L’homme de sciences.
Par sa naissance, Gustave Flourens [1] appartient au milieu aisé de l’élite parisienne. Son père, Pierre Flourens, un temps député et pair de France, est un physiologiste renommé, professeur au Muséum et au Collège de France.Après des études brillantes en lettres et en sciences, il est autorisé, à 25 ans, à suppléer son père dans sa chaire d’histoire naturelle. Très suivis, ses cours matérialistes et athées sont rapidement interrompus par le pouvoir bonapartiste. Ils sont néanmoins publiés sous le titre Histoire de l’Homme, tandis qu’il a rejoint l’Angleterre, puis la Belgique où il est un conférencier recherché.
Le révolutionnaire.
Idéaliste, il s’enthousiasme pour les mouvements de libération nationale que connaît l’Europe et s’engage très tôt dans le combat révolutionnaire sans frontières. Déjà en 1863, il est parti en Pologne, attiré par le soulèvement anti-tsariste. Mais, lassé des luttes partisanes, il écourte son séjour.
C’est en Grèce, en 1866-1868, que se forge son image de combattant intrépide. Au sein d’un groupe de volontaires, il participe à la rébellion victorieuse contre la domination turque en Crète, qu’il représente ensuite à Athènes. En route, il était entré en maçonnerie à L’Union d’Orient, à Constantinople.
De retour à Paris, il se lance, auréolé de prestige, dans le mouvement d’opposition engagé contre l’Empire. Chroniqueur militaire à La Marseillaise d’H. Rochefort, il est surtout un homme d’action, favorable au coup de force comme Blanqui dont il est proche. Il tente ainsi de fomenter la révolte lors des obsèques de Victor Noir en janvier 1870.Pourchassé, il repart en exil et revient à Paris au début du siège.
À Belleville où il vit, il est désigné chef des bataillons. À leur tête, il conduit, avec Gabriel Ranvier, l’insurrection du 31 octobre à l’Hôtel-de-Ville contre le gouvernement de Défense Nationale que dirige le général Trochu.
Le soulèvement maté, il est incarcéré à Mazas d’où il est délivré en janvier 1871 par ses troupes, menées par son compagnon d’armes italien en Crète, Amilcare Cipriani [2].
Le « martyr de la liberté ».
Élu largement par le XXe arrondissement lors des élections à la Commune, il opte naturellement pour la Commission militaire et se consacre à la conduite des opérations contre l’armée versaillaise.
Nommé général, il participe, à la tête de la XXe légion, sous les ordres de Bergeret, à la sortie désastreuse sur Versailles du 3 avril.
Réfugié dans une auberge, près de Chatou, après avoir assuré la retraite de ses troupes, il est surpris par des gendarmes qui le tuent froidement.Inhumé dans l’intimité au Père-Lachaise, le héros martyr suscite aussitôt un culte.
Son livre testament, Paris livré, est un gros succès de librairie et en hommage, un corps franc illustre se baptise les « Vengeurs de Flourens ».
La légende s’est néanmoins vite estompée, au point que son rôle dans le mouvement communaliste est encore souvent ignoré.
ÉRIC LEBOUTEILLER