LES LIMOUSINS DE LA COMMUNE DE PARIS (1871)

Les Limousins de la Commune de Paris

Cette étude spécifique sur les Limousins de la Commune de Paris a le très grand mérite de mettre en lumière les Parisiens natifs de province qui ont participé à ce grand rêve révolutionnaire que fut la Commune de Paris 1871.

C’est ainsi un hommage rendu à celles et ceux, nombreux, venus de toutes les contrées de France dans la grande cité et qui formèrent petit à petit le futur prolétariat ; mais c’est aussi le rappel important que la Province eut aussi ses journées ou ses périodes de mouvement social et ses propres Communes, même si le contexte général en fit des événements aux fondements naturellement différents.

Dans cet ouvrage de 430 pages, l’auteur, Stéphane Trayaud, au cursus de juriste, s’est intéressé à la période de la Commune en retrouvant Jacques Trayaud, un de ses ancêtres, dans le dictionnaire du mouvement ouvrier Maitron.

Si la présentation du contexte historique et politique se trouve trop schématisée, le grand intérêt de l’ouvrage repose sur de nombreux aspects passionnants qui contribuent à enrichir les connaissances sur le sujet.

Ainsi l’importante analyse explique-t-elle les conditions dans lesquelles les maçons limousins (Corrèze, Creuse, Haute-Vienne) se sont trouvés engagés dans les 72 jours de la Commune. Les migrants étaient des gens à l’esprit ouvert et très voyageurs.
S’appuyant sur ses nombreuses recherches, l’auteur a ainsi pu dérouler le fil du temps, recensant mille cinq cent trente-et-un Limousins ayant participé à la Commune tout en y ajoutant des parcours individuels de ces anonymes jusqu’au bout de leur vie. Les pages sur la journée communaliste de Limoges sont aussi très utiles reprécisant les circonstances de l’événement.

Au-delà de son caractère régional, l’ouvrage offre surtout des éléments précieux d’informations sur la répression subie par les communards : sa formation de juriste permet en effet à Stéphane Trayaud d’apporter un éclairage extrêmement détaillé sur l’ensemble de l’arsenal juridique utilisé par les versaillais pour les condamnations ; de même la différenciation pertinente entre transportation et déportation permet de mieux comprendre l’évolution des lois dont celles des 7 août 1871 et 23 mars 1872 faisant suite à la loi de déportation politique du 8 juin 1850 ; enfin, toutes les précisions données sur les lieux de détention avant la déportation (prisons pontons) rappellent des lieux de souffrance qui, depuis les travaux de Roger Pérennes, n’ont pas été revisités.

Quatre cent soixante-quatre Limousins ont fait l’objet d’une sanction pénale dont onze femmes. L’auteur démontre également l’hypocrisie de la commission des grâces dont la composition même était déjà la preuve de l’ignominie : après la boucherie de la Semaine sanglante et des semaines suivantes, seul 13 % des condamné(e)s bénéficièrent d’une atténuation de la peine. La conclusion qui porte sur le terme à employer pour définir le sens des massacres perpétrés est source de débat : si l’auteur penche pour le crime de guerre, établissant des parallèles argumentés avec la période noire de 1939-1945, le terme de génocide ne peut être écarté quand on sait que c’est le prolétariat ouvrier — donc un groupe ciblé — qui a été frappé.

Les 212 pages contenant les biographies des 1 531 limousins dont l’auteur a retrouvé la trace sont bien évidemment un fonds d’archives d’une très grande richesse. Une bibliographie détaillée et spécifique à chaque moment de l’histoire accompagne cet ouvrage.

Nous ne pouvons que souhaiter la parution d’autres études sur les provinciaux de Paris redonnant nom et vie à toutes celles et tous ceux qui se sont battus pour l’idée de grande révolution sociale portée par la Commune.

JEAN ANNEQUIN

Stéphane Trayaud, Oubliés de l’histoire-Les Limousins de la Commune de Paris (1871), Mon Petit Editeur, 2012.

LE BANQUET DES AFFAMÉS

Couvert du banquet des affamés

Cet ouvrage «  autobiographique » (l’auteur se substitue à Maxime Lisbonne) est passionnant de bout en bout. Il se présente comme le récit chronologique d’une vie, celle de Maxime Lisbonne... et l’on sait que cette vie fut extraordinairement riche.

Même pendant les événements les plus tragiques, le souci du détail, la fantaisie, le plaisir de la découverte de situations burlesques ou comiques, la rencontre de témoins inconnus ou oubliés, les anecdotes de la vie courante, tout contribue à rendre cet ouvrage vivant et à tenir le lecteur en haleine.
Qu’on en juge rapidement. Maxime Lisbonne, issu d’une famille de militaires (père officier de la garde Républicaine en 1830, grand-père « grognard  ») s’engage à 16 ans. Durant dix ans, il va participer aux campagnes de Crimée, Italie, Syrie, Algérie en soldat valeureux.

