« Photographie et identification, du Second Empire aux années soixante », tel est le thème de l’exposition présentée jusqu’au 26 décembre, au musée des Archives nationales, à Paris.
« Alessio P., 23 ans en 1855, terroriste ; Emma C., 28 ans en 1865, femme galante ; Armand H., 38 ans en 1871, communard… »
Quoi de commun entre ces individus ? Ils ont tous été fichés. Leur photographie figure dans un registre ou sur une fiche signalétique. Sous le Second Empire, la préfecture de police collecte des portraits-cartes, procédé inventé en 1854 par Disdéri, pour repérer les individus recherchés. Les archives de la Préfecture ayant été détruites pendant la Commune, il est difficile d’évaluer l’ampleur de ce procédé. Seuls quelques albums de la police des mœurs témoignent de ce fichage.
La répression de 1871 marque un tournant dans l’usage policier de la photographie. Les services de la préfecture de police font alors appel au photographe Eugène Appert pour réaliser les portraits des communards détenus dans les prisons de Versailles. Ces clichés sont joints aux dossiers d’instruction. Ceux des communards les plus célèbres sont commercialisés dans les boutiques pour satisfaire la curiosité du public. Dans une vitrine de l’exposition, on peut voir un exemplaire du fameux Missel des communards, un album photographique où figuraient le signalement et le portrait des insurgés recherchés par la police (1). À la page où il est ouvert, on peut lire la fiche de Chalain Louis :
« Tourneur sur cuivre, membre de la Commune (17e arrdt), dernier domicile : rue Lacroix. »
À la lettre C figurent également les portraits et notices de Henry Champy, Gustave Cluseret et Gustave Courbet.
L’exposition des Archives nationales montre comment le fichage, d’abord appliqué à un petit nombre de délinquants, a été étendu à des catégories de plus en plus nombreuses, jusqu’à concerner l’ensemble de la population, par le biais de la carte d’identité imposée par Vichy. Au-delà des techniques policières de contrôle et de surveillance, c’est toute la complexité des rapports entre l’Etat et les citoyens qui se trouve ainsi révélée.
FRANÇOIS ZIMMER
Archives nationales : Hôtel de Soubise, 60, rue des Francs-Bourgeois, Paris 3e.
Site : https://archivesnationales.culture.gouv.fr
Note
(1) Lire le bulletin La Commune N° 41, premier trimestre 2010 : La Commune vue par la police