PARIS EN L'AN 2000
Plus passionnant encore que Jules Verne.
Paris en l'an 2000 : Un chef d’œuvre méconnu. Et méconnu même de l'immense majorité de nos adhérents !
Son auteur, Tony Moilin, médecin chercheur, publie en 1869 ce remarquable ouvrage d'anticipation, aux aspirations fort modernes. En 1871, il participe à la Commune et est fusillé, dans les jardins du Luxembourg, le 28 mai ; sa dépouille est jetée dans une fosse commune.
Outre son vif intérêt historique, qu'analyse fort bien M. Moissonnier dans sa présentation, ce livre est d'une lecture aussi passionnante que divertissante . Tony Moilin invente un urbanisme révolutionnaire : " rues-galeries ", " rues-salons ", " maisons-modèles ". Comme moyen de transport, il imagine le métro qui, pour abréger les arrêts dans les stations, a des rames détachables. Dans la ville-phalanstère, où le ménage devient un service public (abolition de la domesticité, " dernier vestige de l'esclavage "), les femmes ainsi affranchies et les hommes au travail enfin libéré vivent sous le règne de la convivialité, de la fraternité, de la culture, des loisirs. Est instauré, avec un siècle et demi d'avance, la Sécurité sociale. Cette population délivrée de l'exploitation et du chômage vit sous un gouvernement démocratique tel que l'instaurera la Commune, avec des élus responsables et révocables.
A lire absolument, à la fois par intérêt historique et par plaisir !
Claude Willard
Tony Moilin, Paris en l'an 2000, présentation MauriceMoissonnier, Aléas.
LIBRE PENSÉE
Le numéro d'avril 2004 de " La Raison " a été conçu, bien entendu sous le signe de la Démocratie et de la Laïcité. Le très bel article de Michèle Vincent " Femmes et féminisme dans l'histoire " ne manque pas de signaler le rôle décisif des femmes dans la Commune de 1871. De son côté, Gérard Da Silva fait ressortir le bouillonnement des idées révolutionnaires dans les salons de Nina de Villard et de Madame de Ricard où une partie de la jeunesse littéraire et artistique fait ses premiers pas avant sa participation à la révolution communaliste.
Marcel Cerf
La Raison n° d'avril 2004, Libre pensée.
EMMA PIFFAULT
Les services postaux de Nouvelle-Calédonie ont édité un timbre poste à l'effigie de Emma Piffault.
En visitant le musée du Bagne, dans l'ancienne boulangerie du bagne de l'île de NOU (dite boulangerie Guillain), on peut voir la statue d'une jeune fille que d'aucuns ont surnommée " la vierge rouge ". Il ne s'agit point de Louise Michel, mais d'Emma Piffault, fille d'Eugène-Joseph Piffault, papetier libraire parisien, insurgé de la Commune et déporté à " la Nouvelle ".
C'est en 1873 qu'Emma arrive, avec sa mère, pour rejoindre son père au bagne de l'île de Nou. Hélas, elle mourra à 16 ans, le 2 octobre 1877, atteinte par la phtisie. Elle devient aussitôt le symbole du passage des déportés politiques et de leurs familles en Nouvelle-Calédonie. Les déportés désignent parmi eux un sculpteur qui sera chargé de garder la mémoire de cette transportation, en symbolisant cette jeune fille venue retrouver son père.
Félix Henry, colonel sous la Commune réalisera cette œuvre en terre cuite de couleur rougeâtre, terre extraite de la montagne de Tindu. Sur le piédestal est gravé : " A la mémoire d'Emma Piffault morte à seize ans le 2 octobre 1877. Ceux dont elle a partagé l'exil ".
Le cimetière de l'île de Nou est rasé en 1971 ( ! ) et la statue éparpillée en plusieurs morceaux.
Mais grâce à la perspicacité de l'Association " Témoignages d'un passé " et à Max Shekleton, celui qui a organisé l'achat de la collection dite d'Amsterdam maintenant aux Archives territoriales, les morceaux de la statue sont collectés. Le sculpteur Michel Rocton reconstitue une statue identique à l'originale.
