LA FORCE DU TÉMOIGNAGE : « NOUS MANGEONS DE L’INCONNU » 

Eléonore Reverzy, Témoigner pour Paris. Récits du Siège et de la Commune (1870-1871), Éd. Kimé, 2020.

Eléonore Reverzy, Témoigner pour Paris. Récits du Siège et de la Commune (1870-1871), Éd. Kimé, 2020.
Les lettres d’Édouard Manet, les souvenirs de Maxime Vuillaume, les commentaires d’Edmond de Goncourt et tant d’autres textes rassemblés dans cet ouvrage par Eléonore Reverzy, ont la force du témoignage, le poids du vécu, l’intensité des sentiments. En ce sens, ils apportent un supplément d’âme à toute étude réalisée de nos jours. Ils ont de surcroît la sincérité de l’instant. En effet aucun d’entre eux, sauf vers la fin de la Semaine sanglante, n’est écrit en appréhendant la sinistre issue. 
La posture de véridicité du témoin est en effet déterminée par sa position dans l’espace : il est dans l’événement, à sa hauteur ; il côtoie les autres, il va au-devant d’eux ; les interroge, leur parle.
La démocratisation relative de l’instruction permet à de nombreux acteurs sans notoriété particulière, spectateurs des événements d’assurer « la transmission d’une expérience vécue, que l’on tente de faire partager affectivement à un destinataire », souvent avec une réelle qualité littéraire. 
 
L’anthologie proposée par Eléonore Reverzy débute avec la chute des aigles, le 4 septembre 1870, et s’achève dans le sang et la douleur à Satory. Douze sections regroupent les textes par thèmes, les combats, la vie quotidienne, la vie des clubs, la vie politique… L’intérêt de l’ouvrage réside aussi dans la présentation des événements sur les années 1870-1871. Au quotidien, les témoins rapportent les rumeurs et fausses nouvelles, mais aussi bientôt le froid, la faim, les queues dues au rationnement, l’espoir dans les ballons. Personne ne peut admettre qu’après tant de sacrifices, le gouvernement demande de livrer les canons et de rentrer chez soi. La faim dans les quartiers populaires mais pas seulement, lisons Victor Hugo :
Ce n’est plus du cheval que nous mangeons. C’est peut-être du chien. C’est peut-être du rat. Je commence à avoir des maux d’estomac. Nous mangeons de l’inconnu.

Au coeur de l’événement.

Verlaine, Catulle Mendès, des poètes soulignent la fête dans Paris fin mars, tout comme Manet et Berthe Morisot. Revivons l’installation de la Commune avec Lissagaray, Rossel, Lefrançais. Les lettres et journaux intimes de la bourgeoisie traduisent la peur, le dégoût à l’égard du peuple, un mépris de classe chez Edmond de Goncourt. 
 
Le temps s’emballe. Alix Payen soigne les blessés du fort d’Issy, Catulle Mendès témoigne de la démolition de la maison de Thiers, Courbet reçoit des menaces de mort. Les pages consacrées à la Semaine sanglante sont parmi les plus poignantes, l’élimination de la « vile multitude » sous les applaudissements abjects des tenants de la bourgeoisie. 
 

FRANCIS PIAN 

 
 

LEURS REGARDS, 150 ANS APRÈS 

Jacques Kurkdjian, Portraits de communards. Éditions Dittmar, 2021 
 
Jacques Kurkdjian, Portraits de communards. Editions Dittmar, 2021
 
Sur fond blanc, un drapeau rouge cerclé de noir. Des dizaines de noms, de portraits de femmes et d’hommes qui se sont battus pour une République universelle, démocratique et sociale. Un poème de Victor Hugo, les fusillés extrait de l’Année terrible. Un artiste Jacques Kurkdjian, la peinture fait partie de lui. Peut-être en songeant à ses aïeux fuyant les souffrances dans le désert de Syrie en 1915, Jacques Kurkdjian nous livre des portraits intenses de ces communards. L’oeil est triste, une larme noire coule sur les joues de Dmitrieff. Ils ont dû en baver pour leur engagement telle Florence Agar exclue de la Comédie française. La République bourgeoise était implacable. Fusillés, déportés et pourtant figés dans la dignité de leur combat. Regardez-les !! 
 
