Ces derniers temps, nous avons vu plusieurs ami.e.s disparaître : Alain Dalotel, Jean-Claude Farcy, Jacques Kerzanet et Janine beisson. Notre association veut ici leur rendre hommage.
L’ami Alain nous a quittés
Alain Dalotel (1943-2020) est décédé le 29 mai 2020 à Bagnolet, à l’âge de 77 ans. Engagé dans notre association depuis les années 1980 jusqu’au milieu des années 2000, date à laquelle il a dû renoncer à toute activité à la suite d’un grave AVC. Ce docteur en histoire sociale est l’auteur de nombreux ouvrages sur la Commune.
Notamment, Aux origines de la Commune, le mouvement des réunions publiques à Paris-1868-1878, livre collectif indispensable pour connaître la genèse de l’insurrection dans les clubs rouges. Cet historien s’est beaucoup intéressé aux figures féminines de la Commune, en commençant par Paule Minck (1839- 1901), dont il a préfacé et commenté les textes dans un ouvrage paru en 1981. En 2004, il publia la biographie d’une autre grande féministe, André Léo (1824-1900) : La Junon de la Commune. Enfin, en 2005, Alain Dalotel a fait paraître une biographie de Gabriel Ranvier : Le Christ de Belleville, blanquiste, communard et franc-maçon, maire du XXe arrondissement de Paris.
Il faut également rappeler ses nombreux articles parus dans notre bulletin, La Commune, ainsi que dans la revue d’histoire populaire Gavroche, de 1982 à 2006. Outre ses multiples ouvrages et articles, Alain Dalotel collabora à plusieurs films, dont celui de Peter Watkins, La Commune - 1871, tourné en 1999 dans les anciens studios de cinéma de Georges Méliès, à Montreuil. Alain fut l’un des conseillers historiques du film, en compagnie de Jacques Rougerie, Robert Tombs et Marcel Cerf. En 2004, il a également collaboré au documentaire de Mehdi Lallaoui, intitulé également La Commune de Paris - 1871.
Salut Alain, au plaisir de te croiser dans les rues de Belfast ou les allées du Père-Lachaise où tu aimais tant flâner au milieu des tombes de tes chers communards. « La Commune ? On en a tous rêvé ! Et bien de près, c’est encore mieux que ce qu’on avait imaginé… Les communards n’ont pas fini de nous étonner et de nous charmer, avec ce mélange de fierté et d’idéalisme qui les caractérise », m’écrivais-tu en 1980 dans une dédicace toujours d’actualité.
Voir sur le site des Amis d'André Léo l'hommage de Claude Latta à Alain Dalotel (1943-2020) : https://andreleo.com/spip.php?article138
Accéder à sa bibliographie chronologique établie par Claude Latta et Pierre-Henri Zaidman : https://www.commune1871.org/images/PhotothequeAmis/jpg/dalotel_biblio.pdf
JOHN SUTTON
La Commune a perdu un ami, Jean-Claude Farcy n’est plus.
Infatigable chercheur, foncièrement attaché à son département de l’Eure-et-Loir, Jean-Claude Farcy est parti au cours de l’été sans avoir pu mener à terme, parmi d’autres, son projet de livre consacré à la répression de la Commune, dont nous évoquions l’écriture dans notre numéro 83.
Jean-Claude Farcy était un de ces puits de science, dont l’érudition n’avait d’égale que la volonté de partager avec le plus grand nombre — chercheurs ou grand public — le fruit de ses recherches, ses découvertes et ses analyses.
Agrégé d’histoire dans sa jeunesse, il enseigne l’histoire et la géographie à ses débuts, puis soutient une thèse de doctorat en Histoire, ensuite une thèse de doctorat d’État sur les paysans beaucerons. Par l’ampleur de ses recherches, il devient un maître à penser de l’histoire rurale et du monde agricole, spécialiste mondialement reconnu, dont les travaux sur l’Eure-et-Loir et la Beauce font autorité. Mais il s’intéresse avec autant de passion et de brio à l’histoire judiciaire, publie un nombre impressionnant d’études, articles, notes, rapports, livres sur ce thème et met en ligne trois sources indispensables à celles et ceux qui étudient la répression des mouvements révolutionnaires et républicains au XIXe siècle : http://inculpes-juin-1848.fr (informations sur 11 567 individus), poursuivisdecembre-1851.fr (informations sur 26 848 individus poursuivis) et https://communards-1871.fr/ (informations sur 41 375 personnes poursuivies par la justice).
En 1982, il devient chargé de recherches au CNRS et exerce à Dijon jusqu’à sa retraite en 2011.
