Louis Alfred Huet naît le 21 juin 1834 à Mézières-en- Brenne (Indre), fils de Louis, tisserand puis facteur de ville, et d’Adèle Félicité Bernard. Sa naissance n’est pas enregistrée. Le tribunal du Blanc rectifie son acte de naissance le 1er décembre 1855.
Le 2 juillet 1856, il fait 24 heures de prison pour insoumission.
Le 3 juin 1862, il épouse, à Mézières-en- Brenne, Marie Journault, 24 ans, sans profession. En 1863, naît Andronie Alfred, en 1865, Mathilde Marie et en 1867, Léonie, qui décède à l’âge d’un jour à Mézières.
Il sert dans l’artillerie jusqu’en 1864. Une fois libéré de ses obligations militaires, il s’installe comme cordonnier à Mézières. Pendant la guerre de 1870, il est nommé lieutenant- instructeur d’artillerie à Clermont-Ferrand.
Louis Alfred pendant la Commune
Licencié le 16 mars 1871, il revient dans son foyer à Mézières. Début avril, il va à Paris pour se faire nommer maître-cordonnier dans un régiment. Il souhaite se mettre au service de la Commune. Nommé capitaine d’artillerie, il est chargé d’une batterie qu’il organise dans le IIe arrondissement. Il y reste jusqu’au 28 avril et intègre l’état-major du général Dombrowski. Le 4 mai, il commande l’artillerie de Neuilly et il entre ensuite à l’état-major du colonel Guyet. Le 12 mai, il est nommé commandant de la zone allant de la porte d’Auteuil, bastion 62, jusqu’au Point-du-Jour, bastion 67. Après avoir quitté le colonel Guyet, Alfred Huet entre à l’état-major du colonel Stawinski. Il se serait caché à partir du 21 mai, puis il revient à Mézières où il est arrêté le 18 août.
Sa conduite est jugée « passable, ses principes démagogiques en font une personne très dangereuse, il aurait même réclamé l’usage de bombes explosives et asphyxiantes ». Le 5e conseil de guerre le condamne, le 31 janvier 1872, à la déportation dans une enceinte fortifiée, au motif d’« avoir en 1871, à Paris, par complicité, commis un attentat ayant pour but de détruire ou changer la forme du gouverne- ment en aidant et assistant avec connaissance les auteurs de l’action dans les faits qui l’ont préparée ; avoir à la même époque et au même lieu exercé un commandement dans des bandes armées, pour faire attaque ou résistance envers la force publique agissant contre ces bandes ». Il forme un recours qui est rejeté le 7 mars 1872.
Il rejoint le dépôt des déportés du fort Quélern du 6 avril au 12 juin 1872, date à laquelle il embarque dans le 2e convoi sur le navire La Guerrière pour la Nouvelle-Calédonie. Il sera du même convoi que Julien Hippolyte Devicque, artiste peintre lithographe parisien (1821-1884), qui le dessinera dans sa cordonnerie à la presqu’île Ducos.
Sa vie en déportation
Il arrive à la presqu’île Ducos le 2 novembre 1872. Le 16 janvier 1873, il demande à faire venir, aux frais de l’État, sa famille. Sa caisse à outils part le 23 avril 1873, sa femme et ses deux enfants partent sur Le Fénelon le 27 juillet du Havre et arrivent le 23 octobre 1873 en Nouvelle-Calédonie. Il monte un petit commerce de cordonnerie et aurait fait fortune.
Sa peine est commuée, le 29 janvier 1874, en déportation simple. Il est transféré à l’île des Pins, le 6 juin, et y reste jusqu’à sa libération. Il s’initie à la photographie et rapporte des portraits de déportés. Amnistié le 4 mars 1878, il a l’obligation de résider en Nouvelle-Calédonie, obligation qui sera levée le 15 janvier 1879. Il rentre par Le Tage, le 6 avril 1880, qui transporte 80 déportés et arrive à Brest le 1er août. Ceux-ci feront parler d’eux par des manifestations en arrivant à la gare Montparnasse où ils sont accueillis par le « comité Louis Blanc » (1).
Le retour en Berry
À son retour à Mézières, Alfred reprend son métier de « maître d’hôtel » (mention dans l’acte de mariage de sa fille, le 18 septembre 1883, à Mézières), à l’hôtel-restaurant Le Bœuf couronné, établissement toujours en activité aujourd’hui. Lors du recensement de 1886, son fils Andronie est présent, représentant de com- merce. Il fait des allers-retours à Nouméa, où il se marie le 5 mai 1892 et terminera sa vie en 1936. Naîtront trois enfants qui, eux, revien- dront en métropole.
En 1888, il est répertorié sur la liste de La France maçonnique, comme maître d’hôtel à Mézières-en-Brenne.
Le dernier fils d’Andronie, Jean-Auguste-Alfred (1900-1986), sera médecin à Louveciennes (78), officier de la Légion d’honneur, rosette de la Résistance, maire d’Asnières et président du Conseil général de la Seine. Sa fille Mathilde et son mari reprennent l’hôtel-restaurant, place du marché à Mézières ; en 1906, sa fille est maîtresse d’hôtel.
Louis Alfred décède le 24 mai 1913 à Mézières, à son domicile, rue du Four, où il est mentionné comme propriétaire. Son épouse décède le 5 mai 1917 à Mézières.
LUCETTE LECOINTE
Notes
(1) Comité d’aide aux amnistiés, fondé en 1871 sous la houlette de Louis Blanc et de Victor Hugo.
Sources
- Bulletin de la Société archéologique, historique et artistique Le Vieux Papier ;
- Archives départementales de l’Indre, état-civil et recensement de Mézières-en- Brenne ;
- Archives nationales d’outre-mer https://archivesnationales.culture.gouv.fr/anom/fr/ ;
- Léo Taxil, La France maçonnique, 1888, p. 197 ;
- Le Maitron ;
- Fonds Jean-Claude Farcy.