Et un timbre commémore ce morceau d'histoire communarde.
Yves Pras
Nouvelle-Calédonie, un timbre poste à l'effigie de Emma Piffault.
ANDRÉ LÉO (1824-1900), LA JUNON DE LA COMMUNE
Les mythologues présentent l'épouse de Jupiter sous les traits d'une femme altière et d'une sévère beauté. Sa toilette est fort soignée mais d'une sobre élégance.
Souveraine et mère, sa vertu est irréprochable. Sa conception de l'amour ne souffre aucune entorse. Sa volonté s'exerce avec une grande fermeté. Ses emportements sont souvent très violents car elle est facilement irritable.
Le portrait de Junon, dans ses grandes lignes, offre beaucoup de similitude avec celui d'André Léo. Ce sont deux êtres qu'on ne saurait faire plier à sa volonté.
Voilà donc, enfin, l'ouvrage que nous attendions sur une des plus remarquables figures de la Commune.
L'étude exhaustive faite par Alain Dalotel doit satisfaire les lecteurs les plus exigeants. Un appareil critique considérable renforce le texte riche en réflexions originales sans intervention de la langue de bois. Il ne faut pas croire que ce travail savant soit d'un accès difficile. Loin d'être rebuté par tant d'érudition, on est captivé par la vie traversée de fureur et de passion de cette femme exceptionnelle injustement méconnue.
Victoire, Léodile Béra est née le 19 août 1824 à Lusignan (Vienne) dans une famille bourgeoise. Elle reçoit une bonne éducation mais cherche à se libérer d'un milieu qui l'oppresse. Son mariage avec Grégoire Champseix, ami et disciple de Pierre Leroux, apportera à la jeune femme un développement bénéfique à sa personnalité.
Elle aura deux fils André et Léo dont les prénoms formeront le pseudonyme qu'elle adoptera dans sa carrière politique et littéraire. Féminisme et socialisme seront les deux pôles de son action sociale pendant toute son existence. " Il y a une continuité entre la lutte contre le second empire et le contenu de ses romans ". Citons entre autres : Un mariage scandaleux (1862), Les deux filles de Monsieur Plichon (1865).
André Léo s'occupe aussi de l'éducation de ses deux fils, elle veut en faire des républicains conscients de leurs droits et de leurs devoirs. Elle est une adepte de la pédagogie progressiste et de l'instruction du peuple.
Veuve en décembre 1863, elle doit travailler intensément pour élever ses enfants. Elle trouve encore le temps de fréquenter des réunions publiques pour faire de la propagande en faveur de l'émancipation des femmes. Elle participe aux activités de la société pour " la revendication des droits de la femme ".
En 1868, elle fait la connaissance du militant ouvrier socialiste Benoît Malon qui est de 17 ans son cadet. Ce garçon semble très amoureux bien qu'il ne fasse pas toujours la distinction entre l'amante et la mère. André Léo va parfaire les connaissances générales de Benoît.
Sous la Commune, elle écrit plusieurs articles très appréciés dans La Sociale. Elle soutient l'action de Rossel. Elle est l'auteur du fameux tract " Aux travailleurs des campagnes " et elle est chargée de la commission femme de l'enseignement.
Pendant la Semaine sanglante, Benoît Malon organise la défense du 17e arrondissement et il occupe la mairie jusqu'à l'assaut final de l'édifice par les Versaillais. André Léo et Benoît Malon réussissent à se réfugier en Suisse.
Au congrès de la paix de Lausanne, le 27 septembre 1871, André Léo prononce un discours où elle attaque avec une grande violence la politique menée par la majorité de l'assemblée communale et principalement par deux de ses membres : Raoul Rigault et Théophile Ferré. Une partie de l'auditoire indignée par de tels propos empêche l'oratrice de terminer son discours.
André Léo est très indépendante, elle dit ce qu'elle pense, elle est hostile à toute forme d'autoritarisme et repousse toutes les contraintes. Ses différends avec Marx et Bakounine en font la démonstration.
