Les femmes de la Commune sont l’objet d’une attention particulière depuis quelques années et le dictionnaire de nos amies s’inscrit dans cette ligne qui vise à donner toute leur place dans l’histoire à ceux d’en bas, au peuple agissant. Les dictionnaires sont une des formes de cette approche et, bien entendu, le Petit dictionnaire des femmes rencontre la démarche engagée par Jean Maitron, il y a près de 50 ans.
Toutefois, il faut bien le dire, les premières sources, congrès, presse, élus, etc… favorisent les hommes, longtemps cadres du mouvement ouvrier ou porte-parole des mouvements sociaux. Naturellement, donc, les premiers travaux ont tendu à minimiser la place des femmes dans l’histoire, fût-elle ouvrière. Pour retrouver toutes les femmes agissantes, il faut creuser, labourer en profondeur les archives.
Ce fut l’objet du travail des auteures. On en voit bien le résultat en comparant deux chiffres. Le Dictionnaire Maitron (dont les notices biographiques sont abondamment utilisées) donne environ 300 femmes communardes, le Petit dictionnaire des femmes en donne plus de 800. Des sources originales ont été étudiées (les listes de femmes détenues ou transférées disponibles aux archives de la préfecture de police, les registres de trois conseils de guerre, les compagnes de déportation citées par Louise Michel, etc.).
Voici donc ces obscures, remises à la lumière : l’ambulancière de la Commune, Gaullé (dont on ignore le prénom), qui signe avec d’autres femmes un appel :
« leur vie est toute entière à la Révolution » ;
Mlle Stella, artiste lyrique qui participe au concert patriotique du 30 avril dans le XIe arrondissement ; Hortense David, brossière, qui, vêtue d’un habit de marin, est pointeuse dans l’artilleriecommunarde ; Maria Vaquette, ouvrière en jouets, 18 ans, ambulancière de la Commune, Céline Delvainquier, cartonnière, qui demande avec d’autres que la Commune facilite les réunions des citoyennes. Certaines de ces oubliées de l’histoire deviendront célèbres comme Herminie Sardon épouse Cadolle, corsetière qui inventera le soutien-gorge.
Le volume est accompagné de courtes préfaces. Une, collective, rappelle le rôle essentiel des femmes pendant la Commune (qui ne furent toutefois pas toutes communardes, loin de là, et il serait aussi intéressant de réfléchir à cet aspect). Mais ce sont surtout les trois textes des trois auteures qui m’ont touché. Elles y dévoilent leur volonté de rendre justice à ces femmes méconnues ou l’émotion à retrouver leurs traces dans des papiers jaunis. Ce très beau travail rendra service à toutes celles et à tous ceux qui associent passion de l’histoire et passion de la justice.
Jean-Louis Robert
Petit dictionnaire des femmes de la Commune – Les oubliées de l’histoire, par Claudine Rey, Annie Gayat, Sylvie Pepino, Les Amis de la Commune de Paris, Éditions Le bruit des autres, 2013, 302 p. 20 € + 3,40 pour frais d’envoi