La Commune de Paris, qui par certains aspects se rattache aux révolutions de 1789, 1830, 1848, annonce les grandes révolutions victorieuses du XXe siècle. Pour la première fois au monde, la classe ouvrière est reconnue comme le seul mouvement capable d'initiative sociale.
La grande mesure sociale de la Commune est d'abord sa propre existence.
Elle ouvre la porte à ce qu'on appellera plus tard le gouvernement du peuple par le peuple.
Novation inouïe, la source du pouvoir ne réside plus dans des lois préparées par un parlement, mais dans des initiatives venant d'en bas.
La police, l'armée ne sont plus des corps organisés, mais le peuple tout entier.
Les fonctionnaires sont placés sous le contrôle du peuple et révocables par lui.
Le Pouvoir du peuple, encore vague, peu organisé, a retenu les leçons d'une révolution accaparée, celle de 1848, des contraintes du Second Empire, des hypocrisies de 1789 et demande une véritable démocratie politique, économique, sociale.
Étrange victoire que celle remportée après l'affaire des canons, sur l'extraordinaire impuissance du pouvoir de Versailles, victoire sans combat, sans lutte, sans violence, par une foule anonyme. Aucune organisation ne l'a préparée, ni le Comité Central de la garde nationale, ni le comité des vingt arrondissements, ni les Comités de Vigilance des quartiers, ni l'internationale.
Des hommes issus des différents mouvements se sont levés, ont pris des initiatives individuelles. Inconnus hier, en un seul jour, mandatés par le Comité Central de la garde nationale, ils siègent à l'hôtel de Ville.
Insolite pouvoir qui lève l'état de siège, rétablit la liberté de la presse, de réunion, d'association, abolit les conseils de guerre, accorde l'amnistie à tous les condamnés politiques, qui ne prend pas d'initiative militaire et ne s'attaque pas aux puissances de l'argent.
Extraordinaire assemblée que celle issue des urnes le 26 mars 1871 : À part quelques bourgeois enrichis qui s'élimineront d'eux-mêmes ou démissionnent rapidement, elle se compose d'employés, d'instituteurs, de médecins, de journalistes, d’un nombre inhabituel d'ouvriers.
Tendances diverses, courants de pensées nombreux, militants de l'internationale, membres des chambres syndicales, ouvriers, artisans, républicains, socialistes révolutionnaires, on ne saurait déceler de partis, d'organisations structurées, la majorité votant avec la minorité et vice-versa. Confrontés à une situation difficile a surmonter, et pour laquelle ils se sont nullement préparés, ils se mettent au travail.
Ce ne sont pas des hommes au pouvoir, mais le peuple tout entier qui discute non seulement des problèmes immédiats d'organisation, de défense, mais aussi de questions plus générales : la Femme, la société, les relation du capital et du travail.
Énorme ambition qui inclue, sans idées préconçues, sans plan préétabli, sans méthode intangible, dans une suite d’improvisations extraordinaires, la destruction de la société et du gouvernement traditionnel pour les remplacer par une société entièrement nouvelle, visant non plus au gouvernement des hommes, mais à l'administration des choses par les hommes eux-mêmes. Ils avaient
« la mission d'accomplir la révolution moderne la plus large et la plus féconde de toutes celles qui ont illuminé l'Histoire ».
Par la puissance du mythe révolutionnaire, par l'espoir suscité, la Commune de Paris a tracé la voie à une société qui ne serait plus gérée au profit du capitalisme dans l'intérêt de la bourgeoisie mais qui déboucherait sur le socialisme.
La Commune de Paris 1871 ne demeure-t-elle pas d'une brûlante actualité ?
Henri Berguerand