La deuxième Commune de Lyon
Parmi ces journées (de manifestations de solidarité avec la Commune de Paris) d'inégale importance, il en est une qui mérite une mention particulière, c'est la récidive communaliste de Lyon, le 30 avril 1871. Dans un dernier soubresaut, un noyau de révolutionnaires pour la plupart issus de l'Internationale, associés à des radicaux « avancés », et appuyés par les métallurgistes des ateliers de la Buire, la première usine de Lyon, dans le quartier neuf de la Guillotière (ou les salaires viennent d’être réduits de près de moitié), tente un soulèvement ultime le jour des élections municipales.
Seuls, les travailleurs du faubourg de la Guillotière soutiennent le boycott des urnes contre la loi municipale qui prévoyait la désignation et non l’élection du maire dans les communes de plus de 20.000 habitants, appuient les gardes nationaux qui occupent la mairie de l'arrondissement et dressent des barricades. Au terme de l'affrontement avec les troupes du préfet Valentin on dénombrera officiellement la mort de vingt-et-un insurgés.
Cette dernière insurrection se caractérise par une forme très conspiratrice, clandestine, une commission provisoire sécrète s’efforça de prendre les mesures techniques qui s'imposaient ... et dont la police est informée par un agent secret. En un sens, on peut donc opposer la spontanéité du mouvement du 22 mars à l'organisation apparemment minutieuse de celui du 30 avril. En fait, les plans des conspirateurs sont on ne peut plus irréalistes, les hommes du complot retrouvent les procédés utilisés déjà en septembre 1870 par Bakounine et ses amis sans que la direction du mouvement soit pour autant très ferme. La date de l'action a été plusieurs fois différée, l'accord ne règne pas entre les promoteurs du mouvement, 1'Internationale en tant que telle ne joue aucun rôle, puisqu'elle a pratiquement cesse d'exister après le coup de main du 28 septembre 1870; et les clubs du genre du Comité révolutionnaire de la Guillotière ont un programme aussi vague, qu'est lâche leur organisation: ils n'ont sur leurs adhérents qu'une autorité toute relative et n'exercent sur eux aucun contrôle effectif.
Ainsi, entre l'automne 1870 et le printemps 1871, Lyon ouvre et ferme le cycle des insurrections provinciales. Les derniers efforts de la province pour sauver la Commune de Paris consisteront dans la préparation, en liaison avec la Ligue d'union republicaine des droits de Paris, de congrès des villes de France. Un seul parvient à se tenir effectivement, c'est celui de Lyon. D'autres ont tenté en vain de se réunir à Bordeaux et à Moulins. II a lieu, pour déjouer l'interdiction du préfet, dans une maison privée, il réunit des représentants de seize départements et le Journal Officiel de la Commune du 23 mai 1871 publiera la déclaration qui en émane: c'est un appel au cessez-le-feu et à la recherche d'un compromis. Mais il est trop tard, le Journal Officiel du 23 mai est l'avant-dernier bulletin que la Commune publiera, la semaine sanglante commence ...
Source :
Extrait d’un article de Maurice Moissonnier « La province et la Commune »
L’Affaire de Thiers !
C’est comme Périgueux, Tulle, Thiers est cité mais...même sur place le souvenir semble avoir disparu et pourtant !
La presse locale n’en fait pas grand cas, occupée par Paris et...Versailles, Lyon et sa deuxième commune, l’Algérie dans une moindre mesure, heureusement qu’une longue notice du Maitron nous met sur la piste.
« L’affaire » est la rencontre d’une vieille ville industrielle et d’un sacré personnage Chomette accompagné de quelques braves !
Depuis plusieurs siècles Thiers expédie des produits manufacturés en France et en Europe, la tannerie est en déclin, la papeterie est encore active mais c’est surtout le couteau qui est en pleine expansion en cette deuxième moitié du XIXe siècle.
