Le 26 mai 1885, lors des obsèques d’Amouroux, secrétaire de la Commune de 1871, le 117e de ligne, avec son drapeau tricolore, lui rend les honneurs militaires à la maison mortuaire, 37 cours de Vincennes. Dans le cortège qui va jusqu’au Père-Lachaise, on remarque une trentaine de députés ceints de leur écharpe tricolore.

Au cimetière, quinze discours plutôt modérés sont prononcés dans le calme. Cérémonie étonnante car l’avant-veille, à l’enterrement du Communard Cournet, de très graves incidents ont opposé la police et les manifestants anarchistes. Violences qui font l’objet d’une interpellation à la Chambre. L’explication de cette sérénité d’un jour réside à coup sûr dans la personnalité d’Amouroux, républicain, patriote et Communard.

RÉPUBLICAIN ET COMMUNARD

Charles Amouroux (1843-1885)
Charles Amouroux (1843-1885)

Charles Amouroux, né dans l’Aude en 1843, ouvrier chapelier monté à Paris en 1863, est élu membre de la Commune en 1871. Ce militant de « l’Internationale », syndicaliste et franc-maçon, est très connu du milieu populaire parisien pour son engagement contre l’Empire : 10 condamnations pour ses interventions musclées dans les réunions publiques. Il écrit alors dans « Le Réveil » et « La Marseillaise ». La police le signale comme « Ardent républicain. Orateur assidu des réunions publiques […] libre-penseur », et note surtout ceci :

Excitait les ouvriers contre les patrons.

Ce grand exalté se serait alors fait « une position dans le parti révolutionnaire extrême ». On le dit même « en communauté d’idée avec le parti Blanqui-Tridon ».

Revenu à Paris en Septembre 1870 après un exil en Belgique, il prend part au mouvement d’opposition au Gouvernement de la Défense nationale, participe à l’insurrection patriotique du 31 octobre et à la très républicaine « Ligue de défense à outrance ». Il est aussi un des membres fondateurs de l’« Association des Défenseurs de la République, pour le IVe arrondissement ».

Par ailleurs, Amouroux fait partie de la loge maçonnique « Les amis de la tolérance ». Candidat aux élections législatives du 8 février 1871, il obtient 26.777 voix.

Ses convictions d’ordre national expliquent le fait qu’il cherche comme délégué du « Comité central de la Garde nationale, à soulever les villes de province après l’insurrection » parisienne du 18 mars. Il dira sans faiblir au Président du deuxième Conseil de guerre que « Dans l’esprit des membres du Comité central, la conséquence de ce mouvement (le soulèvement de la province, NDR) était le remplacement de Versailles par une Constituante qui […] décrèterait la continuation de la guerre ».

 

Affiche de la Commune de Paris N°340 du 16 mai 1871, Mairie du IVème, signée Amouroux (source : La Contemporaine – Nanterre / argonnaute.parisnanterre.fr)
Affiche de la Commune de Paris N°340 du 16 mai 1871, Mairie du IVème, signée Amouroux (source : La Contemporaine – Nanterre / argonnaute.parisnanterre.fr)

 

Le 26 mars 1871, Amouroux est élu par le IVe arrondissement par 7.950 voix sur 13 910 votants. Désigné secrétaire de la Commune, il rédige les comptes-rendus pour le Journal officiel de la Commune. Comme membre de la Commune, il vote, selon Le Figaro, « les mesures les plus violentes ». On l’accusera d’avoir poussé à l’exécution des otages et aux incendies. Il est l’un de ceux qui favorisent en avril le ralliement à la Commune des francs-maçons et qui se prononcent en mai pour le « Comité de Salut public ». Ajoutons qu’il fait partie dès avril de la Commission des relations extérieures. Fait prisonnier dans le XVIe arrondissement sous un faux nom lors de l’entrée des troupes de Versailles dans la capitale le 21 mai. Il est identifié lors d’une tentative d’évasion et condamné en 1872 par le troisième conseil de guerre aux travaux forcés à perpétuité.

Il faut souligner que devant ses juges, Amouroux a défini la guerre civile de 1871 comme une regrettable « catastrophe » provoquée par la politique impériale. Il pense alors à la « revanche » qui, « à l’ombre des institutions républicaines », permettrait de récupérer « nos deux chères provinces », à savoir l’Alsace et une partie de la Lorraine qui sont tombées dans le giron prussien.