Sur chacun de ces dizaines de portraits, en fond, un Paris enfumé mais un soleil rouge sang qui refuse l’obscurité. Des regards de défi, d’autres de souffrance, d’humanité, parfois désabusés. Ils sont là les inconnus, les femmes et les hommes de Paris. « Place au peuple, place à la Commune ». 
 
Bien sûr certains noms nous sont connus. Leurs métiers montrent la diversité et la richesse du peuple. Ils sont ouvriers terrassiers, blanchisseuses, journalistes, bronziers, artistes peintres, sculpteurs… 
 
Un salut à Marseille, à Gaston Crémieux fusillé en novembre 1871, soulignons que Jacques Kurkdjian est originaire de cette ville. 
 
Des vies de roman pour ceux qui survécurent et reviennent souvent en France pour y finir leurs jours après tant d’espoir. Par ce livre, « ces dessins auront une autre vie, ils vont sortir de ses cartons pour s’exposer, faire réfléchir et faire prendre conscience de la beauté mais aussi de la fragilité de chaque vie. » 
 

FRANCIS PIAN 

 
 

LA CÉCILIA, UN RÉPUBLICAIN UNIVERSEL 

Patrice Vermeren, Le philosophe communeux, Napoléon La Cecilia, néo-kantien, philologue et général de la Commune de Paris. L'Harmattan, 2021.
 
Patrice Vermeren, Le philosophe communeux, Napoléon La Cecilia, néo-kantien, philologue et général de la Commune de Paris. L'Harmattan, 2021
 
Ce livre est un vibrant hommage à Napoléon. Napoléon La Cécilia bien entendu. « Le philosophe communeux », sous-titré Napoléon La Cécilia, néo-kantien, philologue et général de la Commune de Paris, est un livre d'histoire écrit par un philosophe érudit et passionné par son sujet. Et quel sujet ! La Cécilia, personnage méconnu, revêt une importance exceptionnelle comme témoin et acteur de la Commune. 
 
Né en 1836 il fut, dès l'âge de vingt ans, disciple de Charles Renouvier (1818-1903), républicain fidèle et néo-kantien, rédacteur à la Revue Philosophique. Mathématicien ensuite, géographe et philologue, il enseignera tant en Italie qu'en Alle-magne. En 1859, il rejoint l'armée de Garibaldi dans son combat pour l'indépendance italienne. Adhérent à l'Internationale des Travailleurs, récemment créée, il s'engage dans les Francs-tireurs de Paris pour défendre la République. Auréolé de faits d'armes éclatants, il est sollicité par la Commune et devient en tant que général, commandant de la place de Paris. 
 
Fidélité aux principes, cohérence politique et engagement permanent au service des idéaux républicains font de lui, selon sa propre expression, un « républicain universel ». Ajoutons également, et ce n'est pas rien, qu'il était polyglotte et parlait vingt-six langues ! Convenons donc bien qu'il y a matière. 
 
Et c'est bien le mérite du livre que de faire concordance de tous les témoignages recueillis aussi bien dans la correspondance fournie de La Cécilia que dans la mise à jour de documents des archives nationales. 
 
Condamné à mort par contumace le 31 octobre 1872, il est déjà exilé à Londres après une échappée rocambolesque hors de France. 
 
Et sa correspondance continue avec, entre autres, Victor Hugo qui le défendra après une mise au point sur de fausses rumeurs répandues par les versaillais et avec Karl Marx qui le pressentira pour la traduction (en italien) du Capital. 
 
Il meurt à 43 ans de la tuberculose. 
 
Voilà pour une vie, une histoire individuelle qui se marie si bien avec la grande Histoire. Nous laissons au lecteur le plaisir évident d'en découvrir toutes les subtilités et arcanes. 
 
Un regret néanmoins, pour la forme : une probable absence de relecture fait que le livre est rempli de répétitions inutiles et, parfois, composé de phrases longues et malhabiles. Avis aux éditeurs . 
 
