Journaliste au « Cri du peuple » - membre de l'internationale et du Comité central républicain des 20 arrondissements de Paris - Sous la Commune, Secrétaire général administrateur du 13e arrondissement, puis secrétaire général de la Questure de la Commune.
Le 19 mai 1871, lors de l'arrestation des dominicains d'Arcueil, il interroge les moines et mène une enquête sur leur prétendu espionnage, et arrive à la conclusion que les Dominicains sont complètement innocents.
Le 25 mai, après l'évacuation du fort de Bicêtre, les Dominicains sont amenés dans le 13e arrondissement et enfermés dans la prison du secteur, 38 avenue d'Italie. A 16 h 30, les prisonniers sont relâchés mais la foule, exaspérée par l'avance des Versaillais ivres de carnage, tire sur les soutanes.
Lucipia n'a pris aucune part à cette tragédie, mais il est condamné à la peine de mort par le 6e Conseil le 17 février 1872, peine commuée le 23 mai en travaux forcés à perpétuité. Il est gracié le 8 mai 1880.
A son retour du bagne, il est journaliste au « Radical » puis à « la Justice » de Clemenceau - Dreyfusard - conseiller municipal du quartier des Enfants-Rouges - président du Conseil Municipal de Paris en 1899 - auteur de l'article sur « la Commune » dans la grande encyclopédie du XIXe siècle.
Marcel Cerf
Un autographe retrouvé de Lucipia
Ce fut d'abord dans un catalogue envoyé par un ami libraire de province, une lettre d'un Communard condamné à mort, signature illisible. Mais une citation concerne l'Affaire des Dominicains. Il n'en fallait pas plus pour exciter la curiosité de l'habitant du XIIIe que je suis qui cherche à relever le défi de mettre un nom sur cet inconnu.
Il s'agit d'une feuille (13,3 x 20,7), pliée en deux, écrite à l'encre noire :
Versailles, samedi 25 mai 72 / 9h matin, / Monsieur le Docteur, faites / moi l'amitié de prévenir le / coup que pourrait porter à ma / mère une fausse nouvelle. / Tous les condamnés à mort de / l'affaire dite des dominicains / n'ont pas été exécutés je reste / avec Pascal. // Que fera-t-on de moi je l'ignore / encore, mais tout porte à croire / que (je) ne l'ignorerai plus longtemps. / Ma santé est bonne, relativement . / les membres ne sont plus douloureux / (au verso) le cœur se fait oublier, mais / la vue s'affaiblit de jour en jour / Qu'en résultera-t-il ? // Merci des secours que vous / prodiguez à ma mère; c 'est là plus / encore que l'amitié et l'estime que / vous me témoignez, un titre à ma / profonde reconnaissance. // Agréez, l'expression de l'affection / sincère de votre tout dévoué // (signature) // condamné à mort / cellule 73. Caserne T // rue des Noailles.
Mettre un nom sur l'auteur revenait à ajouter une dimension historique à un document singulièrement émouvant. La réponse se trouvait dans l'ouvrage de Gérard Conte : Éléments pour une histoire de la Commune dans le XIIIe arrondissement. (Éditions de la Butte aux Cailles, 1981.)
Des condamnés à mort de l'affaire des dominicains d'Arcueil, Sérizier, considéré comme principal instigateur, fut fusillé le 25 mai 1872 (le jour où la lettre fut écrite), mais deux furent graciés et déportés en Nouvelle-Calédonie : François Pascal (cité dans la lettre) et Louis Lucipia. En regardant de près sa signature, on déchiffre parfaitement après un double « L» (l'initiale du prénom accolée à celle du nom) le reste du nom de Lucipia.
Non seulement l'élément historique renforce l'intérêt humain du document, mais il le rend encore plus passionnant pour les « Amis de la Commune de Paris » quand on se rappelle que, comme un certain nombre de Communards réchappés des massacres de Mai et des vicissitudes de la déportation, Lucipia de retour en France participa activement à la vie politique de la IIIe République. Haut dignitaire de la Franc-maçonnerie, il finira, retour ironique du sort, Vice-président en 1894, puis Président en 1899 du... Conseil Municipal de Paris. La Mairie de Paris, décapitée par précaution, plaçait à sa tête un ancien Communard !
… sifflera bien mieux le merle moqueur...
Daniel Zinszner