Déjà auteur d’un long poème évoquant la Commune, publié dans son recueil Les Gestes impossibles chez Flammarion en 2013, Pierre Vinclair, professeur de philosophie, romancier, poète et essayiste, nous livre ici un roman entièrement consacré aux événements parisiens du 18 mars au 28 mai 1871, qu’il met habilement en relation avec la vague d’attentats anarchistes de décembre 1893 (Auguste Vaillant à l’Assemblée nationale) à février 1894 (Emile Henry au café Terminus près de Saint-Lazare).
Nous suivons les pérégrinations de ses deux (anti)héros de fiction, mobilisés dans l’armée de Thiers pour récupérer les canons de Montmartre et ralliés aux insurgés. L’un, Achille Desotin, patriote, s’enfuit en Belgique début avril 1871, soutient Boulanger après l’amnistie dans les années 1880, aspire à une carrière littéraire dans l’avant-garde et devient un nationaliste antisémite, succombant à l’attentat de février 1894. L’autre, Zacharie Lécréand, après avoir tenté sans succès de fuir Paris après l’échec sanglant de la sortie vers Versailles des 3 et 4 avril 1871, est capturé pendant la Semaine sanglante, déporté en Nouvelle-Calédonie et défend l’héritage des Communards à son retour en France, rendant hommage à ses camarades tombés au Père-Lachaise.
Avec son écriture ciselée et puissamment évocatrice, Pierre Vinclair mène une réflexion foisonnante sur les itinéraires individuels dans l’histoire et interroge de façon stimulante les notions de liberté et d’égalité, de justice et d’injustice, de patrie et de nation, de révolution et d’utopie, de paix et de violence, de mémoire des vainqueurs et des vaincus. Un petit roman par la taille mais un grand livre par le contenu.
HERVÉ LEMESLE
Pierre Vinclair, La Fosse commune, 2016, Le corridor bleu, 199 pages, 16 €.
Un livre dense, difficile à lire d’une traite, tant les informations précises sur ce moment de l’histoire qu’est la Commune abondent. Cet ouvrage au titre long, mais ô combien explicite, est un vrai roman d’aventure, de cape et d’épée. Un style très descriptif qui nous donne à voir ce que nous lisons.
Un roman sur un manuscrit retrouvé, censé être du communard Théo Fischer, écrit pour, dit-il, « ne pas sombrer dans la folie » durant sa déportation en Nouvelle-Calédonie.
Quelques épisodes intriguent cependant par leur manque de précisions, comme par exemple le récit de son évasion de Nouvelle-Calédonie. On effleure juste le sujet, or l’on sait les difficultés immenses pour réaliser cet exploit et combien peu de communards y sont parvenus !
Il est vrai qu’il s’agit d’un roman, ce qui permet des écarts vis-à-vis de l’histoire.
Le héros parle de sa femme avec un amour infini, la décrit comme une héroïne qui n’a peur de rien et qui le pousse au combat. C’est en fait le récit d’une tranche de vie, longue, tellement intense. Un homme courageux, engagé, comme fut la vie de bien des couples de communards durant les 72 jours de la Commune.
On renâcle un peu sur les longues descriptions des combats de rue, mais on y retrouve ce boxeur communard que fut Charlemont. Ce pouvait être le grand frère apprenant la technique d’une défense indispensable pour affronter la mort au combat. Un mode d’emploi pour survivre en quelque sorte. Une devise défendue par Théo Fischer, peu recommandable, mais tristement humaine : « Tuer pour ne pas être tué ! »
On y rencontre aussi une multitude de personnages, comme Francisco Salvatore Daniel, ce merveilleux musicien communard, découvreur de la musique berbère, ou encore Louis Xavier de Ricard qui fut adjoint au Jardin des plantes… et tant d’autres. Des personnages, dont le nom serait tombé dans l’oubli sans des ouvrages comme celui-ci, et la persévérance d’adhérents de notre association, comme à Fontenay-sous-Bois, où une rue porte maintenant ce nom.
Il nous faudra tant et tant de temps pour les faire reconnaître tous ! Cet ouvrage nous en révèle vraiment beaucoup avec bien des précisions passionnantes. Difficulté de l’œuvre sous forme de roman, il mêle la réalité à la fiction et il faut chaque fois s’arrêter, s’étonner lorsque l’on découvre un personnage jusque-là inconnu : « Est-ce vraiment un communard ? », se demande-t-on. Après avoir constaté que l’auteur a raison ou non, on reprend la lecture. Ce livre riche par lui-même d’épisodes multiples est, en plus, augmenté de notes précises, précieuses et nombreuses au bas de chaque chapitre.
Après un long temps passé à se plonger dans cet ouvrage de 500 pages, il faut relire les notes avec l’envie d’y revenir souvent, d’en copier beaucoup car elles enrichissent nos connaissances. Un ouvrage riche de références.