André Léo et Benoît Malon vont vivre une assez longue période en Italie. L'écrivaine poursuit son activité littéraire : Marianne (1877). Elle souffre des aventures extraconjugales de son compagnon. En 1878, la rupture avec le volage Benoît est définitive.
Les deux enfants ont acquis de bonnes situations mais Léo meurt en 1893, la même année que Benoît Malon. André Léo est très affectée par ces disparitions et sa santé est fortement ébranlée. Elle est revenue en France, sa dernière œuvre Coupons le câble date de 1899. Elle meurt le 20 mai 1900. Dans son testament, elle lègue une petite somme à la Commune de France qui voudra essayer le système collectiviste.
Pour définir la mission de cette femme hors du commun, empruntons à Alain Dalotel ces quelques mots en guise de conclusion : Sa longue bataille pour les Droits (des femmes, des enfants, des peuples) est le fil d'or qui la relie au monde d'aujourd'hui.
Marcel Cerf
Alain Dalotel, André Léo (1824-1900), La Junon de la Commune, Association des publications chauvinoises, BP 64, 86300 Chauvigny, tel : 0549463545, prix : 20 Euros.
LE ROUGE ET LE NOIR
Une soirée noire de deux polars interactifs, sur fond de contestation libertaire, de lutte de classes et de révolution, mêlant passé et présent, trois aventures sanglantes où l'on condamne les faux-culs de la politique et les exploiteurs du capitalisme ancien ou néo libéral, ont pris pour base initiale la Commune rouge de 1871.
Dans L'or des Abbesses, collection Métro-Police, Gérard Delteil nous avait déjà entraîné dans le Paris des souterrains et des catacombes en compagnie de la jeune Patricia et de Vincent Lentellier, arrière-petit-fils de communard. Ils recherchent Enrique Lentellier qui a disparu alors qu'il était sur la trace d'un trésor camouflé en mai 1871 au cours de la semaine sanglante.
De son côté, Yves Meunier, dans La peau des statues – éditions editonly – il s'agit de celles érigées à la gloire de Schneider, cette fameuse famille du grand patronat - met en scène des personnages en quête de vérité pour ce qui s'est passé lors de la Commune du Creusot en 1871 et dans la période post 1968. L'un d'entre eux, Remi Merevitch, qui fouille les archives pour démasquer les mouchards et les criminels, est entré dans un groupe de jeunes révolutionnaires. Il est assassiné. Son amie du moment, Anaïs Mazelier, aide éducatrice, se révèle être beaucoup plus qu'une Lolita libertaire. L'enquête va se poursuivre de part et d'autre sur les ordinateurs et l'histoire rebondir sur Internet.
Alain Dalotel
Yves Meunier, La peau des statues, éditions editonly.
TIRS CROISÉS
La petite presse bruxelloise des années 1860.
Parmi de nombreux travaux, l'excellent historien Francis Sartorius s'est intéressé à la Commune de Paris. Nous n'avons pas oublié " Les Communards en exil - Etat de la proscription communaliste à Bruxelles et dans les faubourgs " et " Belges ralliés à la Commune de Paris " (Revue belge d'histoire militaire).
Francis Sartorius vient de publier un très important ouvrage intitulé " Tirs croisés " : Dans cette ouvre consacrée à la petite presse bruxelloise des années 1860, il a relevé " les tirs croisés " des chroniqueurs dont les traits d'esprit " fusent en tout sens ".
Cette " petite presse " impertinente est le domaine des humoristes belges à la dent dure, mais on y trouve aussi des écrivains, journalistes et chansonniers français qui, redoutant la censure de Badinguet, ont préféré réserver leur prose à la presse libre de Belgique.
Citons, au hasard, quelques noms de ces francs-tireurs : Vallès, Vésinier, Rochefort, Flourens, J. B. Clément, Paul Burasir, Tridon, Rigault, les pionniers de la Libre Pensée et en fin tous les esprits libres venus chercher asile en Belgique.
