L'exposition qui vient de se terminer en 2011 était intéressante à plus d'un titre. D'abord pour les écrits, essentiellement les lettres de Louise Michel à Victor Hugo, dont les originaux sont conservés à la maison du poète, place des Vosges à Paris.
Sa première lettre, signée L. Michel Demahis, est envoyée depuis le château de Vroncourt (Haute-Marne), l'année de ses vingt ans, avec de longs poèmes qui la situent d'emblée dans une ambition d'écriture, avec la volonté de ne pas afficher d'abord son prénom féminin.
Ces lettres s'étalent sur une période de trente ans. À partir de 1862, date de la parution des Misérables, elle signe Enjolras, en lettres grecques, du nom du héros révolutionnaire du célèbre roman de Victor Hugo « soldat de la démocratie, prêtre de l'idéal », comme elle le définit.
Elle lui écrit aussi après la Commune, du fond de sa prison,
« obtenez qu'on nous déporte tous, qu'on laisse sortir ceux qui n'ont rien fait, pas d'exécution surtout, ou qu'on nous tue tous ».
Il y a aussi les écrits de Victor Hugo, qui fut député de Paris en février 1871 à l'Assemblée nationale avant d'en démissionner en mars en raison de la signature de la « paix infâme ». Il ne participera pas à la Commune, mais réclamera l'amnistie des communards. Quelques jours après le procès de Louise Michel, où elle fut condamnée à la déportation en NouvelleCalédonie, en décembre de la même année, « l'année terrible », il écrit Viro Major qui ne parut qu'en 1888 dans le recueil Toute la lyre édité chez Hetzel. Louise Michel le découvrit à ce moment là. Il s'adresse à elle en alexandrins :
«...Ton oubli de toi-même à secourir les autres, Ta parole semblable aux flammes des apôtres...»
Les documents graphiques, gravures, photos et dessins étaient remarquables eux aussi. La célèbre photo de J.-M. Lopez, représentant Louise Michel et conservée à la bibliothèque Marguerite Durand, voisinait avec des caricatures de presse en grand nombre, comme celle la représentant sur le cheval ailé de la mythologie armée d'une lyre et d'un flambeau, et de magnifiques dessins de Daniel Vierge, reporter de presse pour Le Monde Illustré. L'un représente le transport de canons (de Montmartre ?) en charrette à cheval, gravé par Fortuné Méaulle, ce qui prouve la diffusion populaire de ces images. Mais l'œuvre la plus belle appartenant à la Maison de Victor Hugo est sans conteste un grand dessin gouaché représentant les funérailles de son fils Charles Hugo, le 18 mars 1871, le jour même du début de la Commune.
Daniel Vierge y représente le catafalque passant entre les pavés d'une barricade que les Fédérés dégagent avec respect. Le crayon noir, rehaussé de gouache blanche, donne un air à la fois tragique et majestueux à l'événement.
Cette exposition, répartie dans quatre pièces de la maison du poète, a célébré, à l'occasion du 140e anniversaire de la Commune, de manière originale et sensible l'aspect humain de personnalités emblématiques. Elle a permis, en ne réduisant pas Louise Michel à la combattante farouche qu'elle fut, de découvrir son cheminement poétique et profond vers la conscience révolutionnaire et l'ampleur de son engagement littéraire qui reste à découvrir à travers ses romans et ses pièces de théâtre.
EUGÉNIE DUBREUIL