LA COMMUNE DE PARIS EN 1871
À l’initiative de la Mairie de Paris, vient d’être éditée une forte brochure, qui n’est pas destinée à la vente, mais qui sera mise à la disposition des établissements scolaires et des bibliothèques parisiennes. Une préface du Maire de Paris indique bien l’importance de cette initiative que nous avons saluée dans notre précédent bulletin. L’ouvrage est collectif (dix auteurs) sans que soit indiqué le nom d’un coordinateur même si Robert Tombs qui signe la conclusion semble avoir joué un rôle essentiel.
Ces 76 pages (d’une typographie très aérée) ne pouvaient bien sûr retracer toute l’histoire de la Commune et doivent d’abord être appréciées comme une vue synthétique et une première approche. Dans ce sens le bilan est dans l’ensemble sensiblement réussi. Le jeune lecteur ou celui qui découvre cette période disposera d’un instrument qui lui donnera les premiers éléments factuels, chronologiques, sociaux ou institutionnels. Cependant, certains aspects sont mal traités. Le cas le plus flagrant est celui du chapitre sur les femmes et la Commune où l’auteur oublie tout simplement l’Union des femmes, Nathalie Lemel et Elisabeth Dmitrieff ! Heureusement le maire de Paris, Bertrand Delanoë, les évoque dans sa préface…
Sur la mémoire de la Commune, on aurait pu aussi attendre un développement plus complet sur l’après 1950. Ainsi il n’y a plus de cortège communiste lors de la montée au mur. Ce sont les Amis de la Commune qui organisent la commémoration avec le soutien de nombreuses forces politiques et sociales.
La séparation en deux chapitres La Commune d’en haut et L’œuvre de la Commune affaiblit un peu la présentation de l’action de la Commune qui est de ce fait morcelée. On appréciera cependant la grande clarté du chapitre sur l’œuvre de la Commune.
Nos deux principales réserves portent sur les chapitres d’Eugen Weber et de Robert Tombs. Le grand historien Eugen Weber porte un regard vivant sur Paris en 1871. Si j’ai beaucoup apprécié son histoire sensible des modes de vie des Parisiens de 1871, j’ai le sentiment que l’historien « sent » moins bien la mentalité démocratique et révolutionnaire du peuple de Paris qui, certes, emprunte à la Révolution de 1789 et se veut l’avant-garde de la République et de la Patrie mais est aussi déjà marquée par juin 1848, les premières luttes sociales de la fin de l’Empire et les nouvelles idées socialistes (de Proudhon à Fourier ou Cabet…).
Je contesterai plus fortement la conclusion de Robert Tombs qui voit dans la Commune et le drame humain qui l’accompagne une tragédie « à la fois inévitable et inutile ». Inévitable, sans doute comme tous les événements passés… mais «inutile» ? Sans doute on peut discuter de la Commune comme dernière révolution du XIXe siècle ou première du XXe siècle, sans doute aussi on peut discuter sur l’idée que la République aurait pu s’imposer sans la Commune. Mais l’affirmation d’inutilité contredit le contenu même de l’ensemble de l’ouvrage. La fécondité de l’œuvre de la Commune, de ses idées et de ses pratiques populaires et sociales est encore là, plus que jamais là en ce début du troisième millénaire.
JEAN-LOUIS ROBERT
La Commune de Paris en 1871, Mairie de Paris, Direction de l’information et de la communication, 2007, 76 p.
GEORGES JEANNERET, PARIS PENDANT LA COMMUNE RÉVOLUTIONNAIRE DE 71
ce sont des impressions à chaud qu’offre le livre de Georges Jeanneret publié en 1871 à Neuchâtel. Jeanneret ne serait pas l’auteur de l’ouvrage. Il s’en explique dans l’avantpropos :
« Ma signature écrite en toutes lettres sur la couverture serait le comble de l’imposture si je n’avais une autorisation formelle de l’auteur véritable, qui veut absolument garder l’anonyme » (l’anonymat).
