Parmi les quatre pièces éditées par Pierre-Jean Oswald (1931-2000), dans la lignée de François Maspero (1932-2015), sur le sujet de la Commune, redécouvrons cette pièce de Xavier Pommeret (1932-1991) de 1973, mise en scène par Anne Delbée, comédienne et metteuse en scène de conviction, qui mit en valeur Camille Claudel (1864-1943) et fut la première femme à diriger seule un Centre dramatique national (CDN).
« Lycée Thiers, maternelle Jules Ferry » a été créée par le Théâtre des Amandiers de Nanterre, puis jouée au Théâtre Jean-Vilar de Suresnes. Le sous-titre lance l’esprit : pièce en trois « thiers-temps ».
En premier, le temps des armées, le temps désarmé, le temps des armés, puis le temps des cerises qui est le temps de la lutte, de l’émulation et, tertio, le temps du sang, le tant du cent, le temps du cent, le tant du sang. L’auteur nous livre sa volonté.
« C’est l’histoire d’un élève qui prépare le concours d’entrée à Saint-Cyr, qui vit dans l’idéal nationaliste et découvre que l’histoire enseignée de la Commune est le mensonge le plus étonnant de l’histoire de France (…). Les livres d’histoire utilisés et distribués aux enfants des écoles Jules-Ferry et aux grands des lycées Thiers enseignent sans pudeur les contre-vérités les plus flagrantes. »
Curieuse liste de personnages : un proviseur et Tolain, professeur d’histoire sympa ; les jeunes sont Clio, grosse tête en histoire et Evelyne du Camp, prof de maternelle excédée ; les élèves, dont Édouard de Paladines, vont aussi parodier la bande des Jules ou Francisque Sarcey ; les filles de maternelle – rôles tenus par des actrices de 16 ou 18 ans – portent les noms de femmes ayant joué un rôle dans la Commune.
Imaginez. Ces petites élèves ne veulent pas danser le french-cancan devant le ministre… Ces personnages réagissent diversement. Xavier Pommeret multiplie les scènes. Son patchwork théâtral métaphorise de nombreuses confrontations entre personnages, qui sont parfois loin de leur existence historique réelle. Voici un exemple de comptine récitée par l’élève Louise Michel :
La Commune de Paris n’a pas été un bal
massacre des hommes aux mains durcies de cal
cette mascarade ne fut pas carnaval
Thiers le républicain s’en fit l’affreux chacal
bourgeois promu bourreau ce fut ton festival
tes soldats éventrant se crurent des narvals
baïonnettes dressées comme champ de nopals
pour torturer le peuple avec ces nouveaux pals
pour les riches ce carnage fut un régal
contemplé applaudi par de cruels servals
Le théâtre est bien, pour Pommeret, un outil pédagogique d’éveil des consciences.
MICHEL PINGLAUT