À quelques semaines près, René Bidouze aurait pu être centenaire. Il aura gardé jusqu’au bout sa lucidité, sa pugnacité et ses passions.
Pyrénéen d’origine modeste, il fut un jeune militant politique dès les temps du Front populaire et il exerça après-guerre des responsabilités fédérales au sein du PCF, dans son département natal, les Basses-Pyrénées devenues depuis Pyrénées-Atlantiques. Fonctionnaire brillant des contributions indirectes, il devint permanent du mouvement syndical en 1958. Il y occupa très vite d’importantes responsabilités, dans son syndicat d’origine, puis à la tête de l’Union générale des fédérations de fonctionnaires (UGFF) entre 1970 et 1978.
Ce travailleur acharné s’affirma ainsi comme un spécialiste reconnu de la fonction publique, bataillant pied à pied pour les revendications de ses collègues et multipliant les études, militantes et érudites. Après quelques années de retour dans son corps d’origine, il accepta en juin 1981 de prendre la direction du cabinet d’Anicet Le Pors, devenu ministre délégué chargé de la fonction publique et des réformes administratives dans le second gouvernement Mauroy. Avec Guy Braibant, il fut ainsi un artisan majeur du grand statut général des fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales, toujours en vigueur aujourd’hui. Plusieurs ouvrages remarqués jalonneront ces efforts d’une vie, notamment l’ouvrage collectif sur l’Histoire de la fonction publique en France, paru en 1993, où il proposa une dense synthèse sur la Troisième République.
Membre du Conseil d’État de 1983 à 1987, ce spécialiste de l’administration et du droit fut aussi un grand ami de la Commune. Il se passionna très tôt pour Lissagaray, d’origine basque lui aussi, et s’en fit le biographe en 1991, avant d’élargir ses recherches et ses réflexions. Vice-président de notre association, il coordonna ainsi pour elle l’imposant Guide des sources de la Commune de Paris et du mouvement communaliste (1864-1880), publié par la Documentation française en 2007, en collaboration avec la direction des Archives de France et le soutien de la Ville de Paris.
Sa dernière publication personnelle d’envergure a été l’ouvrage publié en 2004 au Temps des Cerises, sous le titre La Commune telle qu’en elle-même. René Bidouze nous y laisse une réflexion engagée sur l’événement communard et y ajoute un magnifique tableau exhaustif des 54 décrets et des 207 arrêtés adoptés par les institutions communales.
L’association des Amies et amis de la Commune de Paris 1871 s’honore d’avoir eu une telle personnalité en son sein. Quant aux signataires de cet article, ils ont eu la chance insigne de le rencontrer, quelques semaines à peine avant sa disparition. Ils garderont le souvenir ému d’un homme debout, chaleureux et combatif jusqu’à son dernier souffle. C’est un bonheur d’avoir pu cheminer avec lui.
René aura bénéficié jusqu’au bout de l’attention aimante de sa fille Marianne et de tous les siens. À toutes et tous, nous adressons nos plus affectueuses pensées.
Claudine Rey et Roger Martelli
Bibliographie sommaire :
1. Sur le syndicalisme des fonctionnaires, la fonction publique, l’administration
Les fonctionnaires, sujets ou citoyens ? 2 tomes, Éditions sociales, 1979 et 1981.
Histoire de la fonction publique en France, Nouvelle Librairie de France, 1993, tome III.
« Où va la fonction publique française ? », Revue administrative, n° 287, octobre 1995, PUF, p. 501-505.
2. Sur la Commune de Paris
Lissagaray, la plume et l’épée, Éditions ouvrières, collection « La part des hommes », 1991.
72 jours qui changèrent la cité. La Commune de Paris dans l’histoire des services publics, Le Temps des cerises, 2001.
La Commune de Paris telle qu’en elle-même. Une révolution sociale aux avant-postes de la République, Le Temps des cerises, 2004, réédition 2009.
Guide des sources d’archives de la Commune de Paris et du mouvement communaliste (1864-1880), Sous la direction de René Bidouze. (Amis de la Commune de Paris, Direction des Archives de France, Ville de Paris). Préface de Bertrand Delanoë, Documentation française, août 2007.