Malgré l’opinion répandue, ce n’est pas un, mais deux drapeaux des combattants de la Commune qui sont conservés à Moscou depuis les années 1920.

  Le drapeau du 145e bataillon de la garde nationale Fédérée conservé aux Archives cantonales vaudoises, en Suisse       Le blason de l’URSS en 1922 et le slogan « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »
Le drapeau du 145e bataillon de la garde nationale Fédérée conservé aux Archives cantonales vaudoises, en Suisse / Le blason de l’URSS en 1922 et le slogan « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »

 L’histoire du premier drapeau est assez bien connue. La section communiste du XXe arrondissement, réunie le 24 mai 1924 salle de la Bellevilloise, décide « de confier à la garde du Soviet de Moscou ce symbolique souvenir des luttes soutenues par le prolétariat parisien jusqu’au jour où la classe ouvrière aura conquis le pouvoir ». Le lendemain, dimanche 25 mai, des milliers de parisiens prêtent serment, la main levée, en passant devant ce drapeau placé devant le Mur des Fédérés.

Comme le gouvernement empêche la délégation désignée pour porter ce drapeau de remplir sa mission, le drapeau est confié à la délégation du PCF au Ve Congrès de l’Internationale communiste qui se tient à Moscou du 17 juin au 8 juillet 1924. Le 6 juillet, au cours d’une grandiose manifestation sur un terrain d’aviation au nord de Moscou, en présence de 400 000 participants enflammés, Alfred Costes fait un discours au cours duquel il lit le serment de la 20ème section, puis remet le drapeau au secrétaire du Comité de parti de Moscou, Antipov. Le 8 juillet, jour de la clôture du Congrès de l’Internationale communiste, à l’issue d’une grande parade militaire, le Commissaire du peuple à la Défense, Frouzé, souligne :

Ce drapeau est remis entre des mains sûres.

Puis prennent la parole A. Costes et Davis, mineur anglais. Le 27 juillet, le drapeau est à nouveau arboré à l’occasion du 10ème anniversaire du déclenchement de la 1ère Guerre mondiale et de l’assassinat de Jaurès. Il voisine avec deux drapeaux, cadeaux des moscovites, appelant les héritiers français de la Commune à poursuivre son œuvre révolutionnaires, drapeaux brandis par Pierre Sémard.

La Place Rouge à Moscou - Le 1er août 1924, un drapeau de la Commune est déposé au Mausolée de Lénine par la délégation française du Ve congrès de l'Internationale communiste.
La Place Rouge à Moscou - Le 1er août 1924, un drapeau de la Commune est déposé au Mausolée de Lénine par la délégation française du Ve congrès de l'Internationale communiste.

Enfin, le drapeau est porté par Antipov et Costes à l’intérieur du Mausolée provisoire en bois de Lénine (ouvert au public le 1er août 1924) où il côtoie les drapeaux du Comité central du PC bolchevik et de l’Internationale communiste. Le nouveau pouvoir russe l’en extirpe pour le transférer au Musée Lénine, tout proche ; par la suite, le gouvernement transforme ce Musée en filiale du Musée historique, où le drapeau demeure enfoui, mais intact.

Le deuxième drapeau arrive à Moscou de façon infiniment plus discrète. L’Institut Marx-Engels, créé à Moscou à l’initiative de Lénine, mène des recherches à travers le monde pour rassembler des matériaux sur ces deux grands précurseurs, mais aussi sur tous les mouvements révolutionnaires. 

Drapeau du 67ème bataillon des Fédérés

Son représentant à Paris, Léon Borissovitch Bernstein, achète, entre le 15 janvier et le 15 avril 1928, documents et objets pour une somme totale de 4470 francs (de l’époque). Parmi eux, le drapeau du 67ème bataillon des fédérés, acheté 2000 francs. Ce drapeau reste à l’Institut Marx-Engels jusqu’à la création, en 1962, du Musée Marx-Engels, où il est exposé très en vue. En 1993, le pouvoir eltsinien ferme le Musée. Depuis, le drapeau, heureusement conservé, se trouve, comme fonds 654, aux Archives russes d’état pour l’histoire sociale et politique.

Deux drapeaux enfouis, mais semble-t-il, en sécurité, annonciateurs d’un renouveau révolutionnaire ? L’arrêt, les reculs des forces vives ne peuvent être que temporaires. Le besoin historique se frayera le chemin déjà bien tracé mais nécessitant toujours de la réflexion, de la création et de l’audace.

K. Gradov

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