Si vous êtes Parisien(ne), ou si vous passez par Paris en empruntant la gare d’Austerlitz, sans doute aurez-vous remarqué la sculpture monumentale installée dans la cour d’arrivée. Très belle œuvre de l’artiste Denis Monfleur, intitulée L’Apporteur de l’espoir.

L’Apporteur de l’espoir - Sculpteur Denis Monfleur parvis de la Gare d’Austerlitz, en hommage au départ des Brigades internationales.
L’Apporteur de l’espoir - Sculpteur Denis Monfleur parvis de la Gare d’Austerlitz, en hommage au départ des Brigades internationales.

Son nom est une référence au roman d’André Malraux, L’Espoir, qui retrace les événements de la guerre d’Espagne. Pesant six tonnes pour une hauteur de trois mètres, cette œuvre, installée le 22 octobre 2016, est la plus grande sculpture monolithique posée à Paris depuis un siècle.

Elle rappelle le départ des combattants engagés en 1936 dans les Brigades internationales pour défendre l’Espagne républicaine contre le fascisme.

Espagne 1936 : à la suite des élections, un Front populaire est légalement élu. Mais très vite l’armée espagnole se rallie au fasciste Franco qui, avec le soutien d’Hitler et de Mussolini, veut renverser la République. Pour se défendre, le gouvernement républicain organise une armée. En renfort, venant des pays environnants, des volontaires se mettent au service de la République espagnole. Ils affirment leur subordination à l’État espagnol et s’engagent totalement.

Cela représente 30 000 volontaires internationaux venus de 30 pays, dont 9 500 Français. Le 7 septembre, ils forment des bataillons. Une brigade de l’un d’entre eux, la 9e du 14e bataillon, est dénommée « Commune de Paris ». Elle mènera, le 14 septembre, son premier combat au sud-ouest de Madrid, mais c’est dans la bataille de l’Èbre que le bataillon s’illustre ; une des plus rudes batailles, mais aussi la plus déterminante pour tenter de faire barrage aux troupes fascistes. Le combat est inégal. Et pourtant, par trois voies différentes, les brigadistes tentent l’impossible – ils doivent traverser l’Èbre. Ils n’ont pas de matériel. Ils rassemblent tonneaux, madriers, échelles, cordages et s’avancent sur un pont de fortune. De l’autre côté les tirs sont nourris. Des barques ont été amenées la nuit précédente, plusieurs sont coulées, les survivants tentent de revenir sur la berge à la nage. Toute la nuit les tentatives se renouvellent. Mais cet ouvrage, qui a couté tant d’efforts, tombe sous les coups de l’artillerie allemande. Un témoin raconte : « Nos gars du bataillon « Commune de Paris » contre-attaquent… prennent un drapeau fasciste et différents matériels... Combien de fois « Commune de Paris » a contre-attaqué, nul ne peut le dire... Combien de nos camarades trouvèrent la mort… Le bataillon « Commune de Paris » résista une journée durant à six bataillons du fascisme. » (1)

Reportage d’Emilio Fornet sur la brigade Commune de Paris dans le magazine Estampa du 10 octobre 1936.
Reportage d’Emilio Fornet sur la brigade Commune de Paris dans le magazine Estampa du 10 octobre 1936.

Ce bataillon avait pour but de faire diversion pour permettre aux troupes républicaines de passer plus loin. Grâce à leur courage, à leur sacrifice, l’objectif fut atteint. Ils tinrent tête jusqu’en janvier 1939. Mais, cependant, le combat est inégal et les forces républicaines sont anéanties.

Début 1939, entre 400 000 et 500 000 réfugiés quittent une Espagne meurtrie, pour fuir la terreur fasciste. À la frontière, des policiers français contrôlent les exilés qui sont enfermés dans des camps. Loin d’être des camps d’accueil, ce sont des camps d’internement. En France, la solidarité s’active pour fournir une aide alimentaire et des secours. Des comités d’aide se forment. On relève à leur tête des personnalités comme Romain Rolland, Aragon, Paul Langevin, Francis Jourdain, fondateur des arts décoratifs modernes en France, et qui fut, en 1938, secrétaire général des Amis de la Commune de Paris.

Aujourd’hui, l’Association des Amis des combattants en Espagne républicaine (ACER) entretient avec force le souvenir de ce moment de l’histoire. Elle est à l’origine de la réalisation, à la gare d’Austerlitz, de ce monument exceptionnel, construit par souscription.

Des survivants brigadistes au Mur des Fédérés. 
Des survivants brigadistes au Mur des Fédérés.

Nous les retrouvons avec nous chaque année, avec leur drapeau, lors de la Montée au Mur des Fédérés. En 2010, des survivants brigadistes étaient présents eux aussi.

De longues années d’amitié, de valeurs communes, existent entre nos deux associations. Nul doute que nous nous retrouverons en 2021 pour commémorer ensemble le 150e anniversaire de la Commune de Paris.

CLAUDINE REY

Notes

(1) Sources : Geneviève Dreyfus-Armand, Les camps sur la plage, un exil espagnol, Autrement, 1995. Geneviève Dreyfus-Armand, L’exil des républicains espagnols en France. De la Guerre civile à la mort de Franco, Albin Michel, 1999.

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