Il est assez difficile de comprendre le jeu des différents acteurs de la Commune de Toulouse. Les leaders « naturels », en qui la population ouvrière du faubourg Saint-Cyprien avait placé ses espoirs, n’ont pas fait preuve d’une grande motivation.

Le préfet Duportal, républicain radical, ancien transporté de 1851, leur semblait l’homme de la situation. Depuis le 18 mars, Thiers se méfie de lui et décide de le remplacer par le comte de Kératry. Duportal, qui ne veut pas se prononcer pour ou contre la Commune de Paris, est prêt à se retirer.
Mais le 25 mars, des officiers de la Garde nationale, poussés par la foule qui avait défilé depuis le Capitole jusqu’à la préfecture au cri de « Vive la Commune ! Vive Paris ! », le somment de rester en poste et de prendre la tête du mouvement. Tout le monde retourne au Capitole. Duportal dira, dans sa défense alambiquée, qu’il y a été forcé.
Duportal rédige le manifeste mais réussit à éviter la présidence de la commission exécutive, formée des officiers de la Garde nationale. La Commune est proclamée au balcon du Capitole. Mais la commission exécutive ne fait rien pour assurer les positions de la Commune dans la ville, alors que les gardes nationaux étaient prêts à marcher sur l’Arsenal, où s’étaient repliés les généraux versaillais.
Les officiers meneurs prirent dès le départ le parti de négocier. La commission se dissoudrait si Kératry était remplacé par un préfet républicain. Mais le 27, Kératry rompit les négociations et fit occuper la ville. L’Alliance républicaine dissuada ceux des gardes nationaux qui étaient prêts à résister.
La Commune de Toulouse prit fin ainsi, sans faire de victimes.
Dans son Histoire de la Commune, Lissagaray conclut ainsi le passage relatant l’événement :
La généreuse population ouvrière de Toulouse soulevée au cri de : « Vive Paris ! » fut ainsi abandonnée par ceux qui l’avaient insurgée. Échec désastreux pour Paris, car le Sud-Ouest aurait suivi Toulouse. »
Épilogue : le 27 mars, les officiers meneurs signèrent un désaveu qui leur valut l’immunité. En août 1871, Duportal et sept co-accusés furent acquittés.
PHILIPPE MANGION

Documents
L’analyse de duportal
Dans son essai La Commune à Toulouse, simple exposé des faits, Duportal écrit pour sa défense :
« À proprement parler, la proclamation de la Commune à Toulouse n'est pas un mouvement communaliste et n'a pas la signification socialiste qui l’a affectée à Paris et dans quelques autres villes des départements. C'est une question de garde nationale qui a provoqué ce mouvement, et c'est exclusivement la garde nationale qui l'a consommé, sans la participation d'aucun élément socialiste et avec la seule attache révolutionnaire du moment et du prétexte choisi pour le faire éclater. L'Internationale et ses mots d'ordre ne sont pour rien dans tout ce qui s'est passé, et les magistrats instructeurs qui ont mis deux grands mois à sonder les profondeurs de cette algarade de corps de garde ont dû bien étonner MM. les officiers supérieurs de la garde nationale, chefs naturels de ce mouvement de pompons rebiffés, s'ils leur ont posé la question de connivence avec l'infernale association. »
Dans L’Émancipation du 26 mars
Le journal radical de Duportal relate le moment où les officiers de la Garde nationale « entraînent », selon ses termes, le préfet vers le Capitole.
« Le corps d'officiers de la garde nationale sédentaire au grand complet est entré un instant après. Ils ont rencontré le préfet quittant la préfecture, ainsi qu'il l'avait annoncé à M. de Kératry. M. Duportal étant revenu sur ses pas pour leur donner audience, MM. les officiers lui ont déclaré à l'unanimité que, loin de soutenir l'Assemblée, ils étaient prêts à marcher contre elle.
M. Duportal leur a alors appris que, n'étant plus préfet, il ne pouvait se charger de transmettre leurs dispositions au Gouvernement.
Les officiers ont déclaré, à leur tour, que si le Gouvernement ne voulait pas rompre avec l'Assemblée et faire la paix avec les parisiens, ils étaient prêts à proclamer la Commune comme expression de leur répugnance contre les auteurs de toutes les difficultés de la situation. »
« À ce mot de Commune, des cris enthousiastes de « Vive la Commune ! Vive Paris ! » ont éclaté de toutes parts, et les officiers ont ajouté qu'ils étaient à cet égard les interprètes de la garde nationale tout entière, réunie en ce moment en bon ordre sur la place de la préfecture. Le préfet leur a donné acte de cette déclaration et les officiers, prenant la tête de leurs compagnies respectives, se sont dirigés vers la place du Capitole, où un piquet d'honneur a en quelque sorte entraîné le préfet lui-même. »
Dossier à lire sur le site :