Georges Jeanneret est graveur. Pendant le premier siège de Paris, il sert dans le 85e bataillon de la Garde nationale. Après le 18 mars, il quitte son bataillon et entre dans un bureau de la Préfecture de police. La Commune vaincue, il se cache chez un ami et parvient à passer en Suisse.
Avant son départ, un jeune tourangeau lui aurait confié le manuscrit de Paris pendant la Commune révolutionnaire de 71, dont il dit être l’auteur, afin de le faire publier en Suisse. A partir de cet instant, le jeune homme ne donnera plus aucun signe de vie.
Georges Jeanneret muni du précieux manuscrit arrive sans encombre à Neuchâtel au début de novembre 71. Il fera publier l’œuvre chez Georges Guillaume, imprimeur-éditeur qui a servi comme lui dans le 85e bataillon de la Garde nationale.
C’est à la fois un journal, un livre d’histoire et un roman historique dont la petite note sentimentale n’est pas absente. Son manque d’homogénéité peut surprendre, mais constitue aussi son originalité. Le héros de l’histoire est un garçon de Touraine de la classe 1870. Il est mobilisé dans l’armée de l’Est qui, après de durs comba ts, e st mena c é e d’être encerclée par les Prussiens. Après désarmement, la Suisse accepte les soldats français qui seront hébergés à Neuchâtel. La paix conclue, il rejoint Paris avec Jeanneret qui deviendra son ami. Les deux hommes s’engagent dans la Garde nationale pour défendre la patrie et la République.
Dans son journal, le jeune Tourangeau fait preuve de ses dons d’observation. Il juge les hommes et les événements avec sagacité. Pendant la Semaine sanglante, sa description de l’attaque du quartier de la Croix Rouge par les Versaillais et la vigoureuse riposte des fédérés sont d’un réalisme poignant.
Dans l’ouvrage qu’il présentait, Georges Jeanneret affirmait que pas un mot n’était de sa plume. Ce n’est pas exact comme le démontrent quelques exemples. Dans son manuscrit, le jeune Tourangeau fait référence à l’ouvrage de Malon La troisième défaite du prolétariat français et à l’Étude du mouvement communaliste de Paris en 1871 de Lefrançais.
L’auteur anonyme, quand il remet son manuscrit à Jeanneret, ne peut connaître ces ouvrages qui seront publiés plus tard. Ces remarques laissent à penser que le livre du jeune homme n’est peut-être qu’un leurre destiné à brouiller les pistes de la police et que le véritable auteur du livre est bien Georges Jeanneret.
Marcel Cerf
Georges Jeanneret, Paris pendant la Commune révolutionnaire de 71, Neuchatel,1871. (Lire sur Gallica-BNF)
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Ce curieux ouvrage de 1871 a fait l’objet, en 1968, d’une belle réédition en fac-similé par les Editions d’histoire sociale (EDHIS). A présent, il fait partie d’un stock proposé par la société de livres anciens Chaptal, repreneur du stock EDHIS, aujourd’hui disparues, qui ont publié en 1968 des réimpressions à l’identique de textes de 1871, 1872 et 1873. Ces ouvrages rares sont tous numérotés puisque les tirages étaient limités à 1000 exemplaires. Il s’agit de : Justice, de Borgella, aide de camp de Rossel, qui apporte un témoignage déchirant sur la Semaine sanglante (8 euros) ; Le Livre rouge de la justice rurale, de Jules Guesde qui publie des textes versaillais révélateurs de la brutalité de la répression en mai 1871 (18 euros) ; Etude sur le mouvementcommunaliste à Paris en 1871, de Lefrançais : analyse des événements qui précédèrent la Commune et réflexions sur son échec (18 euros) ; Hommes et choses du temps de la Commune par divers auteurs dont Maxime Vuillaume - premières esquisses des Cahiers rouges (12 euros). Merci à notre ami P. Le Bret qui a offert un exemplaire de chacun de ces ouvrages dont certains épuisés, à la bibliothèque de l’association. Vous pouvez trouver ces livres au siège des Amis de la Commune.