Saint-Denis, « la ville rouge », possède le fonds le plus important au monde sur la Commune de Paris, partagé entre les archives municipales,
la médiathèque, et surtout le musée d’art et d’histoire, qui détient plus de 15.000 documents et objets sur la guerre franco-prussienne de 1870-1871 et sur la Commune.
Constitué à partir des années 30 [1], ce fonds, qui est présenté au 2e étage du musée, dans l’ancien Carmel de Saint-Denis, a fait l’objet d’un nouvel accrochage au printemps 2017.
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Narcisse Chaillou (1835-1916), Le Dépeceur de rats, 1870
Musée d’art et d’histoire – Saint-Denis © Irène Andréani
On suit un parcours, ordonné en dix-neuf sections, à la fois chronologiques — le Second Empire, la guerre, la République du 4 septembre, le siège, l’armistice, le 18 mars, la guerre contre Paris — et thématiques — le gouvernement de la Commune, la vie administrative, la rue sous la Commune, communardes et communards —, pour terminer par la Semaine sanglante, la répression et la déportation, l’amnistie, la mémoire et la postérité de la Commune. Les documents présentent la pluralité des points de vue : celui, évidemment prédominant, du peuple parisien et des communards, mais aussi celui des anti-communards, ou celui des Allemands.
On soulignera d’abord la clarté et la rigueur de la présentation. À l’exhaustivité, a été préféré un choix de documents significatifs, présentés avec sobriété et pédagogie. Dans chaque section, un panneau explicatif restitue le contexte et guide le visiteur. On privilégie l’accompagnement, voire le dialogue avec le visiteur, plutôt que le spectaculaire.
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Georges Salendre (1890-1985), Buste de Gustave Courbet
Musée d’art et d’histoire – Saint-Denis © P. Le Tulzo
On retiendra la richesse et la diversité des œuvres présentées. Des écrits d’abord, de toute nature : journaux, affiches, ouvrages, correspondances… On apprécie en particulier la présentation qui permet au visiteur de « feuilleter », dans des cadres amovibles, une sélection de la collection d’affiches. On sera évidemment accroché par la richesse et la variété des collections artistiques : dessins et caricatures de Gill, de Daumier, de Cham ou de Lançon ; photographies de Bruno Braquehais ou photomontages anti-communards d’Appert ; peintures ou sculptures, d’hier et d’aujourd’hui, illustrant ou évoquant la Commune. Citons, entre autres, un buste de Gustave Courbet par Georges Salendre, Le dépeceur de rats de Narcisse Chaillou, L’exécution de Varlin de Maximilien Luce.
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Kevin Larmee, La Commune de Paris 1871
Musée d’art et d’histoire – Saint-Denis © 2017 Kevin Larmee / photo : Irène Andréani
Une mention particulière, à la fin du parcours, pour le Monument à Charles Delescluze d’Ipoustéguy, ou pour La Commune de Paris 1871, du peintre néo expressionniste américain Kevin Larmee, œuvre qu’il a réalisée pour le musée d’art et d’histoire à la suite d’une visite, et qu’il commente ainsi :
« Ma peinture de la Commune… saisit l’énorme brutalité sauvage de cet événement ».
De cette présentation émergent les moments forts de « l’année terrible », les grandes figures, qu’il s’agisse des tenants de l’ordre (Napoléon III, Thiers) ou des acteurs de la Commune (Louise Michel, Courbet, Varlin…), et surtout le peuple de Paris. La révolution de 1870-1871 est explorée dans toutes ses dimensions, politique et sociale, militaire, culturelle, sans oublier l’ombre portée de la Commune jusqu’à nos jours.(http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb33384360m)
Une fois le parcours communard terminé, on ne s’interdira pas de faire un tour dans les autres sections du musée : l’histoire du Carmel, présentée dans les cellules restaurées du premier étage ; ou l’archéologie médiévale, dans l’ancien réfectoire des Carmélites, avec une remarquable présentation des objets mis au jour grâce au très important chantier d’archéologie urbaine conduit dans le centre-ville de Saint-Denis à partir de 1973 [2].
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Henri Félix Emmanuel Philippoteaux (1815-1884), Derniers combats au Père-Lachaise, 1871
Musée d’art et d’histoire – Saint-Denis © Irène Andréani
Enfin, on ajoutera que le musée propose une large palette d’activités : expositions, conférences, visites participatives, concerts, etc. Par exemple, pour ce qui nous intéresse, Les Gavroche de la Commune, sur la place des enfants dans la Commune de Paris, ou Que demande le peuple ?, sur les motivations et la portée de la Commune.
Ainsi, des Amies et Amis de la Commune se sont retrouvés lors d’animations autour d’un thème. Le 11 mai 2017, pour la réouverture du musée, après l’exposé de Lucile Chastre, médiatrice culturelle du musée, le groupe Une Chanson dans ma mémoire [3] a imaginé une rencontre entre Eugène Pottier et Gustave Nadaud, auteur de Pandore ou les deux gendarmes. La visite se terminait par ce spectacle poétique, théâtral et musical. Le 1er octobre, nouveau thème : la rue. Lucile Chastre a mis l’accent sur des œuvres en rapport avec le sujet (Le dépeceur de rats, La colonne Vendôme renversée...) ; en écho, dans la chapelle, le chorégraphe brésilien Volmir Cordeiro présentait Rue, un solo dansé, pulsionnel et citationnel, sur des poèmes de Bertolt Brecht. Volmir Cordeiro était accompagné par le percussionniste Washington Timbo. En pertinence avec le thème, le danseur est sorti de la chapelle pour se diriger vers... la rue.
On aura donc compris : le musée d’art et d’histoire de Saint-Denis est plus que jamais un lieu de référence pour la connaissance et la mémoire de la
Commune.
MICHEL PINGLAUT ET MICHEL PUZELAT
Musée d’art et d’histoire, 22 bis rue Gabriel Péri, 93200 Saint-Denis (métro Porte-de-Paris). lun/mer/ven : 10h-17h30, jeu : 10h-20h, sam/dim : 14h-18h30. musee-saint-denis.com
Bertrand Tillier, Le siège et la Commune de Paris, 1870-1871, Saint-Denis, Musée d’Art et d’Histoire, 2013.
Notes
[1] C’est Jacques Doriot, alors député-maire communiste de Saint-Denis, qui en a été l’initiateur, en vue d’une exposition sur la Commune de Paris présentée au musée du 17 mars au 26 mai 1935. (http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb33384360m).
[2] Les fouilles urbaines de Saint-Denis, lancées en 1973 au moment de la construction de la ligne 13 du métro, ont constitué l’un des plus grands chantiers d’archéologie urbaine en France, sous l’égide de l’Unité d’archéologie de Saint-Denis.
[3] Voir « Un cabaret Pottier à Vierzon », La Commune, n° 68, 2016 4e trimestre, p. 25-26.