Notre assemblée générale s’est prononcée pour une modification du nom de notre association. Il ne s’agit pas d’une modification anodine mais d’une volonté de prendre en compte, au quotidien, la place des femmes dans notre association bien évidemment, mais aussi dans la société d’aujourd’hui. En cela nous restons fidèles aux valeurs de la Commune.

Les communards, par leur combat pour la démocratie et la justice sociale, ont anticipé par leurs actions, sur les progrès à venir. Ainsi en prélude à l’abolition de la peine de mort, ils ont brûlé les guillotines. En avance sur la reconnaissance de l’union libre, ils ont versé une pension aux veuves de Fédérés qu’elles soient mariées ou non. Un siècle avant la loi sur l’héritage pour les enfants nés en dehors du mariage, la Commune a donné les mêmes droits à tous. Pour le salaire des hommes et des femmes, elle a prôné et commencé à appliquer l’égalité de rémunération entre les instituteurs et les institutrices. Elle a permis la séparation des époux par le versement d’une pension alimentaire aux femmes qui souhaitaient rompre avec leur conjoint.

Alors que la place des femmes n’était pas reconnue à part entière dans cette société du XIXe siècle, elle a laissé des femmes siéger dans les commissions municipales et, malgré l’opposition de certains, elles ont été combattantes sur les fortifications.

Victorine Brocher (1839-1921)
 

Ainsi Victorine Brocher est fédérée au bataillon des Turcos. Moins célèbre que Louise Michel, elle a cependant raconté, dans l’ouvrage Souvenirs d’une morte vivante, sa lutte héroïque, jusque sur les barricades parisiennes. Nous la découvrons porteuse du drapeau rouge près de la Bastille, jusque dans le XIXe arrondissement, où elle cache sur elle ce témoin compromettant, sans pourtant s’en séparer. Comme elle, beaucoup d’autres ont été parties prenantes et même protectrices de la Commune. Nous les retrouvons dans le Petit dictionnaire des femmes de la Commune [1].

Elles ont gagné leur titre de citoyenne, comme les Résistantes durant la dernière guerre, ont arraché, par leur engagement, le droit de vote enfin accordé en 1944.

Même si, en 1871, tout n’a pas été gagné en soixante-douze jours, la Commune a fait preuve d’une très grande ouverture d’esprit qui a permis une immense avancée sur le long chemin du combat des femmes pour l’égalité.

Dans notre pays, il reste beaucoup à faire. Les droits des femmes sont-ils totalement reconnus ? Bien sûr que non ! On relève un écart de salaire de 23 % en leur défaveur ! La formation professionnelle est encore bien au-dessous des besoins pour les filles qui n’ont accès qu’en théorie, à l’ensemble des métiers. Dans les entreprises, elles sont minoritaires dans les postes les plus élevés des hiérarchies. La loi du plus fort prédomine encore et la violence envers les femmes est loin d’être éradiquée. En ce monde où l’argent et la marchandise font la loi, si la dignité est bien souvent bafouée, celle des femmes l’est plus encore.

En politique, le tableau n’est pas non plus très brillant. Au niveau mondial, la France ne se trouve qu’en 48e position pour le nombre de femmes élues, 10e au niveau de l’Europe ! En France, malgré une nette progression en 2012, il n’y a que 26,9% de femmes siégeant à l’Assemblée nationale. Au Sénat, seulement un quart des «  sages » sont des femmes (Il est vrai que le nom commun « sage » n’existe pas au féminin ! ).

En France comme dans le monde, la place des femmes est liée profondément à l’exercice de la démocratie. Aujourd’hui pour notre pays, il s’agit même d’un enjeu.

La modernisation de notre titre peut participer de ce combat. Elle permet de les rendre visibles, et pour dire, il ne faut pas avoir peur des mots. Des mots qui mettent l’éclairage sur le féminin.

Dans notre association, parler des amies de la Commune de Paris, de leur combat, de leur place dans notre association n’a jamais été un problème. Alors l’écrire ne peut pas gêner non plus.

Les communards prirent à leur époque des décisions très en avance sur leur temps. Plus modestement, dans leur lignée, nous serons en France parmi les premières associations à féminiser notre titre. Nous ne pouvons que souhaiter que l’exemple soit suivi. Il permettra, en tous cas, de larges débats aussi riches que celui que nous avons vécu lors de notre assemblée générale. Ainsi, nous disons très clairement que l’égalité se gagne chaque jour.

D’autres moyens existent, mais celui-là est simple, immédiat et il ne retire rien à personne. Bien au contraire ! Cette avancée est bien dans l’esprit des communards de 1871.

CLAUDINE REY


[1] Le petit dictionnaire des femmes de la Commune – Les oubliées de l’histoire, Editions Le bruit des autres, 301 pages, 20 euros (3, 40 euros de frais d’envoi)

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