L’affirmation de ses origines juives contribue à mettre un terme à sa carrière militaire. Le retour à la vie civile fut bref, les événements politiques (déclaration de la guerre à la Prusse) lui font reprendre les armes. Il combat courageusement, puis joue un rôle non négligeable dans l’avènement de la Commune. Il comprend en professionnel que le sort de la Commune se jouera très rapidement sur le plan militaire.

Il s’impatiente avec Louise Michel et Théophile Ferré de l’inertie du comité central, inertie qu’il qualifie de « crime  ».

Son idéal communard le fait cependant s’engager totalement et sans réserve. Nommé Colonel il participe à tous les combats, blessé grièvement à la barricade du Château d’Eau, il est fait prisonnier, jugé, condamné trois fois à mort... peine commuée en travaux forcés à perpétuité. Il est déporté en Nouvelle-Calédonie.

La vie au bagne : une foule de détails peu connus, l’attitude très ambiguë de certains communards, mais aussi les oubliés des communes de Lyon et de Marseille, les Kabyles.

Après l’amnistie de 1880, c’est l’homme de théâtre (réelle passion de Lisbonne) qui donne la mesure. Directeur de divers théâtres : «  Les Bouffes du Nord  », «  Les Folies St Antoine  », «  Le Théâtre Beaumarchais  », il fait jouer entre autres Hernani, Les Burgraves, avec des succès divers.
Cet éternel fauché, toujours inventif pour survivre tout en faisant revivre l’épopée de la Commune, crée d’éphémères cabarets excentriques et artistiques : « La Taverne du Bagne  », «  Le Casino des Concierges », «  La Frite révolutionnaire »...

Sensible à la misère du peuple due à la spéculation des banques (Panama) et de la bourgeoisie, il organise une collecte de dons alimentaires pour un banquet des pauvres du XVIIIe arrondissement de Paris qui réunit 3 000 personnes. On songe bien sûr à Coluche, autre saltimbanque au grand cœur.
Parmi ses cabarets excentriques, notons le bien innocent « Théâtre déshabillé », strip-tease avant la lettre du «  coucher d’Yvette ». Autre excentricité : ses velléités de se présenter à l’Académie française, donnant lieu à de désopilantes tournées académicides.

Maxime Lisbonne, communard, « saltimbanque » retiré à la Ferté- Allais, meurt pauvre le 26 mai 1905. L’Humanité du 27 mai conclut un article élogieux par ces mots :

«  Fantaisiste... mais un vaillant et aussi un brave homme.  »

CLAUDE CHRETIEN

Didier Daeninckx - Éditions Gallimard

LES DAMNÉS DE LA RÉPUBLIQUE

Les damnés de la République

Si cet ouvrage ne parle pas des communards que nous connaissons et qui eurent à subir les affres et les tortures lors de leur exil en Nouvelle-Calédonie, il aborde, à travers ce roman et ses personnages qui auraient très bien pu exister, les terribles conditions de vie au bagne.

Nous sommes saisis par la réalité des faits, les excès des geôliers, les punitions injustes et très dures infligées aux déportés. Il nous fait vivre l’enfer, les tortures que les communards subirent pendant leurs dix années d’exil. L’auteur est bien documenté.

De plus, avec l’histoire d’amour qui s’intègre dans le récit et l’utilisation de personnages réels ou fictifs, il nous remet en mémoire ce que fut la réalité quotidienne, chaque jour plus difficile, de la vie des communards au bagne.

ANNETTE HUET

Roman historique de Gildard Guillaume — Éditions L’Harmattan

 

COUPONS LE CABLE

Coupons le cable

Si André Léo [1] a écrit de nombreux ouvrages sur la Commune de Paris, ce livre là nous montre un autre aspect de sa personnalité.

Très frappée par le scandale de l’affaire Dreyfus, elle décide de «  partir en guerre » contre la religion, toutes les religions.

Dans Coupons le câble, titre significatif, André Léo aborde le problème de l’émancipation de tous et se révolte contre la société de son temps encore liée à des millénaires d’obscurantisme et de violence, dominés par la religion. Dans son pamphlet, elle écrit :

« Comment osez-vous célébrer la Révolution française, alors que vous imitez et protégez les nouveaux seigneurs que sont les riches ? ».

André Léo accuse la religion d’être un outil du gouvernement et apporte des arguments indiscutables à son raisonnement. On y retrouve les excès des grands et l’écrasement des faibles.

En avance sur son temps, elle propose l’utilisation des églises pour l’enseignement de la morale humaine en alternance avec l’enseignement religieux, pour des conférences destinées à l’instruction du peuple. Elle constate que pendant des siècles on a abusé de la crédulité humaine et termine :

« Quand les deux fléaux que sont la guerre et la superstition auront disparu de notre terre... les humains concevront l’amour et le respect de l’humanité ».

ANNETTE HUET

André Léo - Éditions Dittmar.


[1] André Léo est le pseudonyme que prit Victoire Léodile Béra, épouse Champseix, pour son activité littéraire, à partir de 1862 ; il est composé des prénoms de ses fils jumeaux.

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