À la proclamation de la Commune, les responsables de la Monnaie de Paris quittent leurs postes et rejoignent Versailles. Les communards prennent alors possession de ce bâtiment millénaire, le 4 avril. Zéphirin Camélinat, un ouvrier bronzier et l'un des principaux dirigeants syndicaux des ouvriers du bronze, est nommé à sa tête par le Comité central de la Garde nationale.
On reprochera à la Commune de ne pas avoir investi la Banque de France et mis la main sur ses devises. Pourtant celle-ci n’hésitera pas à faire fonctionner les unités de production (les presses monétaires) de la Monnaie de Paris pour frapper des pièces de 5 francs, qui permettront à la Commune de payer ses soldats et de faire fonctionner les services publics, 5 francs étant le salaire journalier moyen d’un ouvrier.
Zéphirin Camélinat fait récupérer les couverts en argent des palais impériaux et les décorations en argent de certaines églises, ainsi que des lingots de la Banque de France, et fait frapper des pièces de 5 francs en argent (900 ‰) d’un poids de 25 grammes, et de 37 mm de diamètre, en reprenant les coins (morceaux d'acier gravés en creux) de 1848, dernière République en date, pour ne pas avoir à utiliser les coins de l’Empire de Napoléon III.
Afin de différencier ses propres pièces de celles frappées par l’ancien graveur général parti à Versailles, Camélinat y appose son symbole : un trident.
Comme les tranches de ces pièces portaient la traditionnelle imploration Dieu protège la France, Camélinat avait commandé une nouvelle virole (outil pour frapper les tranches des pièces) :
« On voulait changer la légende de la virole brisée. Dieu, dit le Citoyen délégué, à supposer qu’il existe, ne protège pas du tout la France ; la tranche des pièces de 5 F portera à l’avenir : Garantie nationale. Travail ».
Mais d’après les sources actuelles, aucune pièce ne fut frappée avec cette tranche, les viroles n’ayant pas été fabriquées à temps.
Jusqu’au 24 mai, la Monnaie de Paris tourne à plein régime pour la Commune. En tout, 256 410 pièces ont été créées (soit quasiment 1,3 million de francs). Mais seulement 76 013 pièces ont été mises en circulation : les autres ont été refondues par Versailles. Ces pièces de 5 francs, dites Camélinat, furent démonétisées en juin 1871 par ordre du ministère des Finances.
À la suite de la Semaine sanglante, Zéphirin Camélinat fuit la répression pour Londres, et il est condamné par contumace, en juillet 1872, à une peine de déportation. De retour en France en 1880 suite aux lois d’amnistie, il participe à la formation de la SFIO. Il est élu député de la Seine en 1885. En 1929, il devient le président de notre association.
Ces pièces sont, depuis le début du 20e siècle, très prisées par les collectionneurs pour leur grande valeur historique, les mieux conservées pouvant valoir aujourd’hui dans les 1000 euros.
QUENTIN LAUDEREAU
