UN ADMIRABLE PAVÉ
Les éminents spécialistes, les inconditionnels de la vérité dite historique - elle varie selon les saisons et les découvertes - risquent de tordre leurs délicieux museaux en lisant ce merveilleux et grandiose bouquin : Le cri du peuple, de Jean Vautrin.
Depuis 1970 où Jean-Pierre Chabrol avec Le canon fraternité (Gallimard) avait lancé un millier de pages épiques, l'immortelle épopée était portée manquante au rayon nouveauté.
En 1999, Jean Vautrin, avec Le cri du peuple, offre un bouquin vivant, passionnant, excitant. La poursuite vengeresse d'un flic de haut vol (au passé trouble) nous entraîne dans un Paris remué, ébranlé, malaxé par les péripéties de ces semaines lumineuses où l'imagination prend le pouvoir, brise les idoles, fracasse les vieux moules. Les évocations de la banlieue transportent dans un univers aux puanteurs impitoyables.
Les héros de Jean Vautrin, jaillis d'une imagination cousinant avec celle de Victor Hugo et d’Eugène Sue, côtoient Jules Vallès, Louise Michel, le sublime Eugène Varlin, Dombrowski et autres protagonistes de la tragédie. Le cri du peuple ? Un chef d'œuvre à consommer sans modération !
Pierre Ysmal
Jean Vautrin , Le Cri du peuple, Grasset, 494 p.
LA COMMUNE (PARIS 1871)
Ce recueil de photographies n’est pas une concession à la mode des images, mais un travail documenté et sérieux sur les photographies de cette période et une information solide sur le rôle de la photo.
Un texte de quelques pages présente les photos dues à divers auteurs ; beaucoup sont certes connus, d’autres moins souvent cités. Bernard Noël réussit à donner une image sensible et humaine de l’événement. On y sent une sympathie soulignant l'actualité de la Commune.
Les commentaires de Jean-Claude Gautrand et l’insistance mise sur l’authenticité des clichés de Braquehais, sur les manipulations et les faux Versaillais, sur l’utilisation des clichés par la police (une première...) aideront à mieux informer.
On peut regretter la présentation en doubles pages de certaines photos, conséquence du format poche, mais c’est un beau document à un prix abordable.
Raoul Dubois
Recueil de photographie, La Commune (Paris 1871), Photo Poche Histoire, Éditions Nathan.
La Commune au féminin
Dans la revue semestrielle de l’Association des Ecrivains de langue française, on remarque l’excellent article de notre ami Henry Bertrand « La Commune au féminin » dans lequel il souligne l’importance de la participation des femmes à la révolution du 18 Mars.
Initiatrices du mouvement, les femmes font leur entrée dans la politique. Elles militent dans l’Union des Femmes
« qui défend implicitement l’égalité des hommes et des femmes dans la société et réclame un salaire égal pour le même travail. »
Dans ce même numéro, Henry Bertrand présente d’émouvants poèmes de résistantes, de ces femmes qui, à l’exemple des héroïnes de 1871, combattirent et moururent pour la Liberté.
Marcel Cerf
Henry Bertrand, La Commune au féminin, article de la Revue semestrielle de l’association des Ecrivains de langue française.
LES FRANCS-MAÇONS ET LA COMMUNE
Le professeur André Combes est pratiquement le seul à écrire sur la franc-maçonnerie avec intelligence et nuance. Dans ses ouvrages, il évite la pseudo érudition ou la langue de bois pour se contenter d’exposer les faits et de les commenter sans parti pris.
Dans le tome II de son Histoire de la Franc-Maçonnerie au XIXe siècle, il évoque l’attitude des Frères face à la Commune de Paris.
Sur ce sujet, depuis 1871, des tonnes d’erreurs et de sottises sont affirmées, publiées, rapportées. Avec André Combes, on abandonne mythes et mensonges.
Dès le début des événements, la Franc-Maçonnerie souhaite et tente la conciliation mais se heurte à l’intransigeance de Thiers et à la mauvaise foi du Frère Jules Simon. Thiers ne songe-t-il pas, quelques semaines avant la fin mai, aux tueries et aux assassinats ?
Cette attitude butée favorise le ralliement d’un grand nombre de maçons de Paris et de la banlieue à la Commune. Ils manifestent spectaculairement le dimanche 29 avril : trêve de quelques heures et les combats reprennent. Des maçons seront sanctionnés pour avoir choisi la Commune. Après l’épopée « de nombreux anciens élus ou cadres, entreront en Maçonnerie » à leur retour en France ou à l’étranger. Parmi eux, Maxime Vuillaume, Gaston da Costa, Pascal Grousset, Camélinat, J .B. Clément, Augustin Avrial, Assi.
Pierre Ysmal
André Combes, Histoire de la Franc-Maçonnerie au XIXe siècle, tome II, Éditions du Rocher, 430p.
LES INTERPRÉTATIONS DU MOT « RURAL »
Le professeur Raymond Huard traite d’un sujet rarement abordé : la signification politique et sociale de l’épithète « rural » des années 1860 aux lendemains de la Commune.
Raymond Huard fait une analyse approfondie des variations de sens de ce mot en fonction des modifications conjoncturelles des périodes traversées : sous le Second Empire, la France urbaine est déjà fortement politisée mais, en revanche, la France rurale reste fermée à la vie sociale et politique.
L’ignorance paysanne est la conséquence du mode de vie et de la domination spirituelle et temporelle du clergé et des hobereaux, fidèles soutiens du régime.
Pour le républicain des villes, le mot « rural » devient alors synonyme de « réactionnaire ». Il conserve ce caractère nettement négatif à l’aube de la IIIe République. Quand la majorité monarchiste de l’Assemblée nationale insulte Garibaldi, Gaston Crémieux lui lance cette apostrophe célèbre :
Majorité rurale ! Honte de la France !
En s’adressant aux travailleurs des campagnes par la voix d’André Léo, la Commune va tenter de redresser la situation et de détruire le mur d’incompréhension élevé par les gros propriétaires terriens pour opposer l’ouvrier au paysan.
Dans le dernier quart du XIXe siècle, la république conservatrice des Ferry et Gambetta qui recherche l’appui électoral des paysans s’efforce de conférer au mot « rural » un sens élogieux.
Le Parti socialiste, de son côté, par une propagande habilement adaptée à la mentalité particulière des paysans, va redonner à « rural » son acception positive marquant le ralliement des paysans à la République.
Marcel Cerf
Raymond Huard , « Rural ». La promotion d'une épithète et sa signification politique et sociale, des années 1860 aux lendemains de la Commune, article de la Revue d’Histoire moderne et contemporaine (Tome 45 - 4e trimestre 1998)
Lire l’article de Huard sur Persee
Colloque
Au cours d‘un colloque célébrant en 1997 le bicentenaire de la naissance de Thiers (travaux édités par Publisud en 1998), notre ami Jean-Yves Mollier a rappelé quelques vérités bien senties sur le personnage, vérités qui ont heureusement détonné.