Roze Tuboeuf : L'espoir du bonheur au goût amer
Roze est la deuxième enfant du second mariage de Jean-François (1800-1874), charpentier et propriétaire, et Anne Siguret, au lieu-dit de Montcocu (village de 32 ménages et 141 habitants en 1866), commune de Baraize (849 habitants en 1866). Elle naît le 12 février 1830.
Elle se marie à 17 ans avec Justin Vincent Malesset (natif d'Orsennes) le 17 janvier 1847 à Baraize ; il était compagnon charpentier chez Jean-François Tuboeuf en 1846. Neuf mois plus tard, le 18 septembre 1847, va naître Jean-Baptiste Eugène, à Montcocu, puis Jeanne, le 22 avril 1849, toujours à Montcocu.
La vie parisienne
La famille Malesset est du nombre de ces migrants de province — le Berry n'y a pas fait exception —, à aller s'installer à Paris après le Second Empire. Ils aspirent à une vie plus aisée, à une avancée sociale. La réalité est autre, leur vie sera celle de nombreux ouvriers.
Roze sera la seule des sept enfants Tuboeuf à aller à Paris : elle est alors blanchisseuse, son mari est menuisier. La famille part à Paris entre 1851, où elle est recensée à Montcocu, et 1855, où l'on trouve une trace de la famille au 34 rue Vaneau dans le VIIe arrondissement, où va naître Pierre Henri, le 22 août 1855. Pierre Henri, menuisier, se mariera à Poissy en 1892.
Le 20 avril 1857 naîtra Charles Victor Henri à Paris (15e) ; il décède le 26 février 1860 au 24 rue des Fourneaux (Paris 15e). Vers septembre 1859, c’est la naissance de Célestine Rose, qui décède le 13 mars 1860, âgée de 7 mois, au domicile de ses parents au 24, rue des Fourneaux. Le 24 rue des Fourneaux sera par ailleurs le domicile de plusieurs migrants natifs du canton d'Éguzon.
En février 1862, arrive la première condamnation à trois mois de prison de son fils Jean-Baptiste Eugène, menuisier, pour vol. Il sera régulièrement condamné jusqu'en septembre 1868, date à laquelle il est condamné à deux ans de prison à la maison centrale de Poissy, pour vol.
Le 18 avril 1862, Léonard Victor naît au 33 rue des Fourneaux ; il est enlevé par une femme le 28 septembre 1863 devant le domicile de ses parents (1).
Le 17 avril 1865, c’est encore une nouvelle naissance, celle de Marie Antoinette, au 21 rue Poinsot (Paris 14e). En 1868, Jeanne, sa fille, est blanchisseuse et épouse Charles Julien Dieulessaint le 5 décembre à Paris (14e). Les archives de Paris jusqu'à 1860 ayant disparu, nous manquons d'informations concernant sa complète descendance.
La famille a une vie de dur labeur, de douleurs, entrecoupée de déménagements, de naissances, de deuils : c’est la vie de milliers de migrants de province ayant contribué à l'essor économique et industriel de Paris. Malgré un quotidien difficile, les enfants vont à l'école, Jean-Baptiste sait lire et écrire (mention portée sur sa fiche à son arrivée au bagne en janvier 1872). Pierre Henri sait également signer. Roze perfectionnera son écriture. À son mariage, elle savait à peine signer ; en 1868 au mariage de sa fille, sa signature est celle d'une femme affranchie.
Vie de la famille pendant la Commune
En 1871, Roze a un emploi de blanchisseuse, profession d'un bon nombre de femmes des classes populaires, et Justin Vincent est menuisier. Ils demeurent 64 chaussée du Maine (Paris 14e).
Elle est de ces femmes qui s'opposent à ce que les troupes de Thiers s'emparent des canons appartenant aux Parisiens. Elle espère une amélioration des conditions de vie du monde ouvrier. C'est donc tout naturellement qu'elle participe à la journée du 18 mars, premier jour de l’insurrection active (la Commune sera proclamée le 28 mars). Petite femme de 42 ans aux cheveux blancs, elle est sur les barricades, drapeau rouge à la main.
Arrêtée, Roze est emprisonnée à Versailles et transférée à la prison d’Arras, le 18 novembre 1871. Le 28 février 1872, elle est transférée à Versailles, suite à une ordonnance de non-lieu.
Le 22 novembre 1871, son fils Jean-Baptiste est condamné pour vol et effraction à huit ans de travaux forcés, il est domicilié chaussée du Maine. En 1874, il est de nouveau condamné à cinq ans de travaux forcés pour tentatives d'évasion. Il décède à Païta en Nouvelle-Calédonie, le 12 juin 1884.
Roze décède le 23 février 1880, à l'âge de 49 ans, à son domicile au 102 avenue du Maine. Son mari décède le 30 janvier 1881, à Paris 14e.
La commune de Baraize pendant la Commune de Paris
Au moins neuf natifs de Baraize ont été arrêtés pendant la Commune de Paris. Les huit hommes font partie de la Garde nationale, six d'entre eux sont maçons. L’un d’entre eux reviendra à Baraize le 30 mars 1871, porteur d'une carte de la Société garibaldienne. Il proclamait, selon la justice, que « la Commune de Paris allait faire mettre à mort tous les prêtres et que lui-même se chargerait du curé de Baraize dans le domicile duquel il essaya deux fois de pénétrer ». Pour ces propos, il fut condamné par le Tribunal de la Châtre le 21 avril 1871 à quatre mois de prison.
Lors d'une session extraordinaire du 2 avril 1871, le Conseil municipal vote une adresse en faveur du gouvernement de Versailles, mais deux conseillers n’y apposent pas leur signature, signe du temps à venir.
LUCETTE LECOINTE
Note
(1) Le Temps du 28/09/1863, Le Petit Journal du 4/10/1863
Sources :
Archives départementales de l'Indre.
Archives départementales de Paris, archives reconstituées de Paris.
Archives ANOM, Nouvelle-Calédonie, dossier individuel des condamnés aux bagnes matricule 4746 réf FR ANOM COL H 386.
Registre d’écrou de la maison d'arrêt et de correction d'Arras, Pas-de-Calais.
Registre des délibérations du Conseil municipal de Baraize.