CLAUDINE REY
Editions Petra, 2014 – 25 euros.
Les Cahiers d’histoire, revue d’histoire critique, éditée en partenariat avec Espaces Marx et la Fondation Gabriel Péri, sous la direction d’Anne Jollet, consacre dans son dernier numéro un important article à Léodile Champseix, dite André Léo. Les auteurs font ressortir l’originalité de sa pratique journalistique, étroitement articulée aux événements, qui dépasse dans l’urgence le simple journalisme de reportage.
Notre ami Alain Dalotel, dans sa biographie de référence, André Léo, la Junon de la Commune, avait déjà fait ressortir l’importance de son engagement dès son retour à Paris, début avril 1871, après un séjour de repos dans sa Vienne natale. Notre parcours communard d’octobre avait fait une halte dans le quartier de la presse et Éric le Bouteiller avait localisé plusieurs journaux dont La Commune, réputé proudhonien, et Le Cri du peuple de Vallès, parmi les quatre-vingt-dix, pour la plupart éphémères, créés pendant la Commune.
André Léo écrit régulièrement dans les deux premiers mais surtout dans La Sociale, quotidien politique du soir à un sou où elle signe quinze textes en première page à partir de la mi-avril et jusqu’au 16 mai, date de l’avant-dernier numéro. Le journal transcrit surtout les débats de la Commune et les nouvelles militaires et elle envoie ses articles par la poste sans participer à d’éventuelles réunions. Son écriture est élégante, rien à voir avec l’écriture vociférante du populaire Père Duchêne, qui fournissait cependant l’essentiel des subventions.Ses articles sont des analyses de la situation, virulentes avec les Versaillais, comme dans « Les neutres », ou prémonitoires comme dans « La France avec nous » paru les 9 et 10 avril dans La Commune où elle déplore l’isolement de Paris. Elle tente le rapprochement avec la province et les paysans dans « L’appel aux travailleurs des campagnes » (La Sociale du 3 mai). Elle déplore la mise à l’écart des femmes dans les décisions politiques ou leur insuffisante intégration, et propose leur offre de services dans « Appel aux citoyennes » (Le Cri du peuple, 2 mai) ou « Aventures de neuf ambulancières à la recherche d’un poste de dévouement » (La Sociale, 6 mai). Elle y pointe la différence d’attitude des officiers, méprisants à l’égard des femmes, sauf Rossel, et des gardes nationaux, fraternels et qui les acclament. Elle s’adresse à Dombrowski dans « La révolution sans la femme » (La Sociale, 8 mai). Consciente que la victoire militaire est peu probable, elle mène parallèlement la bataille de l’avenir, érigeant les communards en martyrs de « la grande, la vraie, la seule révolution sérieuse de ce siècle » (« Appel aux consciences », (La Commune, 22 avril 71).
Comme bien d’autres, elle paiera son engagement de l’exil en Suisse et de longues années de silence obligé, avant quelques articles plus théoriques que journalistiques dans Le Socialisme progressif ou L’Aurore, qui deviendra le grand quotidien dreyfusard.
EUGÉNIE DUBREUIL
Charlotte Cosset et Gilles Malandain, André Léo journaliste. Engagement et témoignage (1866-1871), Cahiers d’histoire, Revue d’histoire critique, n°132, juillet-septembre 2016, 17€ (6 avenue Mathurin Moreau 75167 Paris Cedex 19) Tel. 0142174527
On peut également lire et télécharger librement l’article à l’adresse : http://chrhc.revues.org/5402#tocto1n2
Ce livre reprend des textes déjà publiés de Louise Michel et entièrement revus. Les modifications apportées ne concernent que les coquilles typographiques, la ponctuation, la correction de quelques dates, et une mise en forme spécifique.
Pour Claude Rétat et Éric Fournier, dans la présentation de l’ouvrage, Louise Michel est une communarde idéaliste révolutionnaire, éprouvant des difficultés à parler d’elle-même.
Il s’agit là d’un livre d’histoire et de combat, nous faisant revivre les jours tragiques que connut la Commune. De nombreux témoignages, citations et déclarations permettent une approche plus précise d’évènements s’étant déroulés sur plus de dix ans, dont son attitude lors de son procès.
Ce livre est extrêmement détaillé, partant de la déchéance de Napoléon III en septembre 1870 jusqu’au retour de Louise Michel de Nouvelle-Calédonie. On y trouve également le récit d’une communarde qui raconte sa rencontre avec Louise Michel.
C’est un ouvrage intéressant et complet. Il est utile d’ajouter cette phrase : « Nous ne valons pas mieux que les hommes, mais le pouvoir ne nous a pas encore corrompues ».
ANNETTE HUET
Nouvelle édition établie et présentée par Éric Fournier et Claude Rétat, Éditions La Découverte, 2015.