Fils d’un tourneur sur cuivre, il est reçu à l’École des Beaux-Arts en 1825 à l’âge de 14 ans. Il va y fréquenter des ateliers qui vont fortement le marquer : celui du sculpteur romantique David d’Angers, qui lui apprend à se libérer de l’académisme et celui d’Horace Le Coq de Boisbaudran, franc-maçon et fouriériste qui avait des méthodes novatrices de dessin, demandant notamment à ses élèves d’observer un objet puis de le dessiner de mémoire. Cet enseignant influença aussi Rodin, Dalou, Fantin-Latour. C’est peut-être à cette époque qu’Ottin adhéra au mouvement fouriériste.
Il combattit sur les barricades en 1830. En 1836, il remporte le 1er prix de Rome et va être pensionnaire de la villa Médicis de 1836 à 1840. Cette villa abritait de nombreux sympathisants fouriéristes.
François Sabatier, mécène et critique d’art, parti en Italie en 1838, les rencontre à Rome, où il est séduitpar leurs idées phalanstériennes. Il confie la décoration du palais Renai à Florence à Ottin et aux peintres Dominique Papety et Auguste Bouquet, également fouriéristes. Ottin est chargé de réaliser une cheminée monumentale ornée d’un buste de Charles Fourier. À son retour en France, il expose au salon dès 1841, travaille pour le sculpteur Barye et aurait réalisé le grand lion qui orne le piédestal de la colonne de Juillet, place de la Bastille. Il reçoit de nombreuses commandes de statues pour les monuments publics de Paris (Louvre, Opéra Garnier) et de province. Il participe à la révolution de juin 1848 et est emprisonné lors de la répression du mouvement. Il va néanmoins connaître une belle carrière jusqu’à la chute du Second Empire. Deux de ses plus belles sculptures sont au jardin du Luxembourg : l’ensemble de statues de la Fontaine Médicis représentant le cyclope Polyphème, qui surprend la nymphe marine Galatée, dont il est amoureux, dans les bras du berger Acis. Une autre statue est consacrée à Laure de Noves, muse de Pétrarque. En 1867, il est décoré de la Légion d’honneur. Il écrit en 1870 un livre, Organisation des arts du dessin : expositions, encouragement, commandes officielles (Paris, Edouard Blot éd.), dans lequel il soulève déjà tous les problèmes des artistes qui seront débattus un an plus tard durant la Commune.
AUGUSTE OTTIN DURANT ET APRÈS LA COMMUNE
Sur les 46 délégués, membres de la commission fédérale des artistes élus, il fait partie des dix-huit véritablement actifs et participe à la sous-commission de huit membres chargée des musées. À ce titre, il s’occupe de l’administration du musée de Sèvres. Il est proche de Dalou et ils siègent ensemble au comité de la Fédération des artistes, avec Hippolyte Moulin, qui fut son élève. À la chute de la Commune, il bénéficie du soutien de Charles Blanc, directeur des Beaux-Arts, membre de l’Institut, qui envoie un rapport, le 26 mai 1871, au ministre de l’Instruction publique, signalant que le musée céramique de Sèvres avait échappé à la destruction grâce à « l’assistance de M.M. Ottin et Moulin, statuaires. » (voir l’article sur Hippolyte Moulin dans La Commune n°66). Ce rapport évita aux deux sculpteurs les ennuis que connurent d’autres artistes. Auguste Ottin, en pleine répression versaillaise, abrite chez lui, 9 rue Vincent Compoint dans le 18e arrondissement, le socialiste Benoît Malon, puis le sauve en lui prêtant le passeport de son fils, Léon Auguste, et l’accompagne lui-même en Suisse, en compagnie de sa femme. Il séjourna avec Malon successivement à Bâle, Neuchâtel et Genève avant de revenir à Paris. En 1872, il propose à la chambre syndicale un projet d’une école de dessin sous la forme d’une coopérative de travailleurs et participe le 28 mai 1872 à la création du Cercle de l’Union syndicale ouvrière, organisation mutualiste dissoute cinq mois plus tard par les autorités. Mais il ne reçoit presque plus aucune commande de l’État.
Toujours très attaché aux questions d’enseignement, il avait publié en 1868 Une méthode élémentaire du dessin (Paris, Hachette, 1868). Nommé inspecteur de l’enseignement du dessin par Viollet-le-Duc en 1870, il veille lui-même à la bonne application de sa méthode, utilisée dans près de deux cents écoles de la ville de Paris. Il rédige aussi le rapport, en qualité de délégué des instituteurs et institutrices, à l’Exposition universelle de Vienne en 1875. Il se remet à peindre, participe à la première exposition impressionniste dans l’atelier du photographe Nadar, boulevard des Capucines (15 avril-15 mai 1874). Ses œuvres picturales et ses dessins, faits dans ses dernières années, sont très intéressants.
Mais, en 1889, il est révoqué, accusé à tort de boulangisme. « À dater de cette révocation inique, il ne fit plus que végéter » écrit sa fille. Il décède le 8 décembre 1890 à la maison de retraite de la fondation Galignani, inaugurée en 1889. Son ami de jeunesse en Italie, François Sabatier, fit un don de 10 000 francs à cette maison de retraite, où son ami était pensionnaire. Le dirigeant socialiste Benoît Malon, dans la Revue socialiste, fera sa nécrologie :
Grand homme de bien, artiste éminent, socialiste éclairé (….) plus habile à œuvrer qu’à se faire valoir, il ne fut jamais apprécié selon ses mérites.
Cette phrase est toujours d’actualité.
Son fils Léon Auguste Ottin (dit Ottin fils), artiste peintre et peintre verrier, fut aussi un des membres les plus actifs de la Fédération des artistes. Il exposa au Salon de 1861 à 1882 et aux deux premières expositions impressionnistes. Presque toutes ses toiles ont disparu du circuit.
PAUL LIDSKY