Joël Petijean, docteur en histoire, spécialiste en photographie ancienne, a consacré en 2012 un ouvrage à Gustave Courbet et la photographie (1), où il étudie l’image de Courbet, « récurrente dans l’histoire de la photographie ». C’est un court texte illustré, suivi d’un appareil critique très documenté. En 1839, année du premier procédé photographique, le daguerréotype, Courbet s’installe à Paris. Il a vingt ans. Sa carrière est contemporaine du développement de la photographie et de son utilisation dans « les usages sociaux et artistiques du XIXe » et, pour l’auteur, « le binôme Courbet/photographie est particulièrement riche et complexe ».
Dans les années 1850, la photographie permet de constituer un « musée virtuel » utile aux historiens, amateurs d’art et aux peintres, unis ou désunis autour du débat sur le réalisme et l’influence de la photographie sur la peinture. D’emblée, Courbet utilise la photographie et il s’adresse aux photographes ; il collectionne les clichés de ses œuvres, les offre à sa famille et ses amis. Il détient aussi « un grand nombre d’images de modèles nus » auquel il tient, s’interrogeant par exemple, auprès de sa famille :
Dans le désastre de mon atelier (…) que sont devenus les cartons de photographies de femmes nues dans mon pupitre ?
Certains de ces clichés ont pu inspirer des tableaux tels que L’atelier du peintre (1855) ou L’origine du monde (1866), l’auteur évoquant à ce sujet « une vision propre à la photographie dont ce tableau est une sorte d’« équivalent » sinon une interprétation ».
Des années 1840 au début des années 1870, Courbet s’emploie à « sa propre représentation peinte, graphique ou photographique » : nombreux autoportraits dans les années 1840-1850 — dont Le Désespéré (vers 1843-1845) — jusqu’au Portrait de l’artiste à Sainte-Pélagie (vers 1872) et, « fait exceptionnel pour un peintre de son temps », il a pu être « recensé au moins une quarantaine de portraits photographiés, allant du grand format à la carte de visite. » Afin de « mettre en valeur son image Publique », il s’adresse à des photographes dont Nadar et Carjat. Les trois hommes sont à peu près de la même génération (2). Courbet semble avoir posé pour Nadar en 1861 et 1865, « trois plaques négatives originales (étant) conservées ».
L’auteur évoque une relation complexe entre « deux personnalités recherchant le succès et la célébrité » et qui est « teintée d’ironie et sans doute d’une certaine jalousie », ainsi qu’en témoignent des propos de l’un et de l’autre. Rien de semblable avec Carjat. Dès 1850, Courbet et Carjat sont très liés. Citons une correspondance de 1863 :
Mon cher Carjat, vous le savez, je vous veux du bien, vous êtes mon confident en matière d’amour, mon photographe, mon biographe, mon ami.
De 1862-1863 à 1870, Carjat « réalise une dizaine de portraits de Courbet », des clichés de ses tableaux ainsi que des poèmes et des éloges qui « sont autant de témoignages de l’amitié qui unissait les deux hommes ».
Le texte est suivi de nombreuses informations, près de 400 notes, les « biographies abrégées » de 26 photographes et une bibliographie aux 165 références, de 1851 à 2013. Cela témoigne de l’érudition, la précision et la grande générosité d’un auteur accompagnant systématiquement les informations de son appareil critique de leurs sources, sorte de jeu de piste érudit passionnant (3).
ALINE RAIMBAULT
Notes
(1) Joël Petitjean, Gustave Courbet et la photographie, FAGE éditions, 2012.
(2) Etienne Carjat 1822-1906 ; Gustave Courbet 1819-1877 ; Nadar (Tournachon Gaspard Félix dit) 1820-1910.
(3) À noter, depuis 1986, différents travaux de Joël Petitjean concernant la photographie et la Commune (mémoires universitaires, thèse de doctorat, expositions…).