UN DÉPORTÉ COOPÉRANT

Déporté en Nouvelle-Calédonie, Amouroux va connaître trois années de souffrance à l’Ile Nou avant de revenir sur la Grand-Terre. A Canala, sous les ordres du lieutenant Servan, il est employé aux Ponts et Chaussées, un poste où il est apprécié, bien noté, laissant « la réputation d’un des plus infatigables travailleurs qui aient jamais paru sur les chantiers de la transportation », mais il va plus loin et l’on dénoncera « la conduite plus que soumise » de ce dernier : « Pendant les heures de repos - a écrit Maxime Lisbonne - il s’employait à couvrir de paille les gourbis des surveillants ». Il « faisait le jardin des surveillants militaires à Nouméa » et « les servait à table », a dit un autre.

En 1878, le chef Ataï mène la première insurrection kanak contre la colonisation. 1200 Kanak et 200 Européens sont tués. Le 1er septembre 1878 Ataï est décapité et sa tête envoyée à Paris. (Le Monde illustré, 28 septembre 1878)
En 1878, le chef Ataï mène la première insurrection kanak contre la colonisation. 1200 Kanak et 200 Européens sont tués. Le 1er septembre 1878 Ataï est décapité et sa tête envoyée à Paris. (Le Monde illustré, 28 septembre 1878)

 

Lorsque l’insurrection canaque éclate en 1878, Amouroux se range du côté de la « civilisation française » contre les tribus révoltées. Avec une « compagnie franche » formée de trente Communards de Paris et de Narbonne, sous les ordres du commandant Rivière, il marche « en avant-garde pour la protection de la race blanche » contre « l’ennemi ».

Cet engagement va être diversement apprécié, à gauche notamment. Il est vrai que le Gouvernement, pour témoigner sa reconnaissance, va commuer sa peine en dix ans de bannissement en juin 1879 avant de le gracier en 1880. Selon diverses sources, Amouroux et ses hommes auraient contribué grandement à la pacification de l’Île par leur comportement humanitaire vis-à-vis des insurgés. On commentera souvent l’action de ce « détachement » de communards qui, pendant toute la campagne, en faisant un maximum de prisonniers, a rendu « plus de services qu’aucune troupe régulière ».

Cette défense des « colons menacés » et cette « politique de conciliation » d’Amouroux lui vaudront la reconnaissance, non seulement de son chef, le lieutenant Servan, qui restera son ami, mais aussi des milieux conservateurs, admiratifs, malgré les « divergences politiques » qui l’en séparaient. Ils estimaient qu’Amouroux était d’abord « un bon Français ». Il va sans dire que du côté de certains socialistes révolutionnaires, qui pensaient que la révolte des canaques spoliés était juste, et qu’il était aberrant que des insurgés de 1871 aient participé à une répression dont ils avaient été eux-mêmes victimes, les dénonciations allaient se faire jour avec vigueur.

RADICAL ET SOCIAL

De retour en France par La Creuse début 1880, Amouroux rejoint Paris pour reprendre du service à Belleville. Mais on le remarque dès Avril dans les couloirs du Palais Bourbon et nous le voyons bientôt candidat aux élections sur une base archi-républicaine et toujours patriotique. Il s’en prend aux « manœuvres du socialisme césarien » et on le dit « adversaire de l’anarchie et de la collectivité ». En effet, s’il se veut toujours révolutionnaire et partisan de l’ « affranchissement du travailleur », il s’élève contre ceux qui préconisent « la révolution violente », ceux qui « à tout moment parlent de prendre un fusil ». Infatigable militant ouvrier, il veut opposer à droite comme à gauche « l’esprit de solidarité », désirant par ailleurs le « triomphe de la République par le bulletin de vote ».

Amouroux est alors l’un des animateurs principaux de « L’Alliance socialiste-républicaine », qui milite pour un programme minimum réalisable « tant sur le terrain politique que sur le terrain économique ». Il repousse ainsi « toute tentative violente, toute guerre civile », estimant que « l’anarchie est la source du despotisme, la doctrine la plus antisociale et la plus antirépublicaine », mais aussi que le « socialisme autoritaire » n’est pas la solution.