Reste la statue de Napoléon La Cécilia, intellectuel engagé, défenseur de la Commune et républicain exemplaire. 
 

JEAN-ÉRIC DOUCE 

 
 
 

LA COMMUNE : PASSÉ OU AVENIR ? 

Jean-Baptiste Thomas, Découvrir la Commune de Paris, Éditions sociales, 2021.
 
Jean-Baptiste Thomas, Découvrir la Commune de Paris, Éditions sociales, 2021.
 
Le concept développé par Jean-Baptiste Thomas est intéressant : un petit ouvrage de 200 pages regroupant des articles, des extraits d’ouvrages, commentés et accompagnés de références de livres « pour aller plus loin ». Evidemment l’auteur prend parti, citant Jaurès :
on a beau regarder les événements du point de vue de l’histoire, il est impossible de développer ce grand drame sans s’y mêler. On va réveillant les morts, et à peine réveillés, ils vous imposent la loi de la vie, la loi étroite du choix, de la préférence, du combat, du parti pris, de l’âpre et nécessaire exclusion. Avec qui es-tu ? Avec qui viens-tu combattre et contre qui ?
Une grande promesse. Pour faire découvrir la Commune, Jean-Baptiste Thomas retient trois grands axes. Plutôt que de faire primer le tragique indéniable, il préfère mettre en avant la dimension constructive et festive de la Commune « qui reste une grande promesse, effective d’émancipation ». 
 
En deuxième lieu, il insiste sur la constitution d’un gouvernement des classes populaires lui donnant une tonalité résolument populaire. 
 
Enfin, il relève la créativité populaire de la Commune. Le monde du travail, celui des femmes, des hommes, des enfants de Paris, réalise du politique en prenant leur destin en main. 
 
À noter dans l’introduction, la référence à notre association « qui continue à faire vivre, au quotidien, cette expérience exception-nelle ». 

Une belle leçon politique.

Les thèmes forts de la Commune sont introduits par des textes d’acteurs de l’événement : les communardes par Nathalie Le Mel ; l’art pour toutes et tous par Courbet ; la république du travail par Albert Theisz ; l’école de la justice par Eugène Pottier ; un sinistre article de Zola justifiant la Semaine sanglante. D’autres réflexions de Marx, Jaurès, Lénine donnent une perspective aux idéaux de la Commune. 
 
Les commentaires de Jean-Baptiste Thomas insistent sur l’actualité des priorités économiques, sociales et politiques de la Commune. Surtout il montre que la différence entre les projets des Fédérés et ce qu’en ont fait les notables de la IIIe République. 
 
La Guerre civile en France de Marx sera l’un des premiers textes et l’un des plus conséquents, sur la Commune. Jaurès relève en 1907 que les ouvriers disposent de la grève générale et du suffrage universel. Lénine souligne dans L’État et la révolution, la nécessaire destruction de l’État et s’élève contre la bureaucratie. La Commune de Paris, une belle leçon politique ! 
 

FRANCIS PIAN 

 
 
 

ENTRE RÉALITÉ ET FICTION 

Frédéric Cuillerier-Desroches, La Victoire de la Commune 18 mars-28 mai 1871, Sdi Editions, 2021.
 
Frédéric Cuillerier-Desroches, La Victoire de la Commune 18 mars-28 mai 1871, Sdi Editions, 2021.
 
Faut-il refaire l’histoire même avec brio, en reprenant celle de La Commune entre le 18 mars et le 28 mai 1871 ? 
Ce récit fictif commence le 19 avril par la Déclaration au Peuple Français :
Quant à nous, Citoyens de Paris, nous avons la mission d’accomplir la révolution moderne, la plus large et la plus féconde de toutes celles qui ont illustré l’Histoire.
L’auteur mélange la réalité et la fiction, les vrais insurgés et de faux héros de la Commune. Il imagine comment, aidés par des hommes comme Clémenceau, Blanqui, Gambetta et bien d’autres, les communards auraient pu vaincre Thiers et les versaillais. En utilisant de vrais discours, de réelles réunions et l’argent de la Banque de France, l’auteur monte un scénario où la Semaine sanglante n’existe plus et les grandes réformes réalisées. 
 
