En février 2007, les éditions du Lérot sortait « Une légation dans la tourmente », sous titrée  « Correspondance des agents diplomatiques belges en poste à Paris sous la Commune ». En couverture, l'incendie de l'Hôtel de ville du photographe Alexandre Quinet.

Marcel Cerf, dans le n° 31, du printemps-été 2007, du bulletin de l'association des Amis(pas encore féminisée dans les statuts) de la Commune de Paris-1871, en fit une note de lecture. 

Jules d'Anethan - Ancien Premier ministre de la Belgique de 1870 à 1871
Jules d'Anethan - Ancien Premier ministre de la Belgique de 1870 à 1871

« Notre ami l'historien belge Francis Sartorius, ancien bibliothécaire de l'Université de Bruxelles, et Jean-Luc de Paepe, attaché scientifique à l'Académie royale de Belgique, viennent de publier  " La correspondance des agents diplomatiques belges en poste  à Paris sous la Commune " savamment présentée. »

 Voilà un sujet peu banal dont l'intitulé devrait ravir les amateurs de secrets d'ambassades. En réalité il s'agit de toute autre chose : la correspondance entre le conseiller de légation Théodore de Bounder avec le baron Beyens, son supérieur hiérarchique, et avec le baron d'Anethan, son oncle, ministre des Affaires étrangères du royaume de Belgique.

Cette correspondance n'a aucun caractère officiel, c'est ce qui fait son originalité. Dès le 22 mars 1871, Théodore Bounder, assisté de Georges Neyt, secrétaire de légation, assume la responsabilité de chef de poste à Paris(il y restera jusqu'au 8 mai) tandis que le baron Beyens suit Thiers à Versaillles.

Théodore de Bounder de Melsbroeck, photographie de Rice, circa 1880 (Archives famille d'Anethan)
Théodore de Bounder de Melsbroeck, photographie de Rice, circa 1880 (Archives famille d'Anethan)

L'interprétation des évènements journaliers relatée par Bounder, avec une très grande liberté de ton et d'esprit, donne une idée de la vie à Paris en cette époque tourmentée. Une des fonctions principales du conseiller de légation consiste à assurer la protection des nationaux restés à Paris et à éviter qu'ils ne se compromettent dans des aventures dangereuses comme l'enrôlement dans la Légion belge pour la défense de la Commune et la perte de nationalité qui pourrait s'ensuivre, selon Bounder.

Affiche de la Commune de Paris avril 1871 - Appel du comité de la Légion Fédérale Belge (Source : argonnaute.parisnanterre.fr)
Affiche de la Commune de Paris avril 1871 - Appel du comité de la Légion Fédérale Belge (Source : argonnaute.parisnanterre.fr)

 Le conseiller de légation n'est évidemment pas un partisan de la Commune mais cela n'altère pas l'objectivité des jugements qu'il porte sur les hommes au pouvoir et sur les insurgés. Il n'a que mépris pour la bourgeoisie parisienne apathique et avachie qui " n'ose relever la tête et ne l'osera pas avant de voir les pantalons rouges place Vendôme, et encore " .

Francis Sartorius et Jean-Luc de Paepe - Une légation dans la tourmente, DU LÉROT éditeur, Tusson, Charente
Francis Sartorius et Jean-Luc de Paepe - Une légation dans la tourmente, DU LÉROT éditeur, Tusson, Charente

Ses relations avec Paschal Grousset, délégué aux relations extérieures, et Raoul Rigault, procureur de la Commune, sont srictement administratives. Il réussit cependant à obtenir la libération de Belges arrêtés par hasard et de plusieurs ecclésiastiques. L'affaire de la violation inconsidérée de l'Hôtel de la légation de la  Belgique le 16 avril 1871 est vite réglée à la satisfaction des deux parties.

Bounder estime que la classe ouvrière dans sa majorité est pour la Commune qui est énergique et ne recule devant rien. À son avis, aucun bataillon de la Garde nationale n'est tenté de passer à l'ennemi.

La Commune, il faut lui laisser cette justice, a respecté la liberté des étrangers qui ne voulaient pas faire partie de la Garde nationale.

En revanche, les Versaillais ont souvent confondu vengeance et justice. Ils n'ont pas hésité à fusiller sans jugement des gens inoffensifs, des prisonniers, des malades arrachés à leurs ambulances.

Il vaut mieux laisser échapper des coupables(plutôt) que de mettre à mort, de punir, de détenir des innocents.

Oui, c'est bien le conseiller Théodore de Bounder qui, par deux fois(pages 141 et 143) a écrit cette audacieuse sentence qui donne à réfléchir, quoiqu'en puissent penser bien des juristes.

Il faut ajouter que cet ouvrage, sorti des presses du Lérot, ne dément pas la passion de l'éditeur pour le beau livre illustré avec goût. 

 

Quelques extraits et précisions :

La légation de Belgique se trouvait 153, rue du Faubourg-Saint-Honoré(VIIIe arr.). Les bureaux de la Chancellerie s'y trouvaient également, le public y était admis de " midi à 2h1/2 " . L'immeuble est aujourd'hui disparu. Il s'agissait  " d'un petit hôtel Louis XVI, façade en retrait entre deux ailes " .

 

note p 23

L'officiel de ce jour est intéressant à divers point de vue :

1° La déclaration de la Commune qui adopte le programme de l'association ouvrière " l'internationale ", universaliser la propriété. 

2° L'avis concernant la formation d'une Légion fédérale Belge: j'enverrai quelqu'un s'informer ce soir de ce qui se passera, et de ce qui s'est passé.

3° L'avis du Consulat Général d'Espagne invitant ses nationaux à quitter Paris, semblable à celui qui a été inséré d'après les indications de l'Ambassadeur d'Angleterre; semblable avis a été fait par l'Ambassade d'Autriche, et va l'être par la légation d'Italie.

Nous rapatrions 60 Belges environ par jour. Neyt est chargé de cette besogne qui l'occupe 5h. par jour. "

(Théodor de Bounder au baron d'Anethan (Bruxelles), Paris, ce 20 avril 1871 (p55)

20 avril : Formation de la Légion fédérale Belge: les citoyens belges qui veulent en faire partie doivent se faire inscrire à la caserne de Reuilly, rue de Reuilly, faubourg Saint-Antoine, à partir du jeudi 20 avril 1871, à neuf heures du matin. Le même jour, à huit heures, à la caserne, également, réunion générale des Belges pour communication du Comité.

 

note p 55

Cette légion se formera néanmoins, mais le fait sera nié ensuite par certains organes de la presse conservatrice Belge

 

note p 64

La correspondance belge se termine le 5 juillet 1871, par un envoi de Versailles de Théodor de Bounder à Léopold Orban à Bruxelles

 

Sources

Archives de la ville de Bruxelles : Huidevetterstraat, 65, rue des Tanneurs 1000 Brussel tel 32 2 279 53 20

Archives de l'État belge(en ligne) : www.arch.be

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