Ajoutons toutefois que celui- ci, et notamment en tant que franc-maçon – on le signale comme membre de la loge « La Ruche libre » – appelle à l’union de tous les « républicains socialistes » pour combattre l’opportunisme de Gambetta et des siens.

Sa candidature aux municipales ayant été adoptée dans les réunions publiques, il doit faire face à une série d’attaques de la part des socialistes révolutionnaires, en particulier Rouillon, concernant son comportement en Nouvelle-Calédonie vis-à-vis de l’insurrection des Canaques, des « gens qui défendaient leurs droits et leur liberté ».

Amouroux est accusé d’avoir fait « force courbettes » pour obtenir sa grâce, mais il faut bien reconnaître qu’il assume avec virilité ses convictions - « Je veux toutes les réformes et la prospérité de la République » - et qu’il n’hésite pas à faire appel à l’officier de marine Servan pour laver son honneur. Ce dernier lui délivre « un certificat de courage ». Face à ses détracteurs, il se montre déterminé et déclare « haine à tous ceux qui fouillent dans les serviettes et font parler les cadavre ».

Amouroux, qui se veut toujours, comme son ami Malon, un défenseur « naturel » du prolétariat, déclare ici et là qu’il n’est pas « partisan de la révolution violente », ce qui ne l’empêche pas de se présenter aux législatives « sous le drapeau du socialisme ouvrier » avec, il est vrai, « le programme minimum pour devise ». Amouroux, qui affirme encore et encore « soutenir la classe du travailleur », se définit « communaliste » et « partisan de l’autonomie de la Commune », persuadé que « c’est le seul moyen de mettre la République à l’abri des coups d’État et des dictatures ».

Le bureau du Conseil Municipal, en juillet 1883. Peinture de Félix Jobbe-Duval, Réunis autour du président Henri Mathé, assis au centre, de gauche à droite : Camille Dreyfus, secrétaire ; Gustave Mesureur, syndic ; Alphonse Darlot, vice-président ; Émile Level, secrétaire ; Félix Jobbé-Duval, vice-président ; Joseph Michelin, assis, secrétaire ; Charles Amouroux, secrétaire. (Musée Carnavalet, Histoire de Paris)
Le bureau du Conseil Municipal, en juillet 1883. Peinture de Félix Jobbe-Duval, Réunis autour du président Henri Mathé, assis au centre, de gauche à droite : Camille Dreyfus, secrétaire ; Gustave Mesureur, syndic ; Alphonse Darlot, vice-président ; Émile Level, secrétaire ; Félix Jobbé-Duval, vice-président ; Joseph Michelin, assis, secrétaire ; Charles Amouroux, secrétaire. (source : © Musée Carnavalet, Histoire de Paris)

 

Battu à Saint-Etienne en août 1881, Amouroux fait ensuite campagne aux municipales dans le quartier de Charonne à Paris, où il est élu fin Octobre. Au cours de sa mandature, il se fait remarquer par certaines prises de bec – citons celle qui l’oppose au blanquiste Levraud en 1882 – mais aussi par ses prises de position dans Le Radical contre le Parti Ouvrier. Il estime que « l’union si nécessaire à l’affranchissement des salariés » est préférable « aux rivalités d’école ou de personnes ». Il ira jusqu’à estimer que les théories sur « la question des classes ne débouchent que sur la division ». Ses votes au conseil municipal seront mis en cause car il s’est élevé en 1883 contre une proposition de Joffrin visant à mettre sur pied une milice chargée de la garde de la cité, et contre une proposition de Chabert en 1884 pour qu’une indemnité soit accordée aux survivants de la Commune.

Amouroux, qui critique le programme du « Parti Ouvrier », car il est, d’après lui « rempli de mots ronflants », affirme que le sien « n’a pas changé depuis 1863, et j’ai fait neuf ans de bagne pour l’avoir soutenu en 1871 » :

Vous vous dites communistes - poursuit-il - moi je ne le suis pas ; vous voulez former une classe à part et supprimer la bourgeoisie ; moi je veux l’union ; vous voulez supprimer le bourgeois, moi je veux, par mes efforts, arriver à élever le prolétaire au rang de la bourgeoisie au lieu de faire descendre le bourgeois au rang des prolétaires, et je trouve que c’est préférable. Vous voulez créer un quatrième État, c’est-à-dire un État dans l’État, mais ce serait la décadence de la France et la destruction de la République. C’est pour toutes ces raisons que je vous ai toujours combattu et que je vous combattrai toujours.