Un pari réussi si on accepte de réécrire l’Histoire. Mais la vraie Commune n’est pas morte et ses grandes réformes se sont réalisées. Est-il nécessaire de suggérer qu’ils auraient pu faire mieux ? 
 

MAGUY ROIRE 

 
 
 

VIVE LOUISE MICHEL ! 

Sidonie Verhaeghe, Vive Louise Michel ! Célébrité et postérité d’une figure anarchiste. Éditions du Croquant, coll. « Sociologie historique », 2021. 
 
Sidonie Verhaeghe, Vive Louise Michel ! Célébrité et postérité d’une figure anarchiste. Éditions du Croquant, coll. « Sociologie historique », 2021. 
 
Louise Michel est la figure de proue médiatique de la Commune de Paris jusqu’à faire de l’ombre à ses autres héros et surtout héroïnes, diront certains. Ce qui est injuste, car ses Mémoires ont au contraire sorti de l’ombre nombre d’entre elles. 
 
Mais comment la postérité de Louise Michel s’est-elle construite ? 
 
Sidonie Verhaeghe, spécialiste de l’histoire sociale des idées anarchistes et féministes, en raconte le fil dans cet essai passionnant et accessible, fruit de dix années de recherche. 
 
De son vivant déjà, la célébrité de Louise Michel fait l’objet de conflits, qui prennent racine au procès qui la condamna à la déportation en Nouvelle-Calédonie, où elle montra une bravoure exceptionnelle. 
 
À son retour, pour beaucoup elle incarne la Commune et la révolution. Certains mettent l’accent sur ses valeurs féminines de bonté et de dévouement. D’autres en font une figure repoussoir, un objet de curiosité abondamment caricaturé. Une féministe, donc hystérique, aux traits monstrueux et au genre incertain. 
 
À sa mort en 1905, l’organisation de son enterrement donne lieu à une opposition entre les différentes mouvances révolutionnaires, suivant une ligne de fracture qui trouve ses origines dans la crise boulangiste et l’affaire Dreyfus. 
 
Commence alors une nouvelle histoire, celle de sa postérité. 
 
Le projet de statue à Levallois-Perret n’aboutira qu’au bout de quinze ans, se heurtant aux résistances institutionnelles autant qu’à celles des anarchistes, peu enclins à ce genre de glorification. 
 
À partir de 1921, le Parti communiste prend le leadership des commémorations, « appropriation » que les anarchistes, à nouveau, leur reprochent violemment. 
 
À partir des années 60, Louise Michel devient une figure républicaine jusqu’à être proposée en 2013 pour entrer au Panthéon. Dans les années 70, elle est intégrée dans l’histoire des femmes et devient une figure des mobilisations féministes. 
 
Un féminisme républicain et méritocratique, une vision individualisée de l’histoire dont ne se satisfait pas l’auteure, qui lui préfère celle, collective et conflictuelle, des luttes sociales. 
 
Louise Michel aurait approuvé l’essayiste. Son oeuvre et sa vie sont un exemple de cette vision collective et conflictuelle. Mais personne n’est maître de sa postérité. 
 

PHILIPPE MANGION 

 
 
 

RABBLE! A STORY OF THE PARIS COMMUNE 

Geoffrey Fox, Rabble! A story of the Paris Commune. Troubador (Royaume-Uni), 2021. 
 
Geoffrey Fox, Rabble! A story of the Paris Commune. Troubador (Royaume-Uni), 2021. 
 
Paré d’une superbe couverture rouge sang, Rabble ! est un roman en anglais paru cet automne. Il revisite, à sa façon, l’histoire de la Commune de Paris. 
 
L’auteur, Geoffrey Fox est un universitaire américain qui a fréquenté notre bibliothèque pour ses recherches. À partir d’une trame historique précise et vivante, il narre les péripéties d’Étienne Bonin, un apprenti relieur de 17 ans qui arrive de Lyon et de son amoureuse, Rose Durand, une jeune fille féministe de Belleville. Ensemble, ils vivent avec l’enthousiasme de la jeunesse les événements de la Commune de Paris. 
 