Des fabriques plus modernes commencent à se développer sous le Second Empire, mais dans le cœur de la vallée de la Durolle le travail reste encore largement manuel, laissant une grande part au travail à domicile.
Ce monde d’artisans et d’ouvriers est largement gagné aux idées républicaines dès 1848, c’est à l’occasion de la révolution que nous découvrons notre héros local Jean Jacques Chomette, fils de notaire, ancien élève de Polytechnique il est géomètre expert, fouriériste il est élu conseiller municipal de Thiers il y réclama la « liberté et l’instruction », car « le suffrage universel ne sera grand qu’à la condition d’être éclairé ».
Homme fortuné de la commune de Saint-Rémy-sur-Durolle, il en devient maire la même année, il s’illustre alors en refusant d’abattre l’arbre de la Liberté comme le demande le gouvernement. Il est aussi condamné pour fabrication de poudre en 1850. Entre-temps, le 18 septembre 1849, il est nommé notaire à Saint-Rémy en remplacement de son père.
Chomette est l’une des grandes figures de la résistance au coup d’État dans la région thiernoise. Lors de la répression, il est condamné à « Algérie Plus », La notice de condamnation est éloquente :
démagogue exalté. Il a réuni une bande de démagogues armés, qu’il a grossie par les menaces. Faisait partie de la bande insurrectionnelle qui a parcouru les montagnes. .. dangereux.
Il s’exile alors à Genève jusqu’en 1861.
D’après le Maitron. Vers la fin de l’Empire, il aida à la création à Clermont-Ferrand d’une section de l’Internationale, puis reprit son activité politique à Thiers après le 4 septembre 1870. Très populaire parmi les ouvriers, il déclencha une violente agitation et, le 30 octobre, dirigea la prise de la sous-préfecture. L’ordre fut rapidement rétabli.
Après l’installation du gouvernement de la Commune à Paris, il partit pour la capitale, mais participa auparavant, à Clermont-Ferrand le 3 avril 1871, à une réunion groupant plusieurs centaines de personnes. À Paris, il vit Delescluze, Lefrançais et d’autres notabilités de la Commune et rentra le 10 avril à Clermont. Cherchant à susciter des actions favorables au mouvement parisien, il préconisa, le 12, à Thiers, un « mouvement général ».
Le 30 avril, jour des élections municipales, dans l’après-midi, une violente agitation se manifesta à Thiers, suivie de bagarres avec la police. La sous-préfecture, la poste et la mairie furent envahies et occupées par les manifestants, mais des troupes arrivées de Clermont rétablirent l’ordre aisément.
Mais ce 30 avril, Chomette, Vedel et Chauffrias avaient été élus conseillers municipaux de Thiers, c’est dire leur assise dans la population. Ils sont arrêtés et jetés en prison à la grande satisfaction des « braves gens » :
En août c’est l’événement :
La liste des accusés :
C’est à grand spectacle au XIX° siècle !
Chomette et ses coïnculpés firent acquittés ! Le 15 octobre suivant, Chomette conseiller général par 1 603 voix contre 139 au monarchiste Chassaigne sur 5 489 inscrits.
Pour compléter votre information et vous inviter à nous en dire plus sur l’Affaire de Thiers !
Anne Henry : Un site urbain façonné par l’industrie : Thiers, ville coutelière : https://doi.org/10.4000/insitu.8588
http://www.charlesfourier.fr/spip.php?article630 Notice complétant la présentation du personnage Chomette. Voir cet article d’Astrid Vedel dans Charles Fourier, cahiers…
http://poursuivis-decembre-1851.fr/index.php?page=fiches/notice&individu=33706&liste=commissions_mixtes_listes_departementsPuy-de-D%C3%B4me Notice de la base de Jean Claude Farcy sur les « Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851 ». Elle vaut le coup d'oeil ! Réalisation de la base de données : Jean-Claude Farcy ✝ (Programmation web : Rosine Fry (2013) puis David Valageas (2018) Hébergement : LIR3S-UMR 7366 CNRS uB)