Grâce à l’important travail de recensement des mentions de la presse d’époque et des témoignages des survivants de la Commune effectué par Michèle Audin, un pré-inventaire des lieux d’en­fouissement des Fédérés a pu être réalisé par le musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye. Quelque 125 lieux ont été identifiés, principa­lement dans Paris intra-muros (103), ainsi que sur les territoires des 18 communes avoisinantes sui­vantes :

  • Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine)
  • Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine)
  • Bièvres (Essonne)
  • Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis)
  • Gagny (Seine-Saint-Denis)
  • Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine)
  • Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne)
  • Levallois-Perret (Hauts-de-Seine)
  • Meudon (Hauts-de-Seine)
  • Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis)
  • Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine)
  • Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine)
  • Saint-Denis (Seine-Saint-Denis)
  • Saint-Ouen-sur-Seine (Seine-Saint-Denis)
  • Suresnes (Hauts-de-Seine)
  • Versailles (Yvelines)
  • Vincennes (Val-de-Marne)
« Amas de squelettes humains découverts à Paris, rue du Champ-d’Asile, derrière le Lion de Belfort », gravure d’après une photographie d’Alexandre Jolin parue dans La Nature, du 30 mars 1895, p. 288.
(figure 1) « Amas de squelettes humains découverts à Paris, rue du Champ-d’Asile, derrière le Lion de Belfort », gravure d’après une photographie d’Alexandre Jolin parue dans La Nature, du 30 mars 1895, p. 288.

Durant la Semaine sanglante et jusqu’au cours de l’été 1871, plusieurs dizaines de milliers de corps ont été inhumés dans les rares endroits disponibles de la capitale et aux alentours, alors que Paris était encore assiégé par les Prussiens. On a procédé à des enfouissements de masse dans les bois, parcs et jar­dins, ou encore sous les avenues et les places de Paris tandis que de vastes tranchées gratuites ont été ouvertes dans les grands cimetières parisiens — en particulier au Père-Lachaise et au cimetière du Montparnasse.

Le bilan des exécutions est encore difficile à chiffrer avec précision, mais s’élève vraisemblablement à au moins 20 000 morts (Rougerie, p. 107 ; Audin, p. 221).

Après la reprise de Paris par les troupes gouverne­mentales, les nouvelles autorités en charge de la capitale ont tenté de faire exhumer les cadavres, qui constituaient par ailleurs un risque important pour la santé publique. Ces travaux ont été entravés par l’état de décomposition avancée des corps, mêlé à leur enchevêtrement — parfois sur plusieurs mètres d’épaisseur. Seules quelques centaines, ou peut-être quelques milliers de corps ont vraisemblablement pu être exhumés du sous-sol de Paris et de la proche banlieue ; la plus grande masse d’entre eux demeu­rant sur place — où ils sont toujours.

Aussi, les travaux d’urbanisme de la fin du XIXe siè­cle et des premières années du XXe siècle n’ont-ils pas manqué de donner lieu à des découvertes for­tuites d’accumulations de squelettes et d'éléments métalliques appartenant à des uniformes de Fédérés (figure 1).

De telles découvertes, répétées, ont eu lieu en 1887 rue de la Voûte, en 1892 rue Boulard, en 1896 avenue Henri-Martin, en 1920 rue de Crimée… et surtout en 1897, où environ 800 corps sont mis au jour à l’occasion de la création d’un réservoir d’eau près du cimetière de Charonne. Les dernières décou­vertes remontent à 1948 sur le boulevard de Sébastopol où une accumulation de corps avait déjà été découverte fortuitement en 1890. Puis à partir des années 1950 et 1960, la mécanisation grandis­sante des travaux de terrassement tarit définitive­ment toutes nouvelles découvertes.

C’est pourquoi ce recensement des lieux d’enfouis­sement des corps de Fédérés est destiné à alimenter la Carte archéologique de Paris gérée par le pôle archéologique de la ville de Paris. Pour les com­munes situées en dehors de Paris, ces gisements ont pour vocation d’être enregistrés à la carte archéolo­gique nationale, gérée par le Service régional de l’ar­chéologie d’Île-de-France. Il s’agit de prévenir leur destruction lors de travaux futurs en les enregistrant comme des sites archéologiques de la période contemporaine nécessitant des fouilles d’archéolo­gie préventive, s’ils venaient à être menacés par des opérations d’aménagement. Ainsi, le souvenir de la Commune est-il désormais aussi une mémoire archéologique.

LAURENT OLIVIER

Conservateur général au musée d'Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye

Remerciements : nous remercions chaleureusement Michèle Audin, sans laquelle ce travail d’inventaire archéologique n’au­rait pas été possible.

Bibliographie :

Laurent Olivier, Inventaire des lieux d’inhuma­tion des morts de la Commune de Paris. Notices de sites. Document déposé au Service régional de l’Archéologie d’Île-de-France et au Pôle archéologique de la Ville de Paris, 2022

Michèle Audin, La Semaine sanglante. Mai 1871. Légendes et comptes. Éditions Libertalia, Paris, 2021

Jacques Rougerie, Paris libre, 1871. Éditions du Seuil, Paris, 2004.

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