Pour son rôle majeur pendant la Commune, le 3e Conseil de guerre condamne en juillet 1872 Édouard Vaillant à la peine de mort. Heureusement pour lui, à cette date, il est réfugié à Londres depuis l’été 1871, après un périple à travers l’Espagne et le Portugal où il s’est embarqué sur un navire britannique.

Par tradition, la Grande-Bretagne accueille favorablement la proscription communarde, le Premier ministre britannique Gladstone rejetant d’emblée les demandes françaises d’extradition. Naturellement, les exilés se sont installés dans le cœur de Londres, principalement à Soho, surnommé le « quartier français  ». Seulement, pour beaucoup d’entre eux, notamment en raison de la barrière de la langue, l’intégration est difficile, d’autant que selon Lissagaray, un témoin oculaire, «  la proscription de Londres était la plus espionnée ».

En revanche, Édouard Vaillant, rejoint par sa mère fortunée, déménage dans le Grand Londres, à Kentish Town, où il vit dans une certaine aisance. L’ancien délégué à l’enseignement de la Commune, âgé de 31 ans, déjà ingénieur et docteur en philosophie, achève ses études de médecine puis intègre le Collège royal de chirurgie, tout en donnant des soins gratuits à ses compatriotes démunis. D’après un témoin, «  ils sont nombreux ceux qu’il a soignés et qui n’ont pas oublié son dévouement ».
Par solidarité, il participe aussi à la Société des réfugiés de la Commune, née en 1871 et forte de près de 500 membres. Toutefois, les dissensions internes, tant politiques que personnelles, entravent l’activité d’entraide.

Édouard Vaillant (1840-1915)
Édouard Vaillant (1840-1915)

UN FAMILIER DE KARL MARX

Dès l’été 1871, Édouard Vaillant, qui a dû lire en allemand Le Capital, est admis dans le cercle familial de Marx. Grâce à son appui, il entre le 8 août 1871, avec neuf autres proscrits français, au Conseil général de l’Internationale. En septembre, à la conférence de Londres, il défend l’idée marxiste de la nécessité du parti de classe pour la conquête du pouvoir politique par le prolétariat. Par contre, l’année suivante, au Congrès de La Haye, il est le chef de file de la fraction blanquiste qui rompt avec l’AIT et la stratégie de Marx de transférer son siège à New-York, afin d’affaiblir l’influence bakouniniste. Peu après, le groupe explique les raisons de la scission dans une brochure titrée Internationale et Révolution :

« Sommée de faire son devoir, l’Internationale refusait. Elle échappait à la Révolution ; elle la fuyait au-delà de l’Atlantique ».

Malgré la rupture, Marx et Vaillant resteront, semble-t-il, en contact au moins jusqu’en 1877.

LA COMMUNE RÉVOLUTIONNAIRE

Émile Eudes (1843-1888)
Émile Eudes (1843-1888)

Après la faillite de l’Internationale, l’idée est de reconstituer un parti révolutionnaire dans chaque pays. Les blanquistes fondent alors à Londres, autour du « général » Eudes, une section proprement socialiste révolutionnaire (E. Granger, F. Cournet, G. Ranvier…). Sous le nom de Commune révolutionnaire, ils forment, avec le groupe constitué à New-York, le seul parti homogène de la proscription communarde. En juin 1874, le manifeste athée, communiste et révolutionnaire, Aux Communeux, est retentissant. Rédigé par Vaillant et appuyé par trente-trois noms, il revendique la violence de la Commune et éreinte les fédéralistes et la minorité communarde. En réaction, les attaques des journalistes E. Vermesch et P. Vésinier contre le groupe s’amplifient, notamment contre Vaillant, traité de « docteur allemand ».

À la même époque, il se rend à Bruxelles afin d’encourager les sections blanquistes qui se sont constituées dans le pays. Puis, dans un dernier manifeste, Les syndicaux et leur congrès, il fustige avec ses amis le réformisme du premier congrès ouvrier depuis la Commune, tenu à Paris, salle d’Arras, en octobre 1876. Finalement, le vote attendu de la loi d’amnistie plénière en juillet 1880 permet le retour en France des derniers bannis. « Nous partons cent soixante-douze et moi par le train de Dieppe  », écrit Vaillant dans une lettre à Granger, le 18 juillet 1880, au sujet de son retour à Paris.

 

ÉRIC LEBOUTEILLER

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