LA DERNIÈRE BIO DE VALLÈS
Daniel Zimmermann, avec son Jules Vallès l’irrégulier, 465 pages, le Cherche Midi Editeur, nous a donné, sur cet élu de la Commune de 1871 que Goncourt a pu surnommer « le barricadier des lettres », un joli pavé.
On a déjà beaucoup cherché et écrit sur Vallès, l’un des plus célèbres dirigeants communards, mais il faut reconnaître que D. Zimmermann, par son étude qui croise notamment analyse littéraire et approche historique, nous livre un personnage humain donc crédible.
On découvre ainsi le mal de vivre de cet écrivain-journaliste. Sa fameuse trilogie, L’Enfant, Le Bachelier, L’Insurgé, qui l’a immortalisée, est bien née de la souffrance et dans la souffrance. Et pourtant son socialisme révolutionnaire – il se présenta comme le « candidat des pauvres » - fit bon ménage avec certains sentiments réactionnaires à la Céline et une volonté de réussite tout à fait exceptionnelle dans le monde du journalisme.
Vallès, on s’en doutait, n’était qu’un homme avec ses qualités et ses défauts. Et il est difficile, au regard de l’histoire, de garder une auréole qui trouve plus sa justification dans la légende que dans la réalité. Reste le talent littéraire.
Alain Dalotel
Daniel Zimmermann, Jules Vallès l'irrégulier, Le Cherche Midi Éditeur.
CHANTER AU MUR
Dans un Paris qui compte d’innombrable lieux chargés d’Histoire, le Père-Lachaise occupe une place particulière. N’est-ce pas un coin de ce cimetière conçu, en 1804, par Quatremère de Quincy, que se dresse le Mur des Fédérés ? N’est-ce pas entre ses tombes que se livrent, en de farouches corps à corps désespérés, les derniers combats de la Commune entre les héroïques défenseurs de l’Espérance et les hordes de Thiers commandées par des soudards galonnés ou étoilés ?
Jamais, jusqu’à cette fin de siècle et de millénaire, ces hectares n’avaient bénéficié d’une approche aussi sensible et intelligente que celle proposée par le professeur Danielle Tartakowsky. Nous irons chanter sur vos tombes Le Père-Lachaise, XIXe – XXe, est une œuvre pionnière.
D’une plume sûre, l’auteur montre comment les différents régimes (Empire, Royauté, République, Etat-Vichy) s’intéressent au cimetière. Ils veillent, à travers des textes draconiens et des policiers zélés, à éviter des inscriptions funéraires ou des monuments susceptibles de troubler, d’interpeller, d’inquiéter le pouvoir. Pas de rassemblements jugés séditieux. Ministres de l’Intérieur et Préfets de Police révèlent les trésors de leur imagination pour interdire ou canaliser la commémoration de l’épopée Communarde, refusée puis soumise à des contraintes tatillonnes avant de connaître de fabuleux et immenses défilés, est retracée avec subtilité. Les pages sur le P.C.F., sur les sculptures rappelant les camps, sont, aussi, captivantes même (et surtout) si elles entraînent débats et controverses.
A lire avant votre nouvelle visite au Mur. A lire, en même temps que les classiques de la Commune.
Pierre Ysmal
Daniel Tartakowsky, Nous irons chanter sur vos tombes Le Père-Lachaise, XIXe – XXe, Aubier.
MES SOUVENIRS SUR LES ÉVÈNEMENTS DES ANNÉES 1870/1871
Émile Maury était garde national. Quarante ans plus tard il écrit ses souvenirs qui couvrent les deux sièges de Paris. Il n’a jamais eu de responsabilités et semble les avoir plutôt fuies que cherchées. De même, il s’agit d’un républicain et d’un patriote et on ne peut voir en lui un militant révolutionnaire, tout au plus un fervent admirateur de Blanqui et de ses disciples.
On comprend Dalotel de s’attacher pat sa présentation et ses notes à cette image insolite, éloignée de tout romantisme révolutionnaire, peut-être tempérée par les années passées et l’amertume toujours présente de la défaite.
Avec Dalotel nous soulignerons ce qui concerne le « morceau de drapeau rouge de la Commune troué de balles et tâches de boue » qui accompagnait le manuscrit. Pour prendre les risques de le conserver et le transmettre quarante ans plus tard ne fallait-il pas que ce souvenir lui tienne à cœur. Nous avons connu dans les périodes récentes ce genre de fidélité ; il est toujours le signe d’un engagement profond.
Ce petit livre sort, grâce à Alain Dalotel, très heureusement de l’ombre pour nous rappeler que l’histoire est le fait des hommes qui la font, pas forcément héros, mais jamais sans grandeur.
Raoul Dubois
Émile Maury, Mes souvenirs sur les événements des années 1870/1871, présenté et annotés par Alain Dalotel, Edition Boutique de l’Histoire, 1999.
JE VOUS ÉCRIS DE MA NUIT
Après la biographie de « la Vierge rouge », Xavière Gauthier vient de publier la vaste correspondance de Louise Michel.
Un recueil de plus de 1000 lettres, résultat d’un travail acharné de 10 ans de recherche, de déchiffrement et d’érudition, appuyé par un appareil critique rigoureux et détaillé, fort utile pour l’identification des personnages et des évènements évoqués.
La correspondance de la bonne Louise avec les militants du mouvement ouvrier et les personnalités marquantes de son temps fait participer le lecteur aux luttes politiques et sociales de cette fin de siècle.
Xavière Gauthier découvre parfois dans les lettres de « la grande citoyenne excessive et passionnée » des ambiguïtés, des contradictions et même des petites mesquineries qui, sans altérer sa combativité légendaire, semblent, à la fois, la rendre plus vulnérable et plus proche.
Plusieurs de ses lettres nous émeuvent profondément, telle celle à Ferré (n° 46) où elle résume son interrogatoire devant la justice militaire par ses mots :
« J’ai aimé la Commune de tout mon cœur, depuis le premier jour jusqu’au dernier parce qu’elle voulait le bonheur du peuple ! »
et combien d’autres trésors à découvrir dans cette somme admirable !
Marcel Cerf
Louise Michel, Je vous écris de ma nuit, correspondance établie et présentée par Xavière Gauthier, Éditions de Paris.