Sa priorité est donc la défense de la République. Lorsqu’on lui demande sous quel drapeau il se rangerait si elle était menacée, il répond :

Si la République était menacée par les monarchistes et que le drapeau tricolore soit là pour la défendre, je me rangerais sous ses plis, mais si, comme en 1871, elle était menacée par ce même drapeau, je me rangerais sous le drapeau rouge.

En mai 1884, celui que l’on désigne avec méchanceté comme un « ouvrier chapelier pour la forme » en réalité « politicien de profession », un « socialiste indéfini », un « publiciste », est réélu au premier tour à Charonne. S’il est à ce moment question de lui pour la présidence du Conseil municipal de Paris, Amouroux reste surtout l’un des animateurs du « groupe autonomiste » qui réclame en décembre 1884, au nom de la « souveraineté absolue du suffrage universel », la mise en oeuvre d’un vaste programme de réformes républicaines où figurent la suppression du Sénat, la réforme de l’impôt, la séparation de l’Église et de l’État, l’élection de la magistrature.

Néanmoins, il reste soucieux de la crise qui atteint la classe ouvrière et se montre toujours attaché au souvenir de la Commune. « La Bataille » du 16 décembre 1884 signale qu’il était présent à la réunion préparatoire pour élever un monument à Delescluze et aux Fédérés. Quelque temps après, dans Le « Cri du Peuple », il signera l’appel aux Anciens combattants de 1871 pour les obsèques de Vallès.

En Mars 1885, Amouroux, qui souffre déjà d’une « terrible maladie », est de nouveau sollicité pour se présenter comme candidat aux élections législatives :

J’irai à Saint-Étienne – écrit-il – pour continuer la lutte que nous avons menée ensemble en 1881 pour l’affirmation de la République démocratique et social.

C’est à ce moment que rebondit l’affaire de la répression contre les Canaques, sur fond de lutte politique entre les « révolutionnaires » et les « réformistes ». Déjà Maxime Lisbonne, dans L’Ami du Peuple du 27 novembre 1884, avait réveillé le souvenir de cet épisode problématique :

L’insurrection canaque éclata et le lieutenant Servan confia au citoyen-forçat Amouroux le commandement de vingt forçats pour aller la combattre. Amouroux ne se souvenait pas qu’il avait été membre de la Commune et qu’il combattait des hommes qui voulaient conquérir leur liberté, leurs droits, absolument comme lui en 1871.

En cette année 1885, Allemane y revient sans pitié et « se propose d’envoyer aux électeurs de cette circonscription la biographie d’Amouroux dans laquelle il fera ressortir la conduite plus que soumise de ce dernier en Nouvelle-Calédonie » ; « Le Prolétariat » du 21 mars 1885 signale qu’Amouroux

laisse, Joseph politique, son pardessus dans sa circonscription, et va en caleçon à Saint-Étienne tenter de décrocher sa timbale électorale. Nous devions à nos amis toute la vérité sur cet ancien terrible chapelier de la Commune, devenu simple Tolain au conseil municipal de Paris, où il votait contre les propositions de Joffrin et de Chabert, maintenant en marche pour un Nadaud opportuniste. Sa conduite est claire maintenant comme de l’eau de roche. Il n’en est pas moins utile de publier sa biographie.

Ces opinions socialistes peuvent paraître sévères, dans la mesure où Amouroux se présente avec succès le 5 avril contre un candidat opportuniste à Saint-Étienne. Selon l’Intransigeant, la foule l’« acclame […] avec enthousiasme et chante la marseillaise ». Certes, il siégera au Palais Bourbon « aux sommets de l’extrême gauche », il n’en reste pas moins qu’il a été élu avec l’étiquette « radical social ».

