Wroblewski doit se borner à fortifier rapidement le XIIIe arrondissement, prochain objectif des Versaillais. Il dispose de 3000 à 4000 hommes dont ceux du 101e bataillon commandé par Sérizier, « tous enfants du XIIIe et du quartier Mouffetard, indisciplinés, indisciplinables, farouches, rauques, habits et drapeau déchirés, n’écoutant qu’un ordre, celui de marcher en avant »(1).
À la Butte aux Cailles, Wroblewski fait installer une batterie de huit pièces et deux de quatre, dont les tirs sont dirigés sur la place d’Enfer et les autres points stratégiques du quartier de l’Observatoire. De fortes barricades sont élevées sur le boulevard d’Italie (boulevard Blanqui), les boulevards de l’Hôpital et de la Gare. Il établit son quartier général à la mairie du XIIIe et sa réserve place Jeanne-d’Arc, défendue par vingt canons et six mitrailleuses. Le pont d’Austerlitz est parfaitement armé et fortifié pour assurer ses communications avec la rive droite.
Le 24 mai, un combat d’artillerie intense a lieu entre la batterie versaillaise de la place d’Enfer et la batterie des Fédérés de la Butte aux Cailles.
Les Versaillais, qui occupent l’asile Sainte-Anne, sont prêts à se lancer à l’assaut de la Butte, mais il leur faut franchir les deux bras de la Bièvre. Les tirailleurs fédérés descendent dans la vallée et se précipitent à la rencontre des assaillants. Quatre fois, les Communards font une démonstration offensive et repoussent l’assaut des soldats de l’armée régulière. À huit heures du soir, les positions sont les mêmes de part et d’autre.
Dans la nuit, le général de Cissey, qui dirige les opérations sur la rive gauche, veut en finir avec la résistance de la Butte aux Cailles ; ne pouvant la prendre d’assaut, il la fera anéantir par son artillerie. Des batteries sont établies à l’Observatoire, au bassin 81 (Porte d’Arcueil) et derrière le chemin de fer de Sceaux. Des renforts considérables sont engagés, trois régiments versaillais, avec leurs batteries de campagne, prennent position près du plateau de Montsouris.
Le jeudi 25 mai, le mouvement versaillais commence. Sur la droite, la brigade Lian quitte le parc Montsouris et se fraye un passage entre le chemin de fer de ceinture et les fortifications. Elle occupe successivement toutes les portes jusqu’au Pont Napoléon (Pont National) et s’empare de la gare aux marchandises du chemin de fer d’Orléans. La brigade Osmont, partie de l’asile Sainte-Anne, franchit les ravins de la Bièvre et se jette à l’assaut de la Butte aux Cailles qui est attaquée de front et de flanc à travers enclos et jardins. La position n’est plus soutenue par les trois forts du sud —Montrouge, Bicêtre, Ivry— qui ont été abandonnés, ainsi que la redoute des Hautes Bruyères. Certes, leurs défenseurs se sont repliés sur la place d’Italie, mais leur nombre est insignifiant devant l’importance des forces versaillaises. Après trente-six heures de résistance acharnée, Wroblewski doit céder devant la cinquième et formidable attaque des Versaillais. Les prisonniers sont massacrés sans pitié.
Au centre, la brigade Bocher, formée de trois colonnes, débouche par les boulevards Arago et Port Royal, enlève les Gobelins incendiés par les Fédérés avant leur retraite. Une centaine de combattants qui n’ont pu fuir sont fusillés sur place. La barricade du boulevard Saint-Marcel est prise et la brigade Bocher arrive à la mairie du XIIIe en même temps que la troupe du général Osmont, remontée par les avenue d’Italie et de Choisy. La barricade Baudricourt est jonchée de cadavres après sa destruction.
Le général Bocher continue sa marche par les boulevards de l’Hôpital et de la Gare. Le dernier refuge de la place Jeanne-d’Arc tombe à l’issue d’un combat meurtrier, Wroblewski, sur le point d’être cerné est contraint à la retraite. Sous la protection des feux des barricades du pont d’Austerlitz, il parvient à faire passer sur la rive droite un millier de ses combattants et une partie de ses canons.
MARCEL CERF
(1) Lissagaray, Histoire de la Commune de 1871