Ces noms on les retrouvera, quelques années plus tard, parmi les participants de la Révolution du 18 mars ; c'est dire tout l'intérêt que présente le livre de Francis Sartorius qui compose une documentation exceptionnelle sur les personnages cités. Que de surprenantes découvertes nous réservent ces biographies passionnantes ! Les chercheurs, les férus de l'histoire et même les simples curieux seront comblés par cet étonnant florilège superbement édité par " Le Lérot " (432 pages et 24 pages d'illustrations hors textes).
Marcel Cerf
Francis Sartorius, Tirs croisés, Usines réunies du Lérot, éditeur, 15140 Tusson.
FAUSSE COMMUNE
Lorsqu'un évènement historique devient la toile de fond d'un roman policier, c'est que cet évènement est entré dans la mémoire collective. Si la Commune de Paris de 1871 a longtemps été sujet tabou de l'enseignement, elle est omniprésente dans le roman de Alain Bellet Fausse Commune aux éditions Le Passage, dans l'excellente et nouvelle collection Polarchives dirigée par Gérard Streiff.
Chacune des enquêtes de cette série, est menée par une jeune étudiante, qui en oublie les travaux de sa thèse, Chloé, aidée de son ami Antoine. Dans notre Paris contemporain, plusieurs crimes sont commis. Apparemment sans liens entre eux. Mais le premier a lieu à La Butte aux cailles, le second à Montmartre. Les personnages ont nom Duval, Fernande Ranvier...Mathieu Vinoy...Ce sont des personnages d'aujourd'hui, descendants de Communards...ou d'anti-Communards, de ceux qui ont rendue sanglante la dernière semaine de Mai 1871.
S'entrecroisent donc des évènements d'aujourd'hui et ceux du 19e siècle. Seule une bonne connaissance de la Commune permettra aux enquêteurs de résoudre leurs énigmes.
La Commune dans les livres d'Histoire, la Commune en B.D. et, maintenant, la Commune en polar. Voilà de quoi passer un moment de détente qui nous change des banalités du genre.
Yves Pras
Alain Bellet, Fausse Commune, collection Polarchives, Éditions Le Passage Paris-New York. 2003. Prix10 euros
L'ARCHIPEL DES FORÇATS
Louis-José Barbançon, historien de Nouvelle-Calédonie, nous donne ici un résumé et une synthèse de sa thèse de doctorat. Il s'est d'abord attaché au premier convoi arrivé à " La Nouvelle ", 250 forçats de l'Iphigénie, arrivés dès 1864
La nouvelle Calédonie, cela a été 22000 transportés aux travaux forcés, 4000 déportés politiques de la Commune de 1871 et quelques rebelles Algériens. Il faut ajouter 1000 femmes transportées ou reléguées, faisant de cette terre kanak l'archipel des forçats.
Il est dommage que l'éditeur n'ait laissé paraître qu'une quarantaine de pages concernant les déportés politiques de la Commune, mais cela donne quand même une idée bien précise des conditions dans lesquelles ont vécu les anciens Communards.
Né en 1950, Louis José Barbançon est descendant de familles issues de la colonisation, libre du coté de son père, pénale du coté maternel. Ses petits-enfants constituent la septième génération sur l'île.
Nous avons eu l'occasion de le rencontrer plusieurs fois, sur l'île ou lors de ses passages à Paris. Ancien secrétaire général de la Fédération pour une Nouvelle Société Calédonienne, mouvement indépendantiste, il a participé, de 1982 à 1984 à la mise en place du premier gouvernement de Jean Marie Tjibaou.
Ne doutons pas qu'il nous donnera encore de belles pages sur l'histoire de la Nouvelle Calédonie et des déportés Communards.
Son livre est préfacé par Michèle Perrot qui écrit que ces " oubliés de toujours " accédent à " la dignité de l'Histoire. ".
Yves Pras
Louis-José Barbançon, L'Archipel des forçats, histoire du bagne de Nouvelle Calédonie (1863-1933), Presses Universitaires du Septentrion. 25 euros