Toulouse, à l’automne 1870, chef-lieu du département de Haute-Garonne, est une ville d’artisanat et de très petites industries. Les forces économiques dominantes sont les professions libérales, des commerçants et des propriétaires. Les artisans, petits boutiquiers et ouvriers vivent dans le centre ville et le faubourg Saint-Cyprien. Les élections municipales d’août 1870 ont été remportées par les Républicains. Elle ont été annulées par le régime impérial.

Le 4 septembre, les conseillers municipaux élus en août s’installent au Capitole et acclament la République. Ils se scindent en deux commissions : municipale et départementale. La commission départementale révoque le procureur impérial et le procureur général. Le préfet, nommé par Napoléon III s’enfuit. Le 6 septembre, Gambetta, ministre de l’Intérieur, nomme Armand Duportal [1] préfet de Haute-Garonne.

 

Armand Duportal (1814-1887) - Atelier Nadar (source : BnF-Gallica)
Armand Duportal (1814-1887) - Atelier Nadar (source : BnF-Gallica)

 

La république s’installe à Toulouse.

Pendant l’automne-hiver 1870-71, à Toulouse et dans le Sud Ouest, pour sauver la patrie en danger et défendre la République, les républicains radicaux, force républicaine la plus importante, s’unissent avec les blanquistes, néo-jacobins et internationalistes. Armand Duportal, né à Toulouse en 1814, est un républicain opposant de toujours aux régimes royaliste et impérial. En 1852, il a été transporté en Algérie pour son action républicaine de 1848 à 1851. Libéré quelques mois plus tard, il revient à Toulouse où il publie, en 1868, l’Emancipation, journal républicain socialiste. Accusé de délits de presse, il est emprisonné à Sainte-Pélagie d’où il est libéré par la chute de l’Empire le 4 septembre 1870. Le préfet Duportal épure l’administration et l’armée de leurs éléments royalistes et bonapartistes. Il les remplace par des républicains de son entourage, des hommes en qui il a pleine confiance. La Garde nationale est réorganisée et composée de républicains.

Le 24 septembre, Duportal écrit aux préfets du Sud-Ouest et leur demande d’envoyer des délégués qui forment à Toulouse, le 28, la « Ligue du Sud-Ouest », laquelle regroupe les républicains et les socialistes, unit les radicaux et les internationalistes et promulgue un programme inspiré de la révolution de 1792-93.

La radicale intransigeance de Duportal déplaît au gouvernement central installé à Tours qui, le 31 octobre, le destitue de son poste de préfet. Mais Duportal est soutenu par la Garde nationale, les clubs républicains très actifs, la commission municipale et la population. Il reste préfet.

La tension est vive entre Tours et Toulouse. Duportal organise une campagne contre les écoles congréganistes. Avec l’aide des clubs, il expulse les religieux des écoles. Ceux-ci se plaignent auprès du gouvernement de Tours qui leur donne raison et les réintègre.

Le 21 janvier 1871, des journalistes républicains se réunissent à Toulouse et publient un manifeste dans lequel ils protestent contre les négociations avec les Prussiens et demandent au gouvernement de continuer le combat. La « Ligue du Sud-Ouest » désapprouve l’armistice conclu le 23 janvier. Début mars, les réunions publiques organisées par les clubs rassemblent des foules de plus en plus nombreuses.

Aux élections législatives du 8 février 1871, les électeurs du centre de Toulouse et du faubourg Saint-Cyprien donnent la majorité aux républicains. Mais dans l’autre partie de la ville et dans le département, la majorité de la population élit des députés réactionnaires et monarchistes.

 

Affiche de la Commune de Paris N°34 de mars 1871 - Le Comité central de la Garde nationale de Paris nous informe de la Commune de Toulouse (source : La Contemporaine – Nanterre / argonnaute.parisnanterre.fr)
Affiche de la Commune de Paris N°34 de mars 1871 - Le Comité central de la Garde nationale de Paris nous informe de la Commune de Toulouse (source : La Contemporaine – Nanterre / argonnaute.parisnanterre.fr)

 

 

Proclamation de la Commune de Toulouse

(Extraits)

La Garde nationale de Toulouse, réunie à l’occasion de la création de bataillons de garde constitutionnelle et d’installation de M. de Kératry en qualité de préfet de Haute-Garonne, a proclamé aujourd’hui, à deux heures, l’organisation de la Commune aux cris de : Vive Paris !

Le corps d’officiers de la garde nationale sédentaire constitue la Commune de Toulouse.

La Commune déclare M. de Kératry déchu de son titre de préfet et maintient le citoyen Duportal en qualité de délégué du pouvoir central à la préfecture.

 

Vive Paris ! Vive la Commune !

Les républicains serrent les rangs. Le 16 mars, tous les officiers de la Garde nationale jurent de défendre la République. Après le 18 mars, L’Emancipation prend le parti des insurgés de Paris. Duportal et son entourage manifestent leur sympathie aux communards parisiens. Mais le 19 mars, en gage de fidélité à Versailles, il fait remettre à l’armée le poste de l’arsenal détenu par la Garde nationale. Cela n’empêche pas Thiers de le destituer et de nommer à sa place le comte de Kératry, vétéran de la guerre du Mexique.

Affiche de la Commune de Toulouse (25 au 27 mars 1871)

Le 25 mars a lieu sur la place du Capitole, une revue des Gardes nationaux dans le but de constituer une garde constitutionnelle destinée à aller prêter main forte à l’assemblée de Versailles. Les officiers de la Garde nationale refusent le rôle qu’on veut leur faire jouer. Ils acclament Paris et sa Commune et demandent à Duportal de se mettre à la tête de la Commune de Toulouse qu’ils proclament depuis le balcon du Capitole devant la Garde nationale et une foule enthousiaste. En contradiction avec son attitude des mois précédents, Duportal tergiverse et, finalement, refuse de prendre la direction de la Commune. Il doute du caractère sérieux et durable du mouvement toulousain. Il ne lui est pas possible, dit-il, de prendre la tête d’une colonne armée et la direction d’une manifestation dans laquelle on verrait le premier acte d’une émeute qui vraisemblablement n’irait pas loin. Il refuse de rompre avec Versailles.

Le soir, une commission exécutive est nommée. Paralysée par le retrait de Duportal, elle se contente de proposer aux généraux et magistrats installés dans l’Arsenal de se dissoudre si le gouvernement nomme un autre préfet que Kératry. Celui-ci arrive le 27 mars à l’Arsenal avec trois escadrons de cavalerie, six cents fantassins et six pièces de canon. Il prend possession de la préfecture et du Capitole sans rencontrer de résistance.

Ainsi finit la Commune de Toulouse, sans effusion de sang. Elle avait duré trois jours.

YVES LENOIR

Bibliographie : Maitron, guide biographique du mouvement ouvrier français ; Edmond Lepelletier, Histoire de la Commune, tome 3 ; Mémoire de maîtrise de Laurent Ardoin sous la direction de Jacques Girault et Jacques Rougerie


Notes :

[1] Après la Commune, Armand Duportal comparait avec sept communards toulousains devant la cour d’assises de Pau du 8 au 15 août 1871. Ils sont tous acquittés. Le 5 mars 1876, Duportal est élu député radical-socialiste de Toulouse. Il représentera le département de la Haute-Garonne à la Chambre des députés jusqu’à sa mort en 1887 et siégera à l’extrême gauche de l’assemblée. Il se prononcera pour l’amnistie pleine et entière des Communards.

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