LA COMMUNE DE 1871 : UTOPIE OU MODERNITÉ ?
La publication des actes du colloque tenu à Perpignan les 28,29 et 30 mars 1996, vient de combler nos désirs de parfaire nos connaissances sur la Commune.
Les organisateurs de cette rencontre ; Gilbert Larguier et Jérôme Quaretti doivent être grandement félicités pour avoir rassemblé autour d’un thème mobilisateur autant d’historiens réputés et chercheurs passionnés.
De ces contributions créatives se dégagent souvent de nouvelles et fécondes interprétations de la Commune, dont certaines rejoignent l’actualité, telles que celles privilégiant les liens entre les citoyens et les élus.
Il s’agit, avant tout, de la démocratie directe et de l’influence des contre-pouvoirs populaires (clubs, sections de l’Internationale, sous-comités d’arrondissement) sur le déroulement de l’insurrection du 18 mars.
Dans cet évènement de la souveraineté du peuple, le rôle déterminant du Comité Central de la Garde Nationale est enfin justement reconnu.
Karl Marx dans La guerre civile en France, est un des premiers à mettre en évidence le caractère profondément révolutionnaire du Comité central et a regretter qu’il ait, beaucoup trop tôt, cédé le pouvoir à l’assemblée communale.
Les interventions remarquables de Claude Willard, de Jacques Rougerie et Pierre Boisseau valorisent cette détermination du peuple en armes à se gouverner à son gré et à considérer ses élus comme des simples exécutants des volontés populaires.
On notera également d’excellents exposés sur les Communes de province et particulièrement celui sur Lyon de Maurice Moissonnier.
Et, dans le chapitre interprétations positionnements, l’étude d’André Combes sur la franc-maçonnerie et celle de Pierre Boisseau sur l’œuvre de d’Arthur Arnould (lumineuse analyse de l’Etat et de la Révolution).
On ne saurait citer toutes les communications de ce colloque, mais elles méritent toute notre attention par le grand intérêt qu’elles suscitent.
Comme l’écrit Claude Willard : « si la Commune n’acouche pas du socialisme, elle le porte en elle […] sa modernité tient à ce qu’elle a su poser, dans les termes de son époque, des problèmes toujours d’actualité. Mais à temps nouveau, solutions nouvelles »…
Marcel Cerf
La Commune de 1871 : utopie ou modernité ?, actes du colloque de Perpignan, Presses universitaires de Perpignan.
UN BOURGEOIS ÉCLAIRÉ
Monsieur Jean Dupuy, petit-fils du Docteur Dupuy de Frenelle, nous a communiqué dernièrement le journal biographique de son aïeul pour la période 1871-1879.
Cet excellent médecin, sensible et cultivé, issu d’un milieu très modeste, est un ardant républicain très anticlérical.
Sa chronique journalière du premier siège et du début de la Commune est vivante, pittoresque et passionnée. Il exècre Trochu et Thiers et accueille avec enthousiasme la révolution du 8 mars.
Son ardeur faiblit avec l’aggravation de la situation et après des velléités de prendre part au combat, il s’éloigne du conflit pour protéger sa famille. Cependant, dans son for intérieur, il conserve une haine tenace envers la réaction victorieuse.
Son enthousiasme des débuts de la Révolution était partagé par une grande partie de la petite bourgeoisie ruinée par la guerre. On comprend mieux alors les réflexions surprenantes relevées dans la correspondance de l’internationaliste Serraillier avec sa femme, au cours de la première quinzaine d’avril 1871 :
« chose étrange, le plus ferme appui de la Commune, c’est la bourgeoisie » - 12 avril 1871.
« Ce qui est le plus étonnant, c’est que la bourgeoisie soutient la Commune d’une manière qui ne peut laisser aucun doute » - 15 avril 1871.
De la part d’un membre de la Commune que Marx estimait on se serait attendu à une appréciation des faits moins superficielle et plu nuancée, mais elle traduit bien l’ambiance euphorique des premières semaines du printemps 71. La République démocratique et sociale, on la croyait bien ancrée.
Marcel Cerf
Docteur Dupuy de Frenelle, Lettres de communards et de militants de la 1ere internationale, Bureau d’Edition, 1934.
LE MUR
La réédition de l’ouvrage de Maurice Montégut Le Mur est certainement une curiosité littéraire.
Dans le domaine du roman populaire, Montégut fait figure de novateur par son style moderne, percutant plein de sensualité et de fureur, qui tranche singulièrement, avec l’emphase boursouflée des émules d’Eugène Sue.
Sur le plan des idées, il convient de rester beaucoup plus circonspect. La préfacière estime que l’auteur a subi, à parts égales, l’influence du versaillais Maxime Du Camp et celle du communard Lissagaray. A la réflexion, l’importance du premier est, à l’évidence, beaucoup plus considérable que celle du second.
On a une petite idée de l’objectivité de Montégut par ce court extrait de la description de l’Hôtel-de-Ville sous la Commune :
« toutes les salles étaient occupées par la canaille vautré dans sa crasse exultante, dans l’orgueil de son immondice ; ces pourceaux enragés, livrés à eux-mêmes, célébraient la gloire du prolétaire en bavant aux goulots des bouteilles ».
Il y a des pages et des pages du même acabit.
Les crapules, les fous et les intoxiqués d’absinthe sont au pouvoir, en conséquence rien de valable ne pouvait être réalisé par la Commune. Les quelques éléments convaincus qui se sont fourvoyés dans ce tourbillon de démence collective ont, tôt ou tard, reconnu leur erreur fatale. Seule une belle et tragique histoire d’amour tente vainement d’humaniser la caricature odieuse de la révolution.
Conclusion : les égarés, les innocents trompés par des chefs criminels et corrompus seront massacrés par une répression féroce et impitoyable. Voilà qui met fin à « la barbarie » de ce mouvement populaire.
Marcel Cerf
Maurice Montégut, Le Mur, Du Lerot éditeur, Tusson (première édition 1892).