En tant qu’écrivain, je me fixe pour tâche de faire rayonner l’esprit de « ces communards montant à l’assaut du ciel. »
En 1907, deux ans après le décès de Louise Michel, « La Justice céleste », un des premiers journaux chinois, présenta la vie ardente et intrépide de cette héroïne française. Au mois d’octobre de la même année, Su Manshu, célèbre moine-poète de l’époque, publia un article qu’il avait écrit à Tokyo en l’honneur de la Vierge rouge de la Commune.
« Dans de vieux papiers, j’ai trouvé par hasard le portrait de Louise Michel, dessiné par un peintre anglais »,
dit le moine-poète.
« Frappé par sa grande majesté, je tombe en admiration devant une noble créature et fais cette réflexion : tant de misères sur notre terre ! Qui peut se dresser contre le Mal comme Louise Michel ? »
Dans les années cinquante, à Pékin, mon professeur de français m’apprit «La Commune», un poème de Louise Michel :
« Quand la foule aujourd’hui muette,
Comme l’Océan grondera,
Qu’à mourir elle sera prête,
La Commune se lèvera.
Nous reviendrons foule sans nombre,
Nous viendrons par tous les chemins ;
Spectre vengeur sortant de l’ombre,
Nous reviendrons nous serrant les mains.
La mort portera la bannière,
Drapeau noir, crêpe de sang ;
Pourpre fleurira la terre,
Libre sous le ciel flamboyant. »
Depuis lors, nous récitions en choeur cette belle pièce pathétique au cours des récitals poétiques en langue française. Par la suite, je l’ai traduit en chinois ainsi que d’autres poèmes de Louise Michel : « Les Oeillets rouge », « À Jeanne Place » et « La Révolution russe de 1905 ». En 1980, durant mon second séjour en France, je rendis hommage à la statue de Louise Michel dans les jardins de la mairie de Levallois. Trois ans plus tard, lorsque je revins sur le même lieu pour voir la statue, elle n’était plus là. M. Balkany, nouveau maire de la ville qui tenait à la retirer de sa vue, l’avait déportée de nouveau dans le parc de la Planchette. Imaginez mon étonnement ! Je me rendis alors au cimetière de Levallois pour déposer une gerbe d’oeillets rouges sur la tombe de la défunte.
En 2005, à l’occasion du centenaire de la mort de Louise Michel, j’ai publié dans le « Quotidien du Peuple », le plus grand journal de Chine, un article commémoratif intitulé « Hommage à la Vierge rouge » dans lequel j’ai mis en valeur le mot de Louise Michel : « Tout pouvoir est corrosif ». Ce qui est d’une grande actualité pour le monde d’aujourd’hui.
Si j’admire tant Louise Michel, c’est qu’elle incarne les grands idéaux de la Commune de 1871. En tant qu’écrivain, je me fixe pour tâche de faire rayonner l’esprit de « ces Communards montant à l’assaut du ciel. » Ainsi le héros des « Amoureux du lac », mon deuxième roman écrit en français et publié aux éditions Maisonneuve et Larose en mars 2004, pensait-il entre quatre murs : la Commune est une révolution différente de celle qui a eu lieu après en Russie tsariste. Car les Communards ont tout fait pour écarter le danger d’usurpation de la souveraineté du peuple par une poignée d’arrivistes après le triomphe de la Révolution.
Sorti de prison, il composa en 1976 sur la place Tian An Men un petit poème :
« Voilà qu’on commémore la fête des morts
Et le sang bout, avec effort ;
J’entrevois se lever la Commune
Contre les caprices de la fortune. »
Shen Dali