Le roman qui débute par la grande Exposition universelle de 1867 vaut pour la description de la ville capitaliste la plus avancée de son époque avec Londres. Le roman est aussi l’occasion pour l’auteur de rendre hommage aux différents métiers du monde ouvrier parisien qui a été véritablement au coeur de l’insurrection du printemps 1871. « Rabble » qu’on peut traduire par populace est surtout l'équivalent anglais le plus proche de « canaille ». Le mot désigne la façon dont les classes privilégiées décrivaient les ouvriers qui s’étaient insurgés pour bâtir un monde meilleur. 
 

ERIC LEBOUTEILLER 

 
 
 

ON LES APPELAIT PÉTROLEUSES 

Xavière Gauthier, On les appelait pétroleuses. Éditions Elyzad, coll. "Femmes de Méditerranée”, 2021.
 
Xavière Gauthier, On les appelait pétroleuses. Éditions Elyzad, coll. "Femmes de Méditerranée”, 2021.
 
Aller à l’essentiel est un exercice difficile et Xavière Gauthier le réussit ici avec talent. Mais cela ne s’improvise pas, la qualité dépend de ce que l’on est imprégné du sujet. L’autrice a consacré une partie de ses recherches et de son oeuvre aux femmes, en particulier à Louise Michel. Elle a établi et annoté la correspondance monumentale de la Grande Citoyenne, dans un ouvrage de référence : Je vous écris de ma nuit (*). 
 
Dans On les appelait pétroleuses, Xavière Gauthier met en avant cinq héroïnes de la Commune de Paris. Elle définit, par des sous-titres de chapitres judicieusement choisis ce qui caractérise chacune d’entre elles : Nathalie Lemel, pionnière de l’organisation syndicale, Paule Mink, libre-penseuse et socialiste, Élizabeth Dmitrieff « l’Internationale des femmes », André Léo la romancière engagée et bien sûr, Louise Michel à qui elle fait s’écrier « révolutions, mes amours ». 
 
Elles sont d’origine et de condition différentes, leur destin n’a pas été le même après la Commune, mais toutes cinq se sont retrouvées à lutter pour le même idéal au beau printemps de 1871. Ce qui ressort de ce précis, c’est leur intelligence et leur liberté, à l’inverse de l’image péjorative dont on a voulu les affubler en les appelant pétroleuses. 
 
Leurs revendications pour l’émancipation des femmes ont un socle commun : éducation égale à celle des hommes, salaire égal et plus de liberté. Celles-ci passent avant même le droit de vote. 
 
Leur discours est rempli d’espoir, elles croyaient à l’avènement d’un monde nouveau, sans préjugés, où existerait une « fraternité sérieuse de l’homme et de la femme » (André Léo), où « le peuple et la femme doivent être libres l’un par l’autre » (Paule Mink). 
 
Le monde a besoin d’héroïnes, aujourd’hui plus encore. Merci à Xavière Gauthier d’avoir réuni ces cinq-là, comme les cinq doigts de la main, poing levé. 
 

PHILIPPE MANGION 

 
(*) Les Éditions de Paris – Max Chaleil, 2005. 
 
 
 
 

GUSTAVE COURBET  -  AUX CONFINS DU BERRY ET DU POITOU 

Michel LeBrun-Franzaroli, Gustave Courbet aux confins du Berry et du Poitou, À compte d’auteur, 2021. 
 
Michel LeBrun-Franzaroli, Gustave Courbet aux confins du Berry et du Poitou, À compte d’auteur, 2021.   
 
Michel LeBrun-Franzaroli, artiste peintre, vient d’éditer un très beau livre retraçant les cinq semaines en 1856 que Gustave Courbet passe dans l’Indre en pays blancois où vit l’auteur. L’aspect particulier de l’ouvrage se trouve dans le style d’enquête choisi pour résoudre certaines interrogations sur ce séjour resté dans l’ombre jusqu’en 1977. 
 