Dans son texte de remerciements aux électeurs dans  « Le Radical » du 13 avril 1885, il n’est pas question de la Commune de 1871 mais de la « Révolution française » antimonarchiste et antiopportuniste. Une perle de presse, sous forme d’un fâcheux point d’interrogation conclut son article : « Vive la République démocratique et sociale ? ». On sait qu’Amouroux n’est jamais devenu patron, mais certains révolutionnaires – voir « Le Prolétariat » du 9 mai 1885 – le rappellent à l’ordre sur le chapitre social car pour eux « il s’agit non d’aider l’élection des bourgeois, mais de préconiser des candidatures ouvrières ». Signalons ici qu’à l’époque, ce genre de combinaisons électorales, y compris entre « Chefs blanquistes » et « Chefs du Parti Radical » existe aussi. Bien entendu, Amouroux le savait d’où cette remarque dans ses remerciements aux électeurs :

Je ne suis pas de ceux qui se laissent aveugler par l’esprit de parti.

OBSÈQUES EN TRICOLORE

Fin Mai 1885, la maladie d’Amouroux – on parle de phtisie à laquelle s’ajouterait une fièvre typhoïde – s’aggrave d’un coup et il meurt le 23. Une disparition saluée ainsi par un journal conservateur :

Quoique de profondes divergences politiques nous séparassent de lui, nous avions conçu une telle estime pour son caractère, et nous avions exprimé avec tant de sincérité l’admiration que nous avait inspiré son rôle en Nouvelle-Calédonie pendant la révolte des canaques, que des relations cordiales existaient entre lui et plus d’un rédacteur de ce journal. […] Le député intransigeant qui meurt aujourd’hui, laissant une jeune veuve inconsolable, était en même temps un bon Français ; nous ne saurions l’oublier, et nous tenons à exprimer aux siens tous nos regrets.

Médaillon de Charles Amouroux par Jules Dalou (tombe d'Amouroux au Père-Lachaise - © Pierre-Yves Beaudouin)
Médaillon de Charles Amouroux par Jules Dalou (tombe d'Amouroux au Père-Lachaise - © Pierre-Yves Beaudouin)

L’enterrement de « Monsieur Amouroux député de la Loire » (dixit le commissaire Clément) se déroule du début à la fin « dans le plus grand ordre ». On ne signale aucun incident lorsque la troupe rend les honneurs militaires au « député défunt », malgré la présence de 6 à 7.000 personnes. Lorsque le convoi quitte la maison mortuaire suivi par une trentaine de députés « avec leurs insignes », un grand nombre de conseillers municipaux, cinq corporations avec leurs bannières, plusieurs loges maçonniques dont celle des « Droits de l’homme », des représentants des comités radicaux, de « L’Alliance socialiste républicaine », de « La Libre pensée », et une foule de manifestants évaluée à 3.500 ou 4.000 personnes, une brigade de gardiens de la paix l’accompagne sur le côté droit sans que cela pose problème. On remarque aussi de nombreux représentants de la presse dans ces obsèques médiatiques qui attirent jusqu’à 10 000 curieux.

Si l’on note le déploiement de trois drapeaux rouges dans le cimetière, il n’en reste pas moins que la cérémonie avec les élus et son caractère corporatif est « respectable ». Un rapport de police précise que « peu de socialistes ont suivi le convoi » ; contrairement aux journées précédentes « les anarchistes ne se sont pas montrés » affirme un autre, bien qu’un indicateur en repère une vingtaine. Ceux-ci se font discrets. Il est cependant probable que ce sont eux qui ont crié « Vive la Commune ! » au moment de l’apparition des drapeaux rouges, la foule restant indifférente. Pour sa part le commissaire Clément n’a rien entendu puisqu’il rapporte qu’« aucun cri séditieux n’a été poussé » ni à l’entrée ni à la sortie de la nécropole.

Une seule exception remarquée : ce cri anonyme de « Vive la Commune ! » pendant le discours d’Eudes qui parle au nom des Anciens combattants de 1871 devant le caveau provisoire. Un informateur conclut ainsi ses observations :

Il n’y avait pas de groupes révolutionnaires proprement dit mais seulement quelques socialistes isolés ! 

À la fin de la cérémonie, ils ne sont qu’une dizaine « d’individus », des anarchistes, à se rendre sur « la tombe des fédérés » tandis que la foule se disperse rapidement et très calmement.

 

Alain Dalotel

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