En mars 1977, le numéro 6 de La Commune, revue de l’association des Amis, publiait une « Chronologie des événements en province » préparée par Jean Bruhat (1905-1983). Nous en extrayons les informations d’avril-mai ; on la trouve en intégralité sur notre site (https : //www.commune1871.org/la-commune-de-paris/histoire-de-la-commune/chronologie-de-la-commune-a-paris-et-province/441-chronologie-des-evenements-en-province).
En introduction de cette chronologie, Jean Bruhat expliquait son choix :
Nous proposons des jalons pour une chronologie de ce qui s’est passé en province depuis la proclamation de la République jusqu’au lendemain de la Semaine sanglante. Nous ne retenons que les événements qui ont quelque ressemblance avec la pré-Commune et la Commune elle-même. Il est bien évident qu’on ne saurait avoir la prétention d’être complet. Mais notre but est d’aider nos amis de province à découvrir ce qui dans l’histoire locale concerne de près ou de loin la Commune. Cet essai n’a rien d’original, nous utilisons les travaux de Maurice Moissonnier, de Jacques Girault, de M. Boivin, d’A. Olivesi, de Jeanne Gaillard, de l’équipe qui a travaillé sur la région grenobloise. Et surtout, avec son autorisation (nous l’en remercions), nous exploitons une chronologie établie par Jacques Rougerie sur la base des travaux de ses étudiants (Patricia Nouchimowitz, Chantal Giovanetti, Jeannine Martin-Krick, Claude Orio (bulletins 3 et 4 de l’Institut d’histoire économique et sociale de l’université de Paris 1)
Pour rappel, le noms cités par Jean Bruhat
Le site de Jacques Rougerie contient de nombreux documents sur la Commune et la province : https : //www.commune1871-rougerie.fr/
La synthèse de Jeanne Gaillard, qui n’a pas vieilli : Communes de province, Commune de Paris (1870-1871), Flammarion, 1971
Celle de Maurice Moissonnier, synthèse tout aussi remarquable et trop souvent oubliée : « La Province et la Commune », International Review of Social History, volume 17, avril 1972
Antoine Olivesi, La Commune de 1871 à Marseille et ses origines, Marcel Rivière, 1950.
Jacques Girault, Bordeaux et la Commune (1870-1871), Éditeur Fanlac, 2009.
Marcel Boivin, Le mouvement ouvrier dans la région de Rouen 1851-1876, PU de Rouen, 1989 (https://books.openedition.org/purh/8271)
La chronologie
Avril 1871
3. « La Tribune de Bordeaux » lance l’idée d’un congrès des villes républicaines.
4. Troubles à Limoges. Le général Espivent de Villeboisnet donne l’assaut à la Commune de Marseille.
5. Au Havre, le club Bernardin-de-Saint-Pierre se prononce pour la Commune.
Manifestation à Vierzon.
9. Manifestation de chômeurs à Laval. Manifestation d’ouvriers à Auxerre.
10. Montereau, émeute en faveur de la Commune.
Mouvement insurrectionnel à La Charité-sur-Loire.
11. Manifestation à Boulogne-sur-Mer, à Compiègne, à Annonay (Ardèche).
11-13 Périgueux, manifestations. Les gardes nationaux et les cheminots résistent pendant deux jours aux forces de l’ordre.
12-15. Nouvelles manifestations à Boulogne.
14. Rouen, Internationaux et radicaux décident d’aller soutenir la Commune les armes à la main.
15. Manifestation à Auxerre.
15-18. Mouvement insurrectionnel à Cosne (Nièvre) et à Saint-Amand (Cher).
16. Manifestations à Pouilly, Castres, Annecy, Grenoble.
17. Manifestation à Bordeaux.
Tentative de Commune à Voiron, Tullins, Saint-Marcellin.
18-19. Le drapeau rouge est arboré à Neuvy (Nièvre).
19. Déclaration de la Commune au peuple français.
Manifestations plus ou moins importantes à Bayonne, Fleury-sur-Loire, Arquian, Saint-Amand-en-Puisaye, Clamecy, Gien.
21. Grève et manifestation à Moreuil (Somme). Intervention des troupes prussiennes.
Tulle arbore le drapeau rouge.
25. Manifestations à Montluçon et à La Palisse…
La ville de Bordeaux lance des invitations pour un congrès des municipalités.
27. Castres, échec d’une manifestation.
28. Manifestation au Havre.
La Commune de Paris lance sa proclamation « Au peuple des campagnes ».
30. Premier tour des élections municipales.
Manifestations à Sarlat, Agen, Vallières (Creuse), Nice, Carpentras, Maurs (Cantal), Reims.
Tentative d’insurrection au faubourg de la Guillotière, à Lyon.
Thiers (Puy-de-Dôme), occupation de l’hôtel de ville.
