En 1871, Henri Mortier est très populaire parmi les ouvriers du meuble du faubourg Saint-Antoine, dans le XIe arrondissement de Paris où il exerce le métier de découpeur en marqueterie. Cette renommée lui vaut d’être élu de la Commune dans cet arrondissement populaire avec le meilleur score, lors des élections du 26 mars 1871 ; il recueille 21 186 suffrages sur 25 183 votants et 42 153 électeurs inscrits.
Henri Mortier, né à Paris le 17 avril 1843, est âgé de 28 ans au moment de la Commune. Il est père de deux enfants. Avant le 18 Mars 1871, il milite dans les groupes blanquistes et à L’Internationale. Pendant le Siège de Paris par les Prussiens, il est capitaine au 191e bataillon de la Garde nationale. Quelques jours avant la révolution du 18 mars, il est délégué, par ce bataillon, au comité central.
Très populaire et modeste en même temps, il remercie ses électeurs en ces termes :
Orateur, je ne le suis pas et je ne peux point l’être, crieur de profession de foi, encore moins, mais homme d’action, voilà ce que je suis et que je continuerai d’être.
Au niveau parisien, les membres de la Commune siègent dans des commissions. Henri Mortier fait partie de celle des Services publics puis, à partir du 13 mai, de celle de Sûreté générale. A ce titre, il se rend chaque jour à la Préfecture de police.
En même temps, les élus administrent leur arrondissement.
Henri Mortier fait fonction de maire du XIe. Il constate les naissances et les décès, célèbre les mariages, organise l’aide sociale, favorise l’installation des bureaux d’embauche, etc. Pour mieux remplir cette fonction, il s’est fait aménager un logement dans la mairie.
Son arrondissement lui tient particulièrement à cœur. Il envoie une lettre indignée aux responsables de la 11e légion de la Garde nationale :
Un affreux désordre règne dans cet arrondissement qui est pourtant, je vous l’affirme, le plus énergique à Paris. Et si, d’ici peu, vous n’y mettez ordre, c’est la perte ou du moins l’oubli du devoir chez 4 500 gardes.
Lorsque, le 22 mai, les versaillais entrent dans Paris, il réquisitionne les réserves de pétrole et de torches pour suppléer au manque de gaz en vue d’éclairer la ville, car les arrivages de houille ont été interrompus. En même temps d’ailleurs, il réquisitionne toutes les pompes de l’arrondissement dans le but de combattre les incendies.
Dans la nuit du 23 au 24 mai, alors que les versaillais approchent, il est vu transportant des barils de poudre et de pétrole dans la cour de la mairie.
Après la Commune, Henri Mortier se réfugie à Londres d’où il est expulsé en 1875. Il séjourne successivement en Belgique, en Lorraine, alors annexée par l’Allemagne, au Luxembourg, où il rencontre d’anciens communards qu’il avait connus comme compagnons de travail dans le faubourg Saint-Antoine. Il passe en Suisse, en 1876, avant de revenir à Londres, en 1877.
Le conseil de guerre de Versailles l’avait condamné à mort par contumace.
Après la loi d’amnistie de 1880, il revient en France où il meurt, à Paris, en 1894. Il est inhumé au cimetière du Père Lachaise, face au Mur des Fédérés.
Henri Mortier ne figure pas parmi les personnages les plus illustres de la Commune. Mais il symbolise le communard des quartiers, en lien étroit avec la population.
A ce titre, il fut un artisan modeste, et relativement obscur, de l’œuvre sociale et démocratique de la Commune.
YVES LENOIR