Le journal officiel du 13 mai présente un décret voté le 12 mai portant sur la révision des marchés conclus jusqu’à ce jour par la Commune :
Art. 1er. La Commission du travail et d’échange est autorisée à réviser les marchés conclus jusqu’à ce jour par la Commune.
Art. 2. La commission du travail et d’échange demande que les marchés soient directement adjugés aux corporations, et que la préférence leur soit toujours accordée. Art. 3. Les conditions des cahiers des charges et les prix de soumission seront fixés par l’intendance, la chambre syndicale de la corporation et une délégation de la commission du travail et d’échange, le délégué et la commission des finances entendus. Art. 4. Les cahiers des charges, pour toutes les fournitures à faire à l’administration communale, porteront dans les soumissions desdites fournitures les prix minimums du travail à la journée ou à la façon, à accorder aux ouvriers ou ouvrières chargés de ce travail. |
Aux yeux des membres de la Commune, tous doivent gagner un salaire suffisant « pour assurer l’existence et la dignité » du travailleur (décret du 19 mai). A cette fin, la Commune utilise les marchés de la ville de Paris pour mettre en place pour la première fois dans l’histoire, la notion de salaire minimum.
Avec le système des adjudications alors en place, l’entrepreneur qui réclamait le prix le moins élevé était choisi. Mais cet entrepreneur ne sacrifiait point son bénéfice. Il fallait donc qu’il se récupère d’une façon ou d’une autre de la baisse de prix qu’il avait consentie. Il ne le pouvait qu’en abaissant d’autant la qualité des produits livrés, ou en diminuant le salaire de la main-d’œuvre.
(Extrait du Journal Officiel de la Commune de Paris du samedi 13 mai 1871) MARCHÉS POUR L’HABILLEMENT MILITAIRE Rapport au citoyen délégué aux travaux publics Dans notre examen des marchés passés jusqu’au 25 avril 1871, nous avons constaté que les vareuses étaient payées 6 fr. de façon par la ville, et les pantalons 3 fr. 50. Avec cette rétribution il était possible de faire manger les ouvriers et ouvrières qui faisaient ce travail. Mais à partir de cette date le prix de confection de ces vêtements a été offert par des exploiteurs au prix de 4 fr. et même de 3. Fr. 75c. par vareuse ; les pantalons à 2 fr. 50. Ces marchés sont en voie d’exécution. Il résulte de ceci que le prix déjà si faible de façon sera baissé de près de moitié, et que ceux qui feront ce travail ne pourront vivre ; de sorte que la Révolution aura amené ceci ; que le travail de la Commune pour la garde nationale sera payé beaucoup moins que sous le gouvernement du 4 septembre, et alors, on pourra nous dire que la République sociale a fait ce que ceux qui nous assiègent actuellement n’ont pas voulu faire : diminuer les salaires. |
Il y a donc là danger d’une double spoliation, et l’État qui met des travaux en adjudication, sans s’inquiéter du salaire des ouvriers qui seront employés à ces travaux, ne fait autre chose que donner une prime à l’abaissement des salaires ou à la fraude. Il spécule en un mot sur la misère.
En ordonnant l’introduction d’un cahier des charges fixant le salaire de la main-d’œuvre, la Commune remplit donc un devoir strict, et fait porter la concurrence seulement sur le bénéfice réservé au capital.
La Commune espérait ainsi que ces normes s’imposeraient à l’ensemble des entreprises.
Sources
Journal officiel de la Commune de Paris
Gérald Dittmar, Histoire de la Commune de Paris de 1871, éditions Dittmar, 2008