C’est un étonnant et cependant utile combat que celui-ci. Un enseignant, familier du célèbre réseau internet Facebook, a voulu envoyer une reproduction du non moins célèbre tableau de Gustave Courbet « l’Origine du monde » pour en faire profiter… le monde entier ! Cela partait, nous n’en doutons pas, d’un fort sentiment philanthropique.
Hélas, le réseau social créé par Mark Zuckerberg n’a pas hésité à censurer la photo postée par l’internaute français et à fermer son compte Facebook. Ce dernier, mauvaise tête, n’a pas accepté la décision qui s’appuie sur des conditions d’utilisation garanties par les tribunaux californiens, et s’est retourné vers la justice de son pays qui est aussi le nôtre ! Qui donc a pouvoir de justice dans ce cas ? L’affaire a le mérite de poser la question et de mettre en lumière les contradictions de la mondialisation numérique.
Le tribunal de grande instance de Paris s’est déclaré compétent le 5 mars, ouvrant ainsi la voie à un procès contre Facebook pour censure illicite d’une œuvre d’art exposée dans un des plus grands musées de France. Or, Facebook a fait appel de cette décision, a-ton appris le 18 mai 2015 ; soulignant que les moyens financiers de son client sont « sans commune mesure » avec ceux de Facebook, Me Stéphane Cottineau, a estimé que le géant américain « joue la carte de la procédure » pour « décourager », « user » son client.
L’appel de Facebook devrait être examiné dans les mois qui viennent. La mode est-elle à la censure des images ? Le tableau de Picasso, de style néo-cubiste, « Les Femmes d’Alger », inspiré de celui du même nom signé Delacroix, a été vendu aux enchères à New York pour 179,36 millions de dollars. Le personnage principal, une femme à la poitrine généreuse a été flouté au niveau des seins sur une chaîne de télévision et posté ainsi, le 14 mai dernier, pour information. Le ridicule des puritains de tout poil atteint là un sommet aussi himalayen que celui du prix !
Au moment où, par ailleurs, à Mossoul en Irak par exemple, des soldats iconoclastes fanatisés s’en prennent aux antiques sculptures des musées et pratiquent le nettoyage culturel, est-ce bien opportun de répondre par tant de pudibonderie ?
Il est réjouissant de constater que le message de Courbet est encore d’actualité, lui qui s’était fixé comme objectif de pratiquer « l’art vivant » selon ses propres mots.
EUGÉNIE DUBREUIL