Cette enquête apporte des éléments sur le sens politique de la visite et sur la pensée artistique du Courbet de l’époque. L’hôte, habitant Le Blanc, est Clément Laurier, jeune avocat ambitieux, bénéficiant d’une fortune considérable depuis la mort de son père. Présent à Paris en février 1848 et voulant certainement marquer sa différence politique d’avec ce père très conservateur, il prend contact en 1855 avec Courbet, artiste déjà reconnu, pour la réalisation de son portrait qui se fait finalement à Paris. Invité pour le mariage et une commande de Laurier, Courbet va séjourner dans le sud de la Brenne du 1er septembre au 4 octobre 1856. Sont-ils amis ? L’auteur ne le pense pas, le lien étant avant tout d’intérêt et de circonstance. 
 
Courbet réside alors chez les parents de la mariée à la Bretonnerie aux confins de l’Indre et de la Vienne : il y peint Mme Charles Maquet, la belle-mère de son hôte. Sur place, Courbet s’essaie aussi à réaliser plusieurs toiles pour lesquelles des pistes sont proposées. Pour celle dans la Vallée du Salleron près de la Bretonnerie (voir la couverture), l’emplacement est identifié, le tableau se trouvant aujourd’hui à la National Galery of Art de Washington. En revanche, pour celles de Fille avec des oies et de La fileuse bretonne , le lieu réel pose problème. Surtout le portrait de L’Amazone est troublant : présen¬ée comme étant la poétesse Louise Colet, il s’agit, d’après l’auteur, de l’épouse de Laurier dont le lien avec Courbet reste énigmatique. L’évolution politique de Laurier est notable : chef de cabinet de Gambetta en 1870 et donc républicain très avancé, élu député le 8 février 1871, il vire vite très à droite devenant maire du Blanc en 1874. Au moment de l’affaire de la colonne Vendôme, Clément Laurier n’agira pas pour Gustave Courbet qui l’épinglera de son exil. Un ouvrage aux illustrations de très belle qualité, mélangeant un fond historique et une vision artistique pour un regard bien original. 

JEAN ANNEQUIN 

 
 
 

UN ROMAN PLAISANT 

 
Edwige Fournier-Lemaitre, Être Dieu, si possible… Éditions Histoires Écrites, 2003. 
 
Au lever du rideau, Paris en mai 1871 : des corps ensanglantés, des images insupportables pour Eléonore qui se trouve là comme une dernière survivante. Devant ce tableau sanguinolent, horrifiée, elle hurle « Maudits soient le monde et celui qui l’a fait ». Eléonore Kardwell, de père irlandais et de mère française avait rêvé d’un autre monde. Elle avait refusé de se marier et voulait découvrir les mystères de la vie. Elle part pour Paris. Commence alors l’épopée où elle prend conscience de la pauvreté, de l’injustice, de la révolte des peuples que ce soit à Londres ou à Paris. Elle va y rencontrer l’amour de sa vie. Tout cela dans des envolées dignes de Scarlett dans « Autant en emporte le vent ». Et Dieu dans tout cela ! Bien mené, ce roman est plaisant à lire malgré ses 485 pages. 

MAGUY ROIRE

 
 

LA COMMUNE POUR LES JUNIORS 

Serge Rubin, Paris, la guerre et moi, Éditions du Jasmin, 2020.
 
Serge Rubin, Paris, la guerre et moi, Éditions du Jasmin, 2020.
 
Un chien, une fille, un instituteur sont les héros de ce livre attachant. Ki, le chien a trouvé refuge dans une tannerie sur les bords de la Bièvre, du côté de La Glacière dans le sud de Paris. Il s’attache à Catherine, jeune fugueuse de l’Assistance publique qui s’y cache. En échange, elle travaille dur en brassant les peaux, pieds nus, dans la boue. Un instituteur, élu de la Commune, découvre, en inspec-tion, Catherine. Il décide de l’adopter et le chien avec elle. Il lui apprend à vivre et à lire. Épris de justice, il est à l’écoute des Parisiens affamés, affolés depuis la défaite. Les communards sont prêts à lutter pour défendre leurs idées. 
 
Bien mené et avec beaucoup de suspense, ce livre est un excellent outil pédagogique pour faire découvrir ce que fut la Commune et l’histoire de Paris en 1871. 

MAGUY ROIRE

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