Né le 9 février 1850, Émile Giffault, dessinateur, géographe et cartographe, participa aux événements de la Commune et laissa un témoignage particulier de son exil en Nouvelle-Calédonie.
Avant d’entrer dans la Garde nationale en 1870 et de participer au soulèvement d’octobre, Émile Giffault publia ses premières cartes dans un ouvrage du célèbre géographe Élisée Reclus, dont il fut aussi l’élève.
Accusé d’avoir participé à l’incendie de la préfecture de police de Paris du 24 mai 1871 où il occupait la place de sous-chef des archives, il est arrêté chez son père quelques jours plus tard, le 5 juin. Interrogé deux fois, à l’été 1871 et au début de l’année suivante, il est accablé à plusieurs reprises par deux anciens collègues de la préfecture. Émile Giffault nie l’ensemble des faits qui lui sont reprochés et il est condamné à la déportation le 3 février 1872 à l’âge de 21 ans.
Au départ du bagne de Toulon, il embarque à bord de la Virginie le 19 juin, pour un périple forcé de plus de 16 000 kilomètres (voir carte page suivante). Durant ces quatre mois de voyage, la Virginie réalisera plusieurs escales de quelques jours, afin de ravitailler l’équipage et les captifs. Parmi ces escales, l’île de Gorée dans la baie du Sénégal, lieu de la traite négrière, et l’île très isolée de Tristan Da Cunha. Quelques communards ont témoigné des conditions de vie très difficiles à bord des frégates où les captifs mangeaient peu et sortaient rarement sur le pont.
Vers la mi-septembre, la Virginie aborde la route des quarantièmes rugissants. La frégate contourne ainsi l’Antarctique et ses icebergs, toujours menaçants au début du printemps austral. Le bateau mettra encore deux mois pour atteindre l’est de l’Australie et poursuivre sa longue route vers Nouméa. À bord, Émile Giffault réalisera aussi plusieurs dessins de paysages qu’il conservera tout au long de son exil, malgré les conditions de voyage et de détention.
Déporté politique, il est débarqué sur la petite île de Nou, dans le bagne de l’anse de Paddon, aux alentours du 19 novembre et sera détenu en Nouvelle-Calédonie pendant 8 ans. En 1880, il peut enfin rentrer en métropole sur une frégate qui emprunte une autre route cette fois, celle du cap Horn.
Par la suite, il réalisera de nombreuses cartes pour des atlas et des ouvrages géographiques et travaillera pour plusieurs quotidiens comme Le Temps, pour lequel il illustrera notamment les élections législatives des mois de mai 1893 et 1898, ou L’Intransigeant dirigé par Henri Rochefort, célèbre évadé du bagne de Nouvelle-Calédonie.
Émile Giffault décédera quelques années plus tard en décembre 1906, dans le Ve arrondissement de Paris. La carte de son voyage est un des rares documents cartographiques conservés de la Commune. Émile Giffault la dédicacera à son ami Alphonse Humbert, journaliste et déporté comme lui et comme tant de communardes et communards sur l’île de Nouvelle-Calédonie.
GAËLLE SUTTON
Sources :
https://archives.touraine.fr/page/des-artistes-engages-dans-la-commune-de-paris-1871
Le procès d’Émile Giffault : http://sociologie-narrative.lcsp.univ-paris-diderot.fr/Le-proces-d-Emile
Ses réalisations cartographiques : https://data.bnf.fr/fr/15323977/emile_giffault/