Que les connaisseurs pardonnent aux profanes que nous sommes mais, lorsque notre estimé ami Marcel Cerf nous a remis la reproduction de cette toile, nous étions tous, au Comité de rédaction sous le charme de cette ferveur que l’artiste avait voulu nous faire partager et que nous découvrons.
Assez curieusement, les recherches pour expliquer cette toile n’aboutirent pas, si ce n’était pour nous apprendre que c’est le musée Tretiakov de Moscou qui la détenait.
Son œuvre abondante en portraits célèbres de Moussorgski à Tolstoï avait surtout retenu l’attention, taisant délibérément celle-là.
Il y a des ignorances coupables dont on voudrait bien excuser les censeurs, mais que voulez-vous, comme me dit si souvent l’un de mes voisins, je vois le mal partout.
Or, dans un entretien téléphonique avec l’ami John Sutton, celui-ci à brûle-pourpoint me déclara que pour un prochain bulletin, il écrirait une note de lecture sur le livre de Bertrand Tillier. Il y a parfois dans le ciel serein d’une conversation, un éclair qui traverse et nous éblouit. Parle-t-il de Répine ? À sa réponse affirmative, il m’adressa les photocopies traitant du sujet qui nous intéresse. Nous ne pouvons tout reproduire, mais nous aurons l’occasion d’en reparler. Que l’on sache ceci : Dans une lettre adressée à son ami Stassov, fin avril 1874, il écrit :
« Je ne songe qu’à la Commune et ne vois qu’en elle la délivrance de l’humanité. »
Au cours de son deuxième voyage à Paris en 1883, durant une dizaine de jours, il participa au rassemblement au Mur des Fédérés, comme il le racontera dans ses mémoires, Proche lointain :
« … Nous aussi étions dans la foule au cimetière du Père-Lachaise, près du mur célèbre…
Ce mur était richement décoré de bouquets de fleurs rouges…
Le public n’en finissait pas d’arriver et le mur devint tout rouge de fleurs ressemblant à un tapis persan. Ne voulant pas perdre de temps, j’ai dessiné aussitôt dans mon album toute la scène. Parfois, la foule me pressait et je ne pouvais plus continuer. Mais les Français sont tout de même délicats. Bientôt quelques ouvriers costauds me prirent sous leur protection en libérant un espace libre devant moi…
et quand ils apprirent que j’étais russe, ils me saluèrent cordialement comme un nouvel allié. Le temps passa vite, mais je pus ébaucher mon petit tableau »
C’est en trois jours que la toile fut exécutée (36,8 x 59,8) et Bertrand Tillier d’ajouter :
« Pour Répine, cette œuvre avait valeur de témoignage. Elle porte la marque de son enthousiasme idéologique pour la Commune, mais aussi la volonté de célébrer la vivacité du souvenir et des idéaux de 1871. »
Quel bonheur de lire ces lignes et combien nous vous sommes redevables, cher ami Tillier. À nous maintenant de lire ce que nous livrera John Sutton de votre ouvrage et des richesses qu’il décèle, mais sans empiéter sur son interprétation, je vais de ce pas, acheter votre livre (1), non sans toutefois poser cette question : comment se fait-il que cette peinture n’a pas été davantage popularisé ?
Robert Goupil
(1) La Commune de Paris : Révolution sans images ? Politique et représentation dans la France Républicaine 1871-1914, Bertrand Tillier, Éditions Champ Vallon – Époques.