Homme de lettres, il entra pourtant à la fin du Second Empire, dans l’équipe du Cri du Peuple, fut condamné successivement à deux mois de prison en 1869 puis à trois mois en 1870, pour délits politiques.
Il participa à la guerre contre la Prusse dans un régiment de zouaves et, après la proclamation de la Commune, devint Commissaire spécial du cabinet de Raoul Rigault. C’est alors qu’il est envoyé à Lyon, avec la mission de faire ajourner les élections du 30 avril 1871, consultation destinée à empêcher, par un scrutin légal, la proclamation révolutionnaire d’un pouvoir soutenant Paris. Il arrive dans la capitale rhodanienne, après un détour par Bâle, aux alentours du 20 avril 1871. Le 25, il rencontre la maire radical Hénon, mis en place lors de la chute de l’Empire, pour le sommer de renvoyer les élections. En vain.
Bakounine avait précédé à Lyon les émissaires de la Commune de Paris, et dès le 28 septembre 1870, avait tenté un véritable putsch avec l’appui de la section de l’Internationale dirigée par son disciple Albert Richard. Après avoir contrôlé par surprise l’Hôtel de Ville et fait apposer des affiches annonçant « l’abolition de l’Etat », il avait proclamé la « Commune de Lyon » avant de s’enfuir avec ses amis devant des gardes nationaux descendus de la Croix-Rousse !
Cette équipée malheureuse avait gravement affaibli le potentiel insurrectionnel de la ville, mais on ne pouvait encore espérer un sursaut des « mobiles » de l’armée de l’Est rapatriés de Belfort.
Le 30 avril 1871, date des élections légales, on vote à Lyon –sauf dans le faubourg de la Guillotière. La mairie est occupée, protégée par des barricades. Les troupes « fidèles » dirigées par le Préfet Valentin finissent par donner l’assaut. La bataille commence vers 19 heures le 30 avril et toutes les barricades de la Grande Rue de la Guillotière sont tombées le 1er mai vers 11h20. [1]
Arrêté, Caulet de Tayac qui a refusé de s’échapper est condamné par le premier Conseil de guerre, le 13 décembre 1871, à la déportation dans une enceinte fortifiée. Malade, il est déporté en Nouvelle Calédonie où il sera l’ami de Louise Michel. Gracié le 31 octobre 1876, il peut payer son retour en France, à la faveur d’un héritage, en passant par Sydney. Il meurt en 1877.
Le 21 mars 1872, de sa prison, Caulet de Tayac envoyait ce message à ses amis :
« Citoyens, du fond de ma prison, j’apprends que vous n’avez pas désespéré du salut de notre cause, que, définitivement vaincus, vous vous cherchiez les uns les autres pour vous préparer à la lutte prochaine qui assurera son triomphe sans retour. Laissez-moi vous crier courage !
Oui, courage, lyonnais, formez vos cohortes et pour le dernier combat de la grande guerre de la Raison contre l’Erreur, de la Justice contre l’Iniquité, de la Vérité contre le Mensonge, de la véritable Égalité contre les Abus.
Que manque-t-il à notre cause pour triompher enfin ?
Le nombre ? Non, puisque nos oppresseurs sont un quand nous sommes milles.
Le dévouement ? mais depuis un an nos martyrs se chiffrent par milliers et nos ennemis trouveraient-ils dans leurs rangs des Ferré, capable de rire avec dédain en face du peloton d’exécution ,
Le droit ? mais le socialisme n’est que la revendication de tous les droits violés.
Pour vaincre nous n’avons qu’à nous entendre et à vouloir. Et qui, parmi nous ne le veut pas ?
Je ne sais, citoyens, si, quant éclatera la lutte, je serai à côté de vous, des océans nous sépareront peut-être, peut-être le climat des tropiques aura fait l’œuvre des soldats versaillais, mais qu’importe un seul, surtout s’il a été assez heureux pour communiquer à quelques autres son dévouement à la cause ; s’il a eu ce bonheur, il a fait son ouvre et, vaincu et prisonnier, je n’ai pour le moment rien d’autre à espérer.
Mais vous, citoyens, travaillez, travaillez sans cesse, sans vous arrêter, sans vous reposer un instant et vous vaincrez ! » [2]
Maurice Moissonier, 24 juin 2002
Notes :
[1] Sur la barricade de la Grande rue de la Guillotière, on relève le 1er mai, 13 morts. Le plus vieux : Michel Révol, 63 ans, de la Guillotière ; le plus jeune : Joseph Geoffray, 18 ans, tisseur à la Croix-Rousse et une femme Marie Bure, frangeuse à la Guillotière, 50 ans.
[2] Archives départementale du Rhône – Insurrection de la Guillotière – Dossier Audouard, détenu de la Commune – Ce dernier, condamné par contumace à la déportation dans une enceinte fortifiée avait pu se réfugier en Suisse, le 1er avril 1872, revenu secrètement à Lyon, il est arrêté place Bellecour et on trouve sur lui cette lettre. Rejugé, le 2 août 1872, le Conseil de guerre l’acquitte par cinq voix contre deux. Il adhère à nouveau à une section de l’Internationale à la Guillotière et combat, le 15 août 1873, l’autonomie des groupes préconisée par les anarchistes. De nouveau arrêté, il est condamné à un an de prison le 25 avril 1874 (affaire dite du « complot de Lyon »).