Le Petit-Palais, à Paris, a présenté une exposition consacrée aux artistes français réfugiés à Londres à la suite de la guerre de 1870 et de la Commune.

Automne 1870, la guerre tourne au désastre. L’ennemi est aux portes de Paris. Claude Monet gagne Londres pour mettre sa famille à l’abri.

Catalogue de l'exposition  : Les impressionnistes à Londres
Catalogue de l'exposition  : "Les impressionnistes à Londres"

Camille Pissarro le suit de quelques semaines, abandonnant sa maison de Louveciennes aux Prussiens qui pillent et détruisent ses œuvres.

Monet et moi étions remplis d’enthousiasme pour les paysages londoniens. Monet travaillait dans les parcs. Quant à moi, j’habitais à Lower Norwood, qui était à l’époque une banlieue charmante, et j’étudiais les effets du brouillard, de la neige et du printemps,

écrit Pissarro (1). En mai 1871, la répression sanglante de la Commune laisse les rues de Paris jonchées d’au moins 20 000 cadavres. 3 500 insurgés échappent à la mort ou à la détention, réussissant à s’enfuir en Angleterre, provoquant une seconde vague d’exilés.

Alphone Legros Portrait d’Auguste Rodin 1882  Huile sur toile Musée Rodin, Paris ©Musée Rodin
Alphone Legros Portrait d’Auguste Rodin 1882  Huile sur toile Musée Rodin, Paris ©Musée Rodin

 

Legros, pivot de la communauté française

Les artistes anglais, loin de crier à l’invasion ou à la concurrence déloyale, se mettent en quatre pour aider leurs infortunés collègues français. Les préraphaélites leur font profiter de leur réseau de riches collectionneurs. Dès 1863, le peintre Alphonse Legros était parti s’installer en Angleterre. A partir de 1870, il devient le principal recours pour ses compatriotes réfugiés. Monet et Pissarro le contactèrent. Legros fréquenta François Jourde, réfugié à Londres après son évasion du bagne de Nouvelle-Calédonie. Grâce à l’aide de Legros, le sculpteur communard Jules Dalou, arrivé le 6 juillet 1871, trouvera un toit, un travail alimentaire et des collectionneurs comme les Howard et les Ionidis.

Ici, loin d’être des hommes rejetés, honnis, vilipendés, les Anglais nous reçoivent à bras ouverts, et cela dans la classe la plus riche, noblesse et bourgeoisie, écrira Dalou reconnaissant.

Jules Dalou Paysanne française allaitant, 1873, terre cuite  - Victoria and albert Museum
Jules Dalou Paysanne française allaitant, 1873, terre cuite  - Victoria and albert Museum

 

Dalou, maître d’une génération de sculpteurs

Par ailleurs, l’ancien membre de la Fédération des artistes trouve à Londres une main d’œuvre qualifiée, issue de l’industrie de la terre cuite, en particulier ornementale, qui lui permit de mettre au point des pièces monumentales.

Malgré une période où la sculpture connait une certaine désaffection, Dalou fut bien accueilli par ses confrères britanniques. Il expose dès 1872 à la Royal Academy. Nommé professeur à la National Art Training School, cinq ans plus tard, il met en œuvre un enseignement novateur. Sa maîtrise du modelage et le mélange de réalisme et de charme, qui caractérise sa période anglaise, ont marqué une génération d’étudiants, en particulier les tenants de la New Sculpture (Nouvelle sculpture).

Gracié en 1879, Dalou rentre à Paris avec un projet de « Monument à la gloire de la République », mûri dans l’exil. Destiné à la future place éponyme, son Triomphe de la République sera finalement érigé place de la Nation. Dalou ne remettra jamais les pieds à Londres. Contrairement à Monet, qui reviendra peindre une centaine de tableaux sur les bords de la Tamise, entre 1899 et 1901, près du pont de Charing Cross.

JOHN SUTTON

 

Notes

(1) Les Impressionnistes à Londres. Artistes français en exil (1870-1904), du 28 juin au 14 octobre 2018. Catalogue de l’exposition, Paris-Musées, juin 2018.

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