, elle réussit à s’enfuir à Genève et sera condamnée par contumace à la déportation (non pas comme combattante, comme Louise Michel, mais comme institutrice pour avoir exercé une fonction sous la Commune).

Elle restera en exil en Hongrie jusqu’à sa remise de peine en novembre 1879, faisant vivre ses cinq enfants en donnant des leçons.

De retour en France, elle continue ses nombreuses activités de pédagogue et aussi d’écriture. On retiendra, pour finir, qu’elle va mettre sa plume facile au service de Louise Michel pour ses romans « La Misère » et « Les Méprisées » sous le pseudonyme de Jean Guêtré, mais la collaboration des deux Communardes fut conflictuelle.

Les illustrations du livre « La Misère » furent réalisées par deux de ses fils, Louis, devenu peintre d’une certaine notoriété, et Julien, graveur et mari de la romancière connue, Marcelle Tinayre.

MARIE-CLAUDE JUIN

Sources

Claude Schkolnyk, « Victoire Tinayre, 1831-1895, du socialisme utopique au positivisme prolétaire » (L’Harmattan, 1997. Edith Thomas, « Les Pétroleuses », Gallimard, 1963. Ouvrages disponibles à la bibliothèque de l’Association (consultables le mercredi après-midi).

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