Mai 1871
1. Un drapeau rouge flotte au fronton du théâtre de Montargis.
3. Opposition au départ des trains de canons pour Versailles à Foix et à Varilhes (Ariège).
7-8. Mouvement insurrectionnel à Montereau.
8-9. Drapeau rouge à Vierzon.
12-15. Des envoyés de la Commune de Paris essayent de soulever la Nièvre.
14. À Lille, manifestation anti-versaillaise de soldats du 75e de ligne.
14. Lyon, congrès « privé » des conseillers municipaux de la vallée du Rhône.
17-24. Anzin, grève des mineurs.
17. Émeute paysanne à Parthenay (Deux-Sèvres).
17-18. Moulins, congrès des journalistes radicaux.
19. Sablé (Sarthe), troubles sur le marché.
20. Les délégués du congrès de Lyon sont reçus à Versailles et à Paris.
21. Saint-Pierre-des-Corps, agitation parmi les troupes que l’on envoie sur Paris.
22. À Blois, manifestations de ces mêmes troupes.
À Tours, tentatives pour empêcher les soldats d’aller à Versailles.
Troubles à Romans, à Albi.
22-30. Troubles à Pamiers. Ils durent pendant neuf jours. Il faut l’intervention de la troupe.
24. Nouvelle émeute paysanne à Parthenay.
Manifestation à Vienne. Troubles à Voiron.
Dans le Maitron voir la carte du mouvement communaliste et des manifestations de soutien à la Commune de Paris qui essaimèrent dans toute la France et même un peu au-delà, en Belgique et en Suisse, telles qu’elles apparaissent dans les biographies du dictionnaire Maitron. Plus de 800 biographies sont concernées :
En dehors des lieux cités dans la chronologie qui précède, voici, classées par département, les agglomérations où on enregistre des témoignages de sympathie pour la Commune :
Allier : Montluçon ; Alpes-de-Provence : Digne, Manosque, Oraison, Riez, Valensole ; Ardennes : Nouzon ; Ariège : Lavelanet ; Aude : Carcassonne ; Bouches-du-Rhône : Aix ; Calvados : Bayeux ; Charentes-Maritimes : Rochefort ; Cher : Bourges, Néronde ; Corrèze : Ussel ; Creuse : Aubusson, Bourganeuf ; Doubs : Besançon, Montbéliard ; Ille-et-Vilaine : Rennes ; Indre : Issoudun ; Isère : Voiron ; Haute-Loire : Le Puy ; Loiret : Dordives, Gien, Nogent-sur-Vernisson ; Mayenne : Laval ; Meurthe-et-Moselle : Nancy ; Morbihan : Hennebont ; Nièvre : Fourchambault, Guérigny ; Nord : Saint-Soupplets, Templeuve, Valenciennes ; Oise : Creil, Senlis ; Orne : Argentan ; Pas-de-Calais : Calais, Montreuil ; Pyrénées-Atlantiques : Pau ; Hautes-Pyrénées : Tarbes ; Pyrénées-Orientales : Céret ; Saône-et-Loire : Cluny, Mâcon ; Sarthe : Pontvallain ; Seine-et-Marne : Château-Landon, Coulommiers, Nemours, Souppes ; Somme : Amiens ; Tarn : Mazamet ; Var : Brignoles, Cuers, Draguignan, Le Lude ; Vaucluse : Avignon, Pernes, Saint-Didier ; Sarrians, Veilleron ; Yonne : Tonnerre, Dixmont.
Evidemment les témoignages en faveur de la Commune ont des dimensions bien différentes. Dans quelques villes, il y a eu des Communes. Ailleurs il s’agit de manifestations ou d’attroupements. Ici on arbore le drapeau rouge. Là on s’efforce d’empêcher les soldats de partir pour Versailles. Dans certaines agglomérations à dominance ouvrière, les revendications se mêlent à la solidarité en faveur des Communards de Paris. Quoi qu’il en soit, la Commune a été moins isolée qu’on ne le dit. Nous avons cité bien des noms de lieux. Nous souhaitons pouvoir la compléter grâce aux recherches de nos lecteurs. Les manifestations en province ne sont pas seulement des manifestations de solidarité envers Paris. Elles ont leur caractère propre. On a pu parler avec raison d’un communalisme provincial. Il est marqué par une profonde tradition républicaine (souvent plus républicaine que socialiste). Ce n’est pas par hasard que réapparaissent dans cette chronologie des départements dont en 1851 les habitants (paysans, artisans, petits bourgeois) s’étaient fait remarquer par leur hostilité au coup d’État.
Toutefois, il ne convient pas de s’en tenir à la filiation républicaine. On constate aussi que, comme l’a écrit Maurice Moissonnier,
les Mouvements les plus importants ont bien lieu là où l’Internationale bénéficie d’une implantation réelle et là où l’action gréviste des années 1869-1870 a laissé des traces en aguerrissant et en éduquant les travailleurs.