A partir de 2003, il fait profiter la plateforme web de publication Criminocorpus de son enthousiasme et de son engagement et contribue, en 2011, à la création de l’association du même nom. Il en devient vite « un pilier et une locomotive » comme le dit l’hommage de Criminocorpus, insuffle un dynamisme dans les équipes de chercheurs, encourage les jeunes talents et n’hésite pas, toujours disponible, à engager le dialogue et aider le vulgum pecus par ses connaissances et conseils. Le site internet de Criminocorpus. Revue hypermédia. Histoire de la justice, des crimes et des peines ( criminocorpus.org/fr/criminocorpus/atteurs/farcy ) – à laquelle il a collaboré pendant 18 ans et dont il a été rédacteur en chef de 2011 à 2013 – permet de mesurer l’étendue des sujets sur lesquels Jean-Claude Farcy a travaillé.
Pour celles et ceux qui étudient la répression de la Commune, on ne saluera jamais assez l’initiative de Jean-Claude Farcy, qui, avec l’ouverture du site internet communards-1871.fr et l’accès à ses plus de 40 000 fiches, permet aux recherches sur la Commune de trouver un nouveau souffle. Fin juin, il avait envoyé un dernier article à Criminocorpus concernant la participation des enfants à la Commune de Paris (1).
L’association des Amies et Amis de la Commune de Paris 1871 adresse à sa famille ses condoléances attristées et toutes ses pensées solidaires à l’équipe de Criminocorpus et à son directeur de publication, Marc Renneville, chercheur au CNRS, que nous remercions tout particulièrement de nous autoriser à publier des extraits du dernier article de Jean-Claude Farcy.
GUY BLONDEAU
(1) Cet article est visible dans son entier à cette adresse : https://journals.openedition.org/criminocorpus/7417
Jacques Kerzanet nous a quittés
Jacques Kerzanet était un homme avenant, chaleureux, généreux, d’une grande culture et féru d’histoire. Il était très attaché aux idéaux de la Commune et à notre association.
Il vivait dans le Marais breton, qui l’a beaucoup inspiré. Son « travail tire du marais-mer-fleuve, toute la gamme insolite de ce que l’œil peut saisir pour en restituer autant de moments d’impressions », a-t-il dit.
Mais la Commune l’a aussi beaucoup inspiré. Ainsi, il a présenté des œuvres dans l’exposition que nous avions organisée au Sénat en 2014. Il nous a donné de nombreuses œuvres, qui décorent nos stands à la fête de l’Humanité et à celle de la Commune, ou encore la scène pour la représentation de notre pièce de théâtre, et notre calendrier 2020… Il a peint des décors pour notre stand à la fête de l’Humanité, qui ont eu beaucoup de succès.
Notre association, très touchée par la disparition de Jacques, s’associe à la tristesse de ses proches.
MARIE-CLAUDE WILLARD
Janine beisson
Janine nous a quittés le 30 août dernier, disparue accidentellement. Mais elle est dans nos souvenirs cette frêle silhouette à l’allure douce : regard tendre et bienveillant, un sourire esquissé, cette image d’elle nous accompagne.
Nous, les Amis et les Amies de la Commune, en l’évoquant entre nous, reprenons les mêmes expressions à son sujet : réservée, d’une modestie naturelle qui en disait long sur ses qualités morales et d’écoute ; gaie, joyeuse, pleine d’humour ; fine et intelligente !
Discrète aux côtés de Georges Beisson que nous avons d’abord connu, elle l’a peu à peu accompagné aux différentes commissions et au comité de relecture du bulletin, sachant enrichir nos débats de ses remarques et propositions, même discrètes, participant également aux voyages de notre association. Lors des Rendez-vous de l’histoire à Blois, elle assurait avec Georges une permanence sur notre stand, et tous deux « couraient » d’un débat à l’autre, pendant trois jours, avec passion.
Nous avons également des souvenirs privés, autour d’une bonne table ou d’un pot d’après comité. L’une partageant un apéritif chez les Beisson dans une ambiance chaleureuse et entretenant avec Janine une conversation riche, sans gêne aucune ; l’autre évoquant avec elle la cuisine méditerranéenne chère à son cœur, avec la promesse de s’échanger des recettes. Pour moi, le souvenir d’un moment charmant, amical et convivial lors d’une rencontre à Veules-lesRoses, autour d’un café dans un bon restaurant où nos chemins s’étaient croisés inopinément. Oui, c’était une bonne vivante !
Nous savions qu’elle avait fait carrière dans la recherche au CNRS. Devinant qu’elle était très investie dans son domaine professionnel, nous avons vraiment découvert qui elle était dans ce milieu, en lisant l’hommage rendu par ses ancien.nes collègues de laboratoire à qui elle rendait encore parfois visite.
Janine était une sommité dans le monde de la recherche médicale et de la génétique, mais elle n’en a jamais fait état.
C’était une grande dame, de l’intelligence de ceux qui, dans l’ombre, réalisent de grandes choses, mais savent, dans la vie, parler simplement à tout le monde et communiquer avec humanité.
En la voyant pour la première fois, on croyait la connaître depuis toujours.
C’était une amie.
MICHÈLE CAMUS