Jacques Rougerie et Robert Tombs ont écrit un article paru dans Histoire des mouvements sociaux en France de 1814 à nos jours (1). Ils se demandent si la Commune a été « un mouvement social urbain » au sens de concepts de sociologues : mobilisation, formation de consensus, but et revendications ou construction d’une identité.

Les gardes nationaux du Comité Central remontant à leur parc, les canons de Montmartre le 18 mars 1871.

Les gardes nationaux du Comité Central remontant à leur parc, les canons de Montmartre le 18 mars 1871.

Pour la mobilisation, ils notent que lors de la tentative de reprise des canons le 18 mars, elle est d’abord circonscrite à une « quarantaine de bataillons populaires du Nord et de l’Est parisiens ». Le gouvernement s’est enfui, Paris est libre mais « Rien qui permette, au soir du 18 mars, de parler de situation révolutionnaire ». « Lors des élections du 26 mars, on ne peut pas dire non plus que Paris se soit mobilisé en masse », avec près de 48 % des inscrits, soit un « mélange confus de réactions allant peut-être de l’enthousiasme à un attentisme probablement majoritaire ? ». C’est plutôt hors de l’assemblée que « se serait faite la vraie mobilisation des énergies révolutionnaires » grâce aux clubs, aux journaux révolutionnaires et aux solidarités nées depuis la guerre de 1870. À propos de la formation de consensus, du but et des revendications, s’agit-il des « droits de la cité », de « s’administrer soi-même », formulations diverses cohabitant avec des revendications très concrètes pour la séparation de l’Église et de l’État, les loyers, l’instruction du peuple et les droits des citoyens également soldats ? Par ailleurs y a-t-il eu construction d’une identité ? En réalité « l’insurrection a été le fait d’une population, d’un ‘‘peuple’’ composite dont on perçoit mal ce qui fait l’unité », des élus à ceux d’en bas.

Rougerie et Tombs indiquent que pour les sociologues « un mouvement social serait un ‘‘agir ensemble intentionnel dans une logique de revendication’’», alors que « l’historien suit, lui, pas à pas, le cheminement d’une action qui n’est pas forcément logique ». Ils notent le « caractère à la fois utopique et aventureux de ce qu’il convient d’appeler la révolution de 1871 » et ils reprennent à leur compte les points de vue de Charles Longuet (1839-1903), acteur de 1871, pour qui la Commune fut « une révolution sans précédents, dans l’histoire » et de Paul Ricoeur (1913-2005) pour qui « la vérité en histoire reste en suspens, plausible, probable, contestable, bref, toujours en cours de réécriture ».

ALINE RAIMBAULT

 

Note

(1) Michel Pigenet et Danielle Tartakowsky (dir), Histoire des mouvements sociaux en France de 1814 à nos jours, La Découverte/Poche, 2014, p.141-151 ; texte évoqué par Quentin Deluermoz par un de ses articles du livre de Michel Cordillot (coord.) /La Commune de Paris 1871 Les acteurs, l’événement, les lieux, Les Éditions de l’Atelier/Éditions ouvrières, 2020